Lorsqu'il décide d'honorer ses maréchaux et généraux, Napoléon Ier s'inscrit dans les galeries sculptées d'hommes illustres développées par le comte d'Angiviller à la fin du 18e siècle. La différence est cependant notable dans l'emplacement désigné dès l'origine du projet et la forme que revêt cet hommage sculpté : les principaux hommes de guerre de l'Empire seront représentés en pied, sur le même volume de 13 pieds, pour être placés sur les piles du pont de la Concorde. Douze sculpteurs reçoivent les commandes et sont installés dans des baraquements à l'arrière des Invalides. A la chute de l'Empire, seules quatre statues sont effectivement terminées, les autres restant à des stades variés d'avancement. Louis XVIII reprend le projet en modifiant la nature de l'hommage, dans un sens plus conforme à celui d'Angiviller : il s'agit désormais d'honorer les grands hommes de la France, quatre par domaine (hommes d’État, marins, hommes de guerre), sans modifier le gabarit et reprenant les généraux déjà réalisés, en changeant les têtes de deux d'entre eux pour les conformer au nouveau programme. Richelieu est confié à Ramey père. Il sera l'un des derniers réalisés, mais sera quand même achevé pour être posé sur le Pont Louis-XVI en 1828 (vocable du pont de la Concorde jusqu'en 1830). Louis-Philippe donne l'ensemble des statues au musée de l'histoire de France à Versailles en 1836, qu'il cherche à peupler de portraits des gloires de la France.
Les envois de Versailles en 1931
Installée pendant presque un siècle dans la cour d'honneur du château de Versailles, la statue est déposée en 1931 auprès de la ville de Richelieu, en même temps que le Tourville de Marin est envoyé à Coutances (Manche), le duc de Trévise de Deseine (tête de Laitié) à Plessis-Trévise (Val-de-Marne), le Sully d'Espercieux à Rosny-sur-Seine, le Suger de Stouf à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), le Suffren de Lesueur à l’École navale de Brest, et le maréchal Jourdan de Debay père (tête de Laitié) et le Turenne de Gois au collège de Saint-Cyr.
L'emplacement
En plaçant la statue à l'extérieur des murs de la ville, à la jonction avec les vestiges du château et au débouché de la longue avenue Pasteur qui ceinture la ville au sud, les architectes ont trouvé un emplacement qui répond à la taille gigantesque de la statue (4,25 m). Le socle créé en Touraine par P. Boucheron (architecte) et Launay et Guillemot (entrepreneurs), en pierre de Chauvigny, est en adéquation avec la qualité du marbre de Carrare employé : d'un style classicisant par ses chaînes d'angles en bossages et le fronton brisé de sa face avant (portant les armes du cardinal et ses dates), il restitue sensiblement dans son volume la pile du pont de la Concorde auquel l'œuvre était destinée. Il participe de l'hommage au Grand Homme et porte deux plaques des corps d'armes placés sous la tutelle de Richelieu déposés dans la seconde moitié du 20e siècle.
La représentation du grand homme
Plusieurs portraits contemporains de Richelieu ont pu servir à Ramey, mais la principale influence est sans doute celle des portraits de Philippe de Champaigne et/ou son atelier (National Gallery, Londres et Château de Versailles), sensible dans l'étroitesse du bas du visage et le regard froid. Le manteau cardinalice qui enveloppe entièrement Richelieu témoigne en revanche d'une grande science du drapé de l'invention de Ramey, dont les praticiens ont admirablement rendu les détails de fourrure, de dentelle et de décoration (Saint-Esprit sur la poitrine). La pose rend compte de la commande originale : à la fois hiératique et comportant peu d'effets (la main levée vers le ciel d'un côté, l'acte de fondation de l'Académie tenu dans l'autre), la statue s'inscrit sans heurt dans une rangée de statues, permettant d'identifier nettement l'homme d’État des militaires plus dynamiques comme le Tourville de Marin ou le Grand Condé de David d'Angers.