« II. Les Fêtes de Vendôme : Inauguration du Monument du Maréchal de Rochambeau
Si les cérémonies commémoratives comportent un précieux enseignement au point de vue patriotique, celles qui ont accompagné à Vendôme le dévoilement de la statue de Rochambeau ont eu, dans cet ordre d'idées, une éloquence et une intensité dignes de porter les meilleurs fruits.
Il y a à peine trois ans que s'était fondé à Vendôme un « Comité pour l'érection de la statue du Maréchal de Rochambeau », Comité dont le bureau composé en majeure partie d'anciens élèves du lycée de Vendôme s'était ainsi constitué :
Président d'honneur : M. Le Myre de Vilers (G.O. *), député de la Cochinchine.
Président : M. De Sachy de Fourdrinoy (O. *), lieutenant-colonel en retraite.
Vice-Président : M. Raymond Renou, *, ancien capitaine des chasseurs à pied. (...)
Cette souscription eut un succès rapide en France, comme en Amérique. Dès la première nouvelle de son ouverture, la ville de Philadelphie, le sanctuaire, le tabernacle des traditions de l'Indépendance américaine, envoya mille dollars. Bref, les vingt-cinq mille francs nécessaires à l'érection du monument furent couverts rapidement.
L'inauguration avait été fixée au 4 juin, lundi de la Pentecôte. Le dimanche à quatre heures du soir, M. le général Horace Porter, ambassadeur des États-Unis, s'était rendu à Vendôme (...)
Dans le train de Paris de 7h du matin avaient pris place, le 4 juin, MM. Le général de Butler et l'amiral Bayle de Jessé, représentant les ministres de la Guerre et de la Marine, Beau, représentant le ministre des Affaires étrangères, Bernardy, représentant le Minsitre des Colonies, G. de Sahune de Lafayette, le colonel Chaillé-Long, le commandant H. A. Huntington, les docteurs Michaels et Deering, M; et Mme Rosengarten, de Philadelphie, Stickney, trésorier de la section de Paris des Fils de la Révolution américaine et Stanton, délégué de la Presse américaine de Paris, et de nombreux invités de l'ambassade des États-Unis. (...)
A onze heures quarante,arrêt en gare de Vendôme, la musique municipale, la fanfare du 20e chasseurs à cheval, les pompiers ayant à leur tête les autorités font accueil aux invités. L'air vibre des hymnes officiels, les vivats éclatent sous le soleil ardent, les landaus se garnissent d'après les règles du protocole et défilent sous les acclamations des Vendômois.
Quel aspect inoubliable de la sympathique patrie de Ronsard ! De la gare à la vieille mairie gothique jusqu'au bord du Loir, toutes les rues, avenues et places publiques sont décorées, fleuries, pavoisées, enguirlandés, comme pour une fête-Dieu du bon vieux temps, et aussi ornées d'arceaux de verdure et de touchantes inscriptions florales, telles que : Souhaits de bienvenue ! Honneur à nos hôtes ! Vive l'armée ! Hommage à Rochambeau !
Ajoutons que dans la matinée avait eu lieu à l'église de la Trinité, décorée aux armes de France, de Vendôme et de Rochambeau un service funèbre à la mémoire du vieux Maréchal et des enfants de Vendôme tués en 1870.
Un déjeuner tout intime à la mairie de Vendôme a d'abord réuni les membres de la municipalité et divers invités, puis chacun s'est rendu à la cérémonie officielle d'inauguration sur la pittoresque place Saint-Martin, ombragée de vieux marronniers et sur laquelle sont dressées deux estrades symétriques, bordées d'invités.
Le secrétaire général de la Préfecture de Loir-et-Cher, M. Soubiran, président de la cérémonie, déclare la séance ouverte et donne la parole à M. Le Myre de Vilers, député de la Cochinchine, et Président d'honneur du Comité Rochambeau (...).
La société chorale parisienne les Enfants de Lutèce chante la Marseillaise et la fanfare du 20e chasseurs lui succède.
C'est ensuite le tour de l'ambassadeur des États-Unis, et devant vingt-mille auditeurs curieux et empressés, M. le général Horace Porter, d'une voix forte, pleine de conviction, en un excellent français, à peine nuancé d'un accent doux et charmeur, prononce le discours suivant (...)
La Société chorale chante ensuite le chœur célèbre de la Muette de Portici :
Amour sacré de la patrie
Sois mon audace et ma fierté
Puis le maire de Vendôme, M. Guillemot est le troisième orateur et non le moins applaudi.
Puis c'est le tour des membres de la société chorale les Enfants de Lutèce d'exécuter brillamment un chœur à quatre voix inédit, du compositeur et chef d'orchestre L. Grémont, avec paroles de Pascal Cauvin, l'Hymne à Rochambeau, dédié à M. le général Horace Porter, dans lequel sont intercalés quelques mesures du Hail Columbia!
Salut, heureuse Colombie,
Aux héros phalange infinie
Qui pour toi versèrent leur sang...
(...)
Visite au cimetière de Thoré.
Au retour, un lunch a été offert par Mme la marquise douairière de Rochambeau qui, avec une grâce exquise, a fait visiter le château plein des souvenirs du Maréchal, véritables reliques de famille. (...)
Le banquet officiel
Après ce pieux pèlerinage est venu le banquet du soir, donné à 7 heures, sous le marché couvert, tout garni de fleurs et de verdure et merveilleusement éclairé pour la circonstance à la lumière électrique. Cent vingt convives environ prenaient place autour d'une immense table en fer à cheval, dressée au milieu de l'édifice, et présidée par M. Soubiran, secrétaire général de la préfecture. Autour de lui s'étaient assis tous les hôtes de distinction que Vendôme était heureux de recevoir.
Au dessert, la musique municipale a fait entendre le Hail Columbia! et la Marseillaise, écoutés debout par toute l'assistance. (...)
Au dehors, la musique municipale joue les deux chants nationaux, tandis que les convives quittent le banquet.
M. le général Porter est très entouré, son aménité et sa parfaite bonne grâce ont conquis la ville de Vendôme, il serre avec effusion toutes les mains qui se tendent vers lui, et à plusieurs reprises, en témoignant toute sa joie, dit ces mots significatifs : Au revoir !
Au dehors la fête bat son plein, les rues et les places illuminées comme a giorno regorgent d'une foule joyeuse. Un feu d'artifice est tiré à 9 heures dans les Grands Prés, et M. le général Porter y assiste avec empressement, donnant à maintes reprises le signal des applaudissements.
Les bombes éclatent, les fusées raient l'espace, les gloires, les soleils, les feux tournants se succèdent, puis enfin voici le bouquet fulgurant et gigantesque représentant le monument de Rochambeau, immense gerbe de feu, qui provoque les acclamations de la population tout entière, et après quoi tout rentre dans le silence et la nuit.