1 - Blois au début du XXe siècle.
A la veille de la guerre, le développement urbain de Blois avait ralenti depuis quelques décennies : la ville n'avait pas beaucoup évolué depuis les grands travaux de la municipalité Riffault des années 1850 à 1870.
Située au coeur d'une vaste zone agricole et à un carrefour, elle avait gardé jusqu'au milieu du XIXe siècle une tradition de ville-marché. Elle avait alors connu un relatif développement industriel, notamment avec la création de ses deux principales entreprises autour de 1850 : la Chocolaterie Poulain et l'usine de chaussures Rousset. Portée par ce contexte favorable, la municipalité Riffault avait en une vingtaine d'années, entrepris d'importants travaux d'amélioration de la voirie : le percement d'une voie dans l'axe du pont, actuelle rue Denis-Papin, et celui de boulevards extérieurs, les actuels boulevards Eugène-Riffault et Daniel-Dupuis, qui permirent respectivement de relier à l'est et à l'ouest ville basse et ville haute. Ces ouvrages avaient amélioré la desserte des différentes parties de la ville entre elles, et confirmé son développement en direction du plateau, vers le nord-est et l'ouest.
Cette période fut trop rapidement interrompue, le développement économique du Second Empire s'affaiblissant dans les trente dernières années du siècle. La période qui suivit à partir des années 1870, ne vit que l'achèvement lent des travaux entrepris et l'abandon des projets. Quelques aménagements ponctuels furent effectués sans plan d'ensemble : la construction d'un nouveau marché métallique en 1890 et celle d'une nouvelle gare de chemin de fer ouverte au public en 1893. La ville ne retrouva pas cependant le dynamisme des années 1850 et 1860 avant la guerre.
Cet endormissement de la ville suscita d'ailleurs des attentes, exprimées en 1915 par l'architecte Arsène Lafargue dans son opuscule « Ce qu'on aurait pu faire à Blois depuis 50 ans. » Il y regrettait l'absence de plan d'ensemble et la période de latence en matière d'aménagement urbanistique. Il y déplorait certains aménagements tels que la construction de la gare dans l'axe reliant historiquement le château et la forêt de Blois et l'installation d'établissements industriels alentours, au gré de la vacance des terrains. Dans cette perspective, il proposait un projet de développement permettant de tirer parti du potentiel de Blois, et en particulier d'y développer le tourisme. A sa voix s'ajouta celle d'Hubert-Fillay, qui dans son rapport « Pour la renaissance de Blois », publié en 1919, invita les édiles et les Blésois à se saisir de l'occasion de la loi du 14 mars 1919 sur l'extension et l'embellissement des villes pour préparer l'avenir de Blois. L'équation à résoudre consistait pour lui à « sauver le caractère historique de la ville tout en préparant son expansion ».
Vues de Blois avant-guerre : la rue du Commerce. (Collection particulière, B. Guignard).
Après la loi Cornudet de 1919, le conseil municipal chargea effectivement l'architecte Renou d'établir le plan d'aménagement, d'embellissement et d'extension (PAEE). Plusieurs propositions furent présentées au début des années 1920 mais il ne semble pas qu'un plan définitif ait finalement été appliqué. Cette initiative constitua néanmoins une autre occasion de réfléchir au développement de Blois. Les acteurs locaux avaient donc déjà mûri à la veille de la guerre des projets d'urbanisme qui nourrirent sans doute ceux de l'après-guerre, la ville de Blois subissant en 1940 le cataclysme des destructions.
2 - Bombardements et ruines, juin 1940.
Après la « drôle de guerre », l'armée allemande envahit le territoire français à partir du 10 mai 1940 et entama une avancée rapide sur le territoire, atteignant Paris le 14 juin. Ce même jour, Blois vit défiler des colonnes de réfugiés en exode qui fuyaient l'envahisseur et traversaient la Loire en direction du sud. Rapidement et dans une grande panique, les Blésois se joignirent alors massivement au convoi. Le pont de Blois fut encombré par cette migration désordonnée jusqu'au soir du 15 juin, quelques heures avant que n'éclatent de violents combats autour de la barrière naturelle constituée par le fleuve. La ville était alors quasiment vidée de ses habitants.
Du 15 au 17 juin 1940, la ville de Blois subit des attaques aériennes allemandes. A partir du 16, des incendies se déclarèrent à partir d'un dépôt de mazout et de garages notamment. Le 16, le maire de la ville Emile Laurens décéda dans le bombardement de sa maison. Des réfugiés continuaient de traverser la ville. Le pillage des magasins commença. Dans le désordre, des animaux du cirque Amar, alors aux Métairies, erraient dans la ville. Le 18 au matin, l'armée allemande entra dans Blois. L'armée française battit en retraite en Vienne, faisant sauter derrière elle une arche du pont. Les deux armées combattirent d'une rive à l'autre. Le 20 juin, l'armée allemande, ayant passé la Loire à Beaugency, menaça d'encercler l'armée française. La ville était prise. Les Blésois commencèrent dès le lendemain à revenir dans leur ville et dans les derniers jours de juin 1940, les incendies furent peu à peu circonscrits par les Blésois assistés par l'armée occupante.
Les destructions à Blois au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Les journées de juin 1940 et l'état de la ville nous sont connus grâce à plusieurs témoignages. Le docteur Olivier, maire de Blois, qui avait été remplacé en juin 1940 par Emile Laurens en raison de son mauvais état de santé, regagna la ville dès le 21 juin et reprit alors la tête de l'administration de la ville. Il nous a laissé un historique de ces évènements. Il parcourut la ville avec le photographe Charles Lecomte dont on garde un reportage photographique d'une grande qualité. Les ruines de la ville firent également réagir Hubert-Fillay, dans l'article « La Grande Pitié de la ville de Blois », publié dans la revue Le jardin de la France, Blois et le Loir-et-Cher. Cet article inaugurait dans la revue une série d'appels au sauvetage du patrimoine blésois.
La tête de pont de la rive droite en ruine, 1940. (Collection particulière, B. Guignard).
Destructions, rue des Violettes et grands degrés du château, été 1940. (Archives départementales de Loir-et-Cher, Blois, 127 J 70).
Ruines, rue du Commerce au niveau des rues du Poids-du-Roi à gauche et du Change à droite, été 1940. (Archives départementales de Loir-et-Cher, Blois, 127 J 70).
Immeubles en ruines, rue Denis-Papin en direction du pont. A droite, le début de la rue du Commerce, été 1940. (Archives Départementales de Loir-et-Cher, Blois, Fonds Lunais-Bruère, 105 Fi 459).
La ville sortit ravagée de ces évènements : elle était complètement détruite sur une surface d'environ six hectares, notamment dans sa partie basse, de part et d'autre du pont, mais aussi en Vienne et très ponctuellement dans la ville haute, autour des bâtiments du Carmel. Rive droite, le champ de ruines s'étendait du nord au sud, de la rue des Trois-Clés aux quais, et, d'est en ouest, de la rue Fontaine-des-Elus à la rue des Jacobins. Un état des immeubles sinistrés par faits de guerre, établi en décembre 1940 décompta 373 immeubles totalement détruits et 267 immeubles endommagés mais réparables. Cette lourde perte entraîna d'immédiates difficultés de logement puisqu'il s'agissait essentiellement d'immeubles d'habitation abritant des commerces en rez-de-chaussée. En outre, nombreux étaient les éléments patrimoniaux qui avaient disparu. Une grande partie des maisons anciennes du quartier commerçant médiéval situés en contrebas de la terrasse du château et à l'ouest de la rue du Commerce, dans un secteur qui avait jusqu'alors été préservé depuis la déviation de l'axe principal de la rue du Pont à la rue du Commerce au début XVIIIe, fut perdue. En particulier dans ce secteur, la rue Saint-Lubin, une des plus anciennes et des plus pittoresques avant les bombardements, fut en partie anéantie, il ne resta de la maison située au 1-3, fameuse pour son décor sculpté, et classée par la liste de 1889, qu'un fragment d'avant-solier. Quelques hôtels particuliers furent également perdus : les hôtels Salviati, Gaillard, du Bon Conseil, d'Amboise et d'Epernon. Sur les quais le collège Augustin-Thierry et l'hôtel de ville étaient en ruine.
3 - Gérer l'urgence, été 1940.
Les travaux de déblaiement furent entrepris dès juin 1940 sous la direction de l'architecte blésois Paul Robert-Houdin. Des équipes de 60 à 250 civils blésois, assistés dans certaines manœuvres par des militaires allemands, déblayèrent les principales voies de communication et abattirent les murs qui menaçaient de s'effondrer. Les matériaux furent tout d'abord rejetés de part et d'autre de la chaussée. A partir du 4 septembre, et à la demande de la délégation spéciale de la ville qui avait remplacé le conseil municipal après sa démission le 9 août, les déblais furent placés dans le lit de la Loire, en bordure de la route nationale de Tours à Orléans (RN 152), sur une largeur de cinq mètres.
Paul Robert-Houdin fut également chargé de l'édification des baraquements pour le relogement des sinistrés. Leur construction commença lentement dès août 1940 et se poursuivit jusqu'en 1942. Deux types de baraques furent montés. Celles attribuées aux commerçants furent placées dans le centre de la ville sur le Mail, le quai Villebois-Mareuil, la Place saint-Honoré et à l'emplacement du collège Augustin-Thierry. Les baraques louées aux particuliers furent organisées en lotissements dans la périphérie de la ville : avenue de Médicis, aux Cornillettes, à Cabochon, et en Vienne. Ces magasins et logements théoriquement provisoires perdurèrent finalement des années, conditionnant plus tard l'avancée de la reconstruction.
4 - Les plans de reconstruction des Blésois dès l'été 1940.
Parallèlement, la ville dut réfléchir très tôt à sa reconstruction. Elle fut déclarée sinistrée par arrêté du 31 juillet 1940, par lequel le préfet du Loir-et-Cher lui imposa, ainsi qu'à Vendôme, d'établir dans un délai de trois mois un "plan général d'alignement et de nivellement des parties à reconstruire" ainsi qu'une étude sommaire du PAEE.
La délégation spéciale de la ville nomma une commission chargée d'étudier les conditions de reconstruction et de rassembler les informations nécessaires à l'établissement d'un plan par un homme de l'art. Cette commission fit notamment appel à l'avis des Blésois, et tour à tour, après Hubert-Fillay, MM. Duneau, Ragon, Legendre, Vallette, Chesnay apportèrent leur point de vue dans des articles publiés dans la Dépêche du Centre. Il semblerait qu'André Aubert, qui devait devenir en 1945 l'architecte en chef de la reconstruction de Blois, ait également envoyé un projet de reconstruction de la ville de Blois dès la fin août 1940, cependant nous n'avons pu en trouver la trace.
En septembre 1940, la commission se sépara après avoir nommé Paul Robert-Houdin pour l'établissement d'un plan d'aménagement de la partie détruite de la ville. Son plan fut validé par la délégation spéciale dans sa séance du 14 octobre 1940. Les archives départementales de Loir-et-Cher conservent les esquisses de ce plan, dessinées dès juillet 1940, avec l'aide au début de l'architecte Henri Lafargue.
5 - Le plan de Charles Nicod, 1941-1942.
Ce projet ne fut finalement qu'un préalable à l'élaboration du plan définitif. En effet, la reconstruction s'organisa bientôt au niveau national en se centralisant considérablement. Le commissariat à la Reconstruction Immobilière (CRI) fut créé en octobre 1940 et le 15 mars suivant, son commissaire, Mr. Muffang, nomma l'urbaniste parisien Charles Nicod, pour l'établissement d'un projet d'aménagement et d'un plan de reconstruction des zones sinistrées de Blois.
La comparaison entre les plans proposés par les Blésois en 1940 et celui de Charles Nicod témoignent de quelques constantes comme la création d'une place en tête de pont à l'entrée de la rue Denis-Papin. Elles montrent l'attention que l'urbaniste parisien porta au contexte local. On sait en outre que différents acteurs locaux se rapprochèrent de lui pour l'informer dans la perspective de la conception du plan. Par exemple, dès le 27 mars 1941, le docteur Lesueur lui rapporta les principaux desiderata de la société des Amis du Vieux Blois qu'il présidait, et qui avait été créée en décembre 1940 dans le but de sauver les monuments blésois qui pouvaient l'être, il l'alerta notamment sur la question de la conservation des caves.
Le processus décisionnaire suivit ensuite une logique très centralisée. Le plan proposé par Charles Nicod fut d'abord examiné par une commission départementale au printemps et à l'été 1941 avant d'être présenté à la ville et de faire l'objet d'une enquête publique au printemps 1942. Au sein de la commission départementale, le débat se focalisa sur quelques questions d'ordre patrimonial : l'aménagement de la place du Château, la conservation de quelques éléments patrimoniaux endommagés, au premier rang desquels la Tour d'Argent, et enfin la conservation de l'ancien collège jésuite mise en question par l'installation du nouvel hôtel des postes. Le plan fut ensuite présenté au Conseil Municipal au printemps 1942. Celui-ci relaya notamment les remarques et demandes des Blésois en particulier celles formulées par ses commerçants par le biais de leur instance représentative, la Chambre de Commerce. Ceux-ci appelaient de leurs vœux le déplacement du marché pour favoriser la continuité du quartier commercial prioritairement installé dans le centre, ainsi qu'une plus grande densité de logement dans ce dernier afin de préserver sur place la clientèle nécessaire à la survie des commerces. Ils invitaient également l'architecte à proposer un projet d'un entretien plus économique, comprenant moins d'espaces verts notamment. Les Blésois demandèrent aussi qu'un bassin de natation soit intégré au plan. La ville enfin dut élaborer elle-même le plan d'aménagement du quartier de Vienne à l'invitation de l'architecte qui considéra que cette partie ne soulevait pas les mêmes enjeux que l'aménagement de la rive droite. Le 6 novembre 1942, le plan fut approuvé et déclaré d'utilité publique. Il demeura le plan de reconstruction de référence, et ne souffrit ensuite que quelques ajustements.
6 - Un plan pour une ville touristique et moderne.
Plan de reconstruction et d'aménagement de C. Nicod approuvé en 1942 : Zonage. (Ville de Blois, service du cadastre, Blois).Le projet de Charles Nicod comportait deux volets. Un plan de zonage répartissait les types d'activités dans la ville, il distinguait notamment les zones industrielles des zones de logement, il répartissait, logements collectifs et logements individuels. Il était de plus doublé d'un accord réglant la répartition entre ville haute et ville basse : quartier administratif en ville haute et quartier commercial et touristique en ville basse. Un programme de servitudes, défini par un plan associé à un règlement, projetait les caractéristiques des voies à conserver, modifier ou créer, l'emplacement et la forme des îlots à bâtir, des équipements publics et des places, ainsi que des espaces verts à créer.
Le programme engageait le développement à venir de la ville, au-delà de sa reconstruction : il prescrivait son aménagement. Il consistait à reloger les sinistrés dans une ville saine, adaptée aux usages modernes. Pour reloger dans des quartiers sains et lumineux, il proposait de réduire la construction dans le centre et de déplacer une partie des logements dans des quartiers dits de compensation. Furent définies comme telles des réserves foncières disponibles, à proximité du centre, et affectées au relogement pour « compenser » la perte de surface dans le centre : le terrain de l'ancienne prison, le quartier de l'hôpital psychiatrique, l'îlot de l'ancien débarcadère. Aménager une ville moderne nécessitait de l'adapter à la circulation automobile : on projeta d'organiser un rond-point en tête de pont, d'élargir les voies, et d'en percer de nouvelles pour relier plus facilement les trois parties de la ville : ville basse, ville haute et quartier de la gare. Des équipements publics dont certains étaient attendus depuis des années déjà, furent également intégrés au programme : poste, collège, école, poissonnerie-marché, gare routière, quartier administratif...
Au-delà de ces considérations hygiénistes et fonctionnelles, le plan était adapté aux spécificités et aux richesses de la ville. Cette dernière était partiellement détruite, et le plan fut ordonné par la valorisation de ses qualités paysagères et monumentales dans la perspective de son développement touristique. Il s'agit d'une part de favoriser l'intégration harmonieuse de l'architecture nouvelle à l'enveloppe de la ville préservée. Le règlement définit des contraintes formelles relatives à l'architecture et adaptées aux différentes zones de la ville. Ces contraintes étaient renforcées dans les quartiers anciens où fut définie une zone archéologique : les matériaux et leur mise en œuvre devaient y être conformes aux traditions locales, les pentes des toitures y étaient réglementées. En outre, des ordonnances architecturales devaient être définies pour les emplacements en forte visibilité comme les immeubles de la tête de pont. Les commandes de ces études furent passées dès 1942 : à Charles Dorian pour la place du Château, à André Aubert pour la place Louis-XII, à Louis Arretche pour les îlots du Carmel, de l'ancienne prison et pour l'aménagement d'un Mail sur le quai du Foix. Charles Nicod quant à lui effectua, avec l'aide de Jacques Billard, les études du rond-point de tête de pont ainsi que des place et avenue Victor-Hugo. Leurs résultats furent présentés dans la presse au printemps 1943. Il travailla d'autre part à la mise en valeur des perspectives découvertes après les destructions : la vue sur le château depuis le pont, celle sur la cathédrale depuis la tête de pont... La question de la visibilité aux abords des édifices classés et sous les remparts fit l'objet d'une réglementation sur la hauteur des bâtiments. L'urbaniste définissait ainsi l'évolution du paysage urbain dont il spécifiait les caractéristiques : la présence des bâtiments, leur couleur, leur texture, leur échelle, leur style architectural, leur caractère, leur lisibilité.
Il résultait donc de ce programme, un urbanisme d'îlots aérés, des voies plus larges et redressées, quelques ordonnances sur les points les plus visibles et ailleurs un cadre réglementaire resserré mais laissant une certaine latitude aux architectes d'opération. Au nom de tous ces objectifs, des choix controversés furent faits qui relativisent le souci qu'eut l'architecte de conserver le patrimoine blésois et le resituent dans son contexte : on sacrifiait la halle métallique et l'ancienne poissonnerie pour la construction d'un équipement unique et plus moderne, la Tour d'Argent pour l'alignement de la rue des Trois-Clés, le théâtre pour l'agrandissement de la place Louis-XII et la vue sur le château.
7 - Les destructions de l'été 1944 et la nomination d'André Aubert.
Faute de matériaux et de moyens, ce plan ne fut cependant pas mis en œuvre durant l'Occupation et en 1944 la ville fut de nouveau frappée par les bombardements de l'offensive alliée en juin et juillet, et marquée par les combats de la libération de Blois en août.
Les bombardements alliés ciblèrent les carrefours de communication afin d'empêcher le passage de la Loire et en particulier l'envoi de renforts allemands vers la Normandie. Du 10 au 14 juin 1944, ils visèrent à Blois la gare, le viaduc sur la Loire de la voie ferrée Blois-Romorantin et le pont Jacques-Gabriel qui ne fut pas touché. Les bombardements se poursuivirent en juin et juillet 1944 endommageant notamment quelques édifices publics. Le 16 août, la rive droite de Blois fut libérée, et les Allemands, en se retirant en Vienne, firent sauter les ponts de la rue Augustin-Thierry et de l'avenue Gambetta, et les trois arches centrales du pont sur la Loire. Les combats qui éclatèrent alors jusqu'à la libération de Vienne, le 1er septembre, causèrent de nouveaux dégâts sur le Château, l'abattoir, l'hôtel de ville et la poissonnerie. Des balles incendiaires tirées du faubourg de Vienne mirent le feu aux baraques qui avaient été installées au début du Mail ainsi qu'à l'hôtel Maillé. Les attaques visant les Allemands repliés en Vienne détruisirent quelques immeubles de l'avenue du Président-Wilson.
Cependant, ces nouvelles destructions n'entraînèrent pas de grosses modifications du plan de reconstruction, pas plus que la création du Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (MRU), ni que la nomination d'André Aubert en remplacement de Charles Nicod chargé à la Libération des plans d'urbanisme de Toulouse et de Bayonne.
8 - Les travaux de reconstruction, des années quarante aux années soixante.
Battage de pieux, manoeuvre de levage, 3-06-1947 (Archives départementales de Loir-et-Cher, Blois, 1195 W 44).La reconstruction commença avec l'édification de l'îlot J en tête de pont, à partir de 1946. Le 22 septembre de cette année, Blois célébra les Fêtes de la Renaissance et le Ministre de la Reconstruction et de l'Urbanisme y posa la première pierre de la reconstruction de la ville, extraite des carrières de Pontijou.
La construction de l'îlot J, un îlot d'Etat sans attribution individuelle préalable, fut l'occasion d'expérimenter les techniques de construction et de résoudre les premières difficultés qui apparurent dans les travaux de fondation. Les chantiers de construction furent ensuite ouverts par îlot jusqu'en 1956. Seuls pouvaient être reconstruits les îlots déclarés prioritaires par la Commission Départementale de la Reconstruction. Entre 1946 et 1948, débuta la construction des îlots N, F et G, au nord de la zone détruite rive droite, et de l'îlot P, rive gauche. Le terrain de compensation de la Ferme Départementale, disponible pour la construction, commença également à être bâti. Entre 1949 et 1950, les îlots A, H, I et U sortirent de terre ; puis entre 1951 et 1952, les îlots K, D, O, S et T. Enfin, entre 1953 et 1956, fut entamée la dernière phase avec la construction des îlots B, E et M. Parallèlement à la construction des îlots, étaient bâtis quelques équipements publics et les espaces publics de la place de la Résistance, de la place du Château et de la place Louis-XII étaient enfin aménagés.
Les travaux se prolongèrent finalement jusqu'au milieu des années soixante en raison de difficultés de différents ordres. Des retards de chantiers importants en furent la première cause : ils s'expliquaient par les difficultés dans l'approvisionnement en matériaux, le manque de potentiel des entreprises locales et régionales et le manque de main d’œuvre qualifiée à Blois et alentour. La reconstruction fut aussi ralentie par les programmes « à tiroirs », la démolition d'édifices épargnés ou de baraquements conditionnant souvent la construction des bâtiments nouveaux. Une difficulté d'ordre technique affecta en outre l'ensemble de la ville basse qui dut être fondée sur des puits de béton armé de six à dix-huit mètres de profondeur, surmontés de longrines en béton armé. La révision des créances des sinistrés, intervenant souvent au cours des travaux causèrent également d'importants délais.
9 - Les caractéristiques architecturales des îlots de la Reconstruction dans le centre-ville de Blois.
Le plan de reconstruction et d'aménagement qui régit la reconstruction de Blois, proposé par l'urbaniste Charles Nicod au printemps 1941 et validé en novembre 1942, adopta un urbanisme d'îlots. Dans un projet structuré par la volonté d'intégration du bâti nouveau aux parties anciennes et épargnées de la ville, l'adoption du choix traditionnel d'îlots à l'alignement fut sans surprise. En outre, pour leur meilleure intégration, l'urbaniste dessina des îlots qui évitaient de trop longs alignements rectilignes.
Des îlots favorisant la circulation de l'air et de la lumière
Plan de localisation des îlots de la reconstruction blésoise.Il proposa néanmoins des îlots sensiblement distincts de ceux d'avant-guerre. A l'exception de l'îlot N, aucun d'entre eux ne reprit la forme d'un îlot pré-existant. Adoptant les principes de l'époque, l'urbaniste traça dans les quartiers sinistrés, qui devaient être entièrement redessinés, une trame viaire plus aérée, favorable à une meilleure hygiène, une plus grande luminosité et une circulation automobile plus fluide. Il élimina de petites voies étroites comme la rue des Violettes ou la rue du Pont, élargit et redressa des voies existantes notamment les rues du Commerce, des Orfèvres, et du Poids-du-Roi et en créa de nouvelles, appelées après-guerre rues Emile-Laurens et Henry-Drussy. Ces voies délimitaient des îlots de tailles plus homogènes et globalement inférieures mais qui étaient néanmoins largement ouverts dans leur centre. Le cœur de l'îlot fut dans un premier temps véritablement pensé pour participer à la meilleure aération de la ville, des esquisses de plan témoignant même de la volonté initiale de l'urbaniste de les planter d'arbres.
Les contours des îlots définis dans le plan de Charles Nicod de 1942 furent en grande partie suivis lors de la phase opérationnelle de travaux après la Libération. Un unique changement notable intervint, probablement proposé par André Aubert qui en 1945 succéda à Charles Nicod en tant qu'architecte en chef. Il concerne le dessin de l'îlot E qui fut en partie tronqué pour dégager l'espace d'une placette au croisement des rues du Commerce et des Orfèvres. Cette modification ne trahissait pas, bien au contraire, l'esprit du plan de Charles Nicod, puisqu'il rompait l'alignement de la rue des Orfèvres et libérait un espace public susceptible d'améliorer encore les qualités de lumière et d'hygiène du secteur. Le changement global le plus marquant releva plutôt de la conception des îlots de manière générale. Les arbres des cœurs d'îlots disparurent peu à peu des projets. Dans le cas des îlots ouverts, ils furent remplacés par des arrière-boutiques mais surtout des garages et des espaces de parking. Dans les îlots fermés, ils furent divisés en courettes privatives.
L'îlot comme échelle opérationnelle
L'îlot correspondit, dans une certaine mesure, à une échelle opérationnelle même si cette idée est à nuancer. La reconstruction de la ville fut en effet ordonnée par le lancement successif de celle des îlots, respectivement désignés par des lettres. Quatre périodes peuvent être distinguées au cours desquelles se succèdent le début des chantiers d'îlots. Entre 1946 et 1948, fut lancée la construction des premiers îlots : l'îlot J, îlot d’État en tête de pont, les îlots G, F et N entre la place Louis-XII et la rue Denis-Papin, et l'îlot P en rive gauche. Dans un second temps entre 1949 et 1950, on lança celle des îlots H et I en tête de pont, A en contrebas du château, Q et R en rive gauche et U sur le terrain de compensation du débarcadère. La construction des îlots D, K, S et C qui supposait des expropriations et des démolitions ne commença que dans la phase suivante entre 1951 et 1952. Au cours de cette dernière, on démarra également celle des parties d'îlots aux marges de l'espace reconstruit désignées par les lettres T et O. Les îlots les plus importants étaient alors lancés quand on amorça entre 1953 et 1956 la construction de l'îlot E, plus petit îlot de la rive droite et dernière pièce du puzzle des îlots de l'ouest de la rue Denis-Papin, et celle de la partie d'îlot M et de l'îlot B qui nécessitait également des expropriations et des démolitions.
Chronologie de la construction par îlot : début de la construction.
L'étude montre cependant que l'échelle opérationnelle du chantier se situa plus souvent à un niveau inférieur. Sur l'ensemble des îlots reconstruits de Blois, nous n'avons vérifié qu'une seule fois, pour l'îlot E, l'existence d'un architecte d'îlot encadrant des architectes d'opération. Ailleurs, l'îlot est systématiquement confié à plusieurs architectes par séquences d'immeubles. Cette répartition correspond à de nouvelles règles instaurées par le Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (MRU) à la fin des années quarante. Ces dernières instituèrent que la reconstruction des immeubles groupés dans un même îlot serait désormais confiée à quatre ou cinq architectes d'opération suivant leur importance, les propriétaires n'ayant plus dès lors à choisir un architecte sur la liste des hommes de l'art agréés. Cette organisation professionnelle qui n'est pas calquée sur l'îlot explique d'ailleurs l'hétérogénéité de ces derniers et l'observation de séquences d'immeubles homogènes, plus que de styles par îlots.
Les architectes en charge de la reconstruction des immeubles.
Un autre îlot, qui fait figure d'exception, constitue un exemple d'échelle opérationnelle : il s'agit de l'îlot J qui fut le seul îlot d’État de la reconstruction blésoise. Entièrement préfinancé par l’État, il fut conçu dès l'origine comme un groupe d'immeubles à usage de commerce et d'habitation, mais ces derniers, sans affectation individuelle (ISAI), ne furent attribués à treize propriétaires qu'après la construction de l'îlot, à partir de 1950. Cette organisation permit d'expérimenter et de mettre au point les techniques constructives et l'organisation du travail déployées par la suite à l'échelle de tous les secteurs reconstruits.
L'étude des îlots du centre-ville
Dix-sept îlots sont étudiés dans ce dossier. L'appellation "îlot" fut employée plus largement par l'administration pour désigner les différentes zones reconstruites de la ville. Ainsi, la réserve foncière de la Ferme Départementale, utilisée pour la construction de logements afin de compenser la réduction de la construction dans le centre, fut, pour des raisons pratiques, appelée îlot Y mais son lotissement n'adopta pas la forme d'un îlot. De la même manière, les îlots B, C et U sont des secteurs urbains situés dans des zones de compensation et ne sont pas à proprement parler des îlots. Ces secteurs urbains, que l'administration appela alors îlot, ne sont donc pas pris en compte ici. On considère en revanche les ensembles d'immeubles également désignés par le terme d'îlot mais qui n'en sont en réalité que des parties, situées aux marges du secteur reconstruit : ils s'inscrivent en effet pleinement dans l'urbanisme d'îlot choisi pour la reconstruction de la ville.
Le corpus étudié comprend donc :
- neuf îlots entièrement reconstruits : il s'agit des îlots A, D, E, F, G, H, I, J, K tous situés dans la ville basse en rive droite ;
- huit parties d'îlots qui le plus souvent « complètent » des îlots en partie épargnés : M, N et O sont situés aux limites de la zone détruite de la rive droite ; P, Q, R, S, T sont situés en rive gauche.
L'importance numérique de ces parties d'îlots montre à quel point le travail de l'urbaniste en chef a consisté à insérer un bâti nouveau, à relier systématiquement les parties détruites au tissu existant et témoignent du soin particulier qu'a nécessité ce travail de "couture" à la frontière entre le reconstruit et le préexistant.
Les îlots reconstruits de Blois sont de taille relativement modeste, ils comprennent entre trois et quatorze immeubles. Un îlot se singularise sur ce point : l'îlot P, d'une taille exceptionnelle et divisés en parcelles plus exiguës, compte 25 immeubles.
Des formes d'îlots irrégulières
L'urbaniste ayant écarté un tracé urbain orthogonal afin d'éviter de trop grandes lignes droites qui auraient rompu avec le tissu urbain traditionnel, les formes des îlots sont irrégulières et variées. Elles résultent en outre des contraintes liées au site encaissé de la basse-ville d'une part, au bâti existant épargné et à la volonté d'intégration du bâti reconstruit d'autre part. En forme de triangle ou de quadrilatère irréguliers, leurs angles adoptent des formes adaptées au contexte : du simple pan coupé, à l'arrondi concave autour de la place de la Résistance, en passant par des arrondis convexes qui sont plastiquement, les plus caractéristiques de cette époque. Tous les immeubles étant de profondeur équivalentes sur leur pourtour, leur forme se dessine très nettement sur une vue aérienne par rapport aux îlots anciens.
Caractéristiques des cœurs d'îlot
On trouve sur l'ensemble du corpus des solutions variées d'accès au cœur d'îlot et d'utilisation de cet espace. Les cœurs d'îlots peuvent être directement accessibles depuis la voirie ou au contraire être accessibles seulement en passant par les immeubles. Dans quatre cas, pour les îlots N, O, F et G, il n'existe pas d'accès direct au cœur de l'îlot depuis la rue. Le plus souvent cependant, l'îlot est ouvert, c'est à dire que son pourtour est incomplètement occupé par des bâtiments : le cœur d'îlot est alors accessible par une ou plusieurs interruptions du bâti (îlots A, D, E, I, J, K, M, P, Q). Parmi eux, l'îlot D, en forme de U, est largement ouvert sur l'espace public. Dans deux cas seulement, on y accède par un passage (îlots S et H). A la différence d'autres villes reconstruites comme Tours ou Orléans, l'accès au cœur de l'îlot n'est jamais à Blois l'occasion d'un traitement monumental à l'exception de l'îlot I où il est encadré par deux pavillons d'entrée. De la même manière, on trouve un seul exemple d'accès alignés : il s'agit des accès aux îlots H et I, de part et d'autre de la rue Emile-Laurens.
L'accès au coeur de l'îlot H se fait par un passage couvert depuis la rue Emile-Laurens.
Dans le cas des îlots fermés sur l'espace public, les cœurs d'îlots sont divisés en courettes accessibles respectivement par les immeubles qui les bordent. Celles-ci sont parfois entièrement occupées par des réserves de magasins. Dans d'autres cas, une porte cochère permet aux automobiles d'y accéder depuis la rue. Dans le cas des îlots accessibles depuis la rue, la plupart des cœurs d'îlots ont servi au stationnement des voitures, à quelques exceptions près comme l'îlot A. Son cœur est bien accessible depuis la rue, mais est très étroit : les garages ont été dans ce cas reportés sur le pourtour de l'îlot. Les cœurs d'îlot servent aussi à accueillir des équipements techniques comme on le relève dans le cas de l'îlot E. A la différence d'autres villes reconstruites comme Orléans ou Tours, aucun cœur d'îlot n'a été utilisé pour l'aménagement d'un espace public ou l'implantation d'un équipement.
On remarque enfin que le niveau du sol de certains d'entre eux, par exemple dans les îlots J et K, est nettement inférieur à celui de la rue. Cela révèle le remblaiement dont la reconstruction a été l'occasion. Ce dernier se lit également aux marges des secteurs reconstruits par exemple entre les deux côtés de la place Ave-Maria rive droite, ou encore entre le niveau de la place de tête de pont et celui de la rue de la Chaîne rive gauche. Cette pente fut parfois mise à profit : dans l'îlot J par exemple, on conçut des garages en soubassement, accessibles depuis le cœur d'îlot.
De manière générale, l'occupation des cœurs d'îlots a été modifiée assez anarchiquement à mesure que les immeubles révélaient leurs imperfections et qu'ils y débordaient. A l'origine uniquement bordés de garages fermés en rez-de-chaussée sur leur pourtour, ils sont souvent aujourd'hui largement encombrés de voitures, le nombre de garages étant devenu nettement insuffisant. Il en résulte des cœurs d'îlot le plus souvent peu qualifiés. A la différence du quartier reconstruit de Tours autour de la rue nationale, on n'observe pas de fermeture a posteriori de leur accès.
Des formes architecturales variées
D'un point de vue architectural on ne relève nulle part de traitement homogène sur l'ensemble d'un îlot. Cette homogénéité s'observe plutôt à une échelle inférieure dans des séquences d'immeubles qui rendent lisible la division des chantiers au sein d'un même îlot : plusieurs immeubles construits dans une même unité de chantier présentant des caractéristiques de gabarit, de matériaux voire de second œuvre proches ou semblables. On la retrouve aussi dans des zones plus vastes, à l'échelle de plusieurs îlots comme sur le pourtour d'une place ordonnancée par exemple. Ainsi les îlots I, H, J et K sont-ils tous homogènes sur leur face donnant sur le rond-point de la Résistance mais très hétérogènes sur leurs autres côtés. On a, en revanche, relevé dans tous les îlots une distinction nette entre le traitement réservé aux façades sur rue et celui des façades sur cour, y compris quand celle-ci est largement ouverte sur l'espace public comme c'est le cas pour l'îlot D. Cette distinction concerne notamment les encadrements de baies, plus souvent horizontaux et en brique sur les cœurs d'îlots, ou encore les types de lucarnes, plus souvent rampantes sur la cour.
Conclusion
La reconstruction de la ville de Blois après la Seconde Guerre mondiale, est parmi les villes françaises reconstruites, un exemple de modération dans les choix architecturaux et urbains qui furent faits. Régionaliste dans ses matériaux et ses gabarits, elle ne confine pas à la pure reconstitution, le pont étant le seul élément reconstruit à l'identique. Elle instaure dans le développement de la ville de Blois un zonage, pratique caractéristique de la pensée fonctionnaliste de la ville, mais néanmoins articulée ici en total respect des équilibres existant : la ville commerçante demeure en ville basse, les quartiers administratifs en ville haute. Les zones reconstruites s'intègrent visuellement d'un point de vue architectural et paysager tout en constituant un bouleversement profond de la ville et en l'adaptant à la vie moderne en termes d'hygiène, de lumière et d'espace.
En aménageant les quartiers de l'avenue Laigret et de la Ferme Départementale, la ville poursuivit son extension vers le plateau à l'ouest et au nord-est, se préparant ainsi au grand développement qu'elle connut dans la seconde moitié du XXe siècle, parallèlement à un accroissement sans précédent de sa population.
Avant-même la fin de la reconstruction et dans un contexte de crise du logement en aggravation, des quartiers de logements sociaux se développèrent. Ils entérinaient déjà, bien qu'à une échelle modeste, le développement de la ville sur le plateau, respectivement à l'ouest et au nord-est. Un premier secteur dit de Cabochon, situé au sud-ouest de la gare, et où avait été implanté des baraquements provisoires sous l'Occupation, fit l'objet d'une opération de logement. Elle commença avec la construction par l'architecte Henri Jannin de trois immeubles collectifs HBM, achevés en 1954. Le quartier se développa de part et d'autre de l'avenue Foch. Parallèlement, commencé avec la reconstruction dans le quartier de compensation dit de l'îlot Y, le lotissement du quartier de la Ferme Départementale se poursuivit. Le quartier des Provinces s'y constitua, autour de la rue de Touraine, à l'est de la rue du Maréchal-Leclerc, dans la seconde moitié des années cinquante. Il s'agit également d'une opération de logement social, sous la forme d'habitat individuel cette fois, perpétuant en cela ce qui avait été construit avenue du Maréchal-Leclerc, bien que dans des proportions plus modestes.
Parallèlement, un arrêté du MRU du 31 juillet 1950 ordonna la révision du plan d'aménagement et de reconstruction de la Commune de Blois. Charles Nicod, auteur du plan de 1942 fut associé aux services du Ministère de la Reconstruction et du Logement dans la révision de son plan. Après des passages successifs entre 1954 et 1956 devant le conseil municipal, la commission départementale d'urbanisme et le comité national d'urbanisme, puis une mise à l'enquête en 1957, le nouveau plan d'aménagement de la ville de Blois fut approuvé par décret le 20 janvier 1959.
Ce plan comportait différents volets complémentaires relatifs à la circulation, au développement industriel, aux équipements publics et au logement notamment. Il prévit l'implantation de nouvelles zones industrielles entre la voie ferrée de Paris et la route de Vendôme. Parallèlement, et alors qu'un diagnostic évalua un manque de 1000 logements en dépit des opérations de Cabochon et de la Ferme Départementale, plusieurs pistes de construction de logements furent envisagées. Un quartier d'habitation fut projeté aux Cornillettes, et le quartier de la Ferme Départementale devait être encore étendu, au nord du haras, perpendiculairement à la rue de Flandres. On ébaucha surtout le développement d'un immense quartier d'habitation, située au sud de la nouvelle zone industrielle. Le projet de quartier d'immeubles collectifs de part et d'autre de la rue Bégon, en cours depuis le milieu des années cinquante, prit de l'ampleur pour s'étendre finalement sur une zone de trente hectares. Par délibération du conseil municipal du 2 octobre 1957, la zone du plan masse fut étendue pour inclure la zone dite des trente hectares, agrandissant le quartier Bégon, en vue de la construction de 1000 nouveaux logements. Ce quartier prit finalement la forme opérationnelle d'une Zone à Urbaniser par Priorité (ZUP). Après le décret instituant ce nouveau type de procédure administrative d'urbanisme opérationnel, la ZUP nord de Blois fut créée le 3 août 1959. Une nouvelle étape de l'urbanisation de Blois commençait, considérable en termes de surface et de capacité par rapport aux secteurs reconstruits.
Tours aux Cornillettes, 1965. (Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, 42536-2).
ZUP de Blois, barre et tour, vue de 1965. (Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, 42546-1).
La démolition puis la reconstruction de la ville constitua enfin un déclencheur dans la prise de conscience patrimoniale et la planification de sa mise en valeur. La ville fut une des premières applications de la Loi Malraux, dont la genèse avait d'ailleurs été initiée par une demande de Pierre Sudreau, alors ministre de la Construction avant de devenir maire de Blois en 1971. Les plans en furent établis dans un premier temps, à partir de la fin des années soixante, par André Aubert.