Après avoir occupé différents lieux au fil des époques (Châtelet, ancien couvent des Ursulines de la rue de la Bretonnerie...), la prison d'Orléans est installée à l'extrémité nord du quartier de la gare, dans un nouveau bâtiment construit en 1896 (angle des actuelles voies Guy-Marie Riobé et Émile-Zola). Lors de la réalisation de l'opération d'inventaire d'urgence (avant destruction) à l'été 2018, et bien que le site ait connu des modifications, le bâtiment principal de la maison d'arrêt présentait encore toutes les caractéristiques de l'architecture pénitentiaire telle qu'elle était pensée au 19e siècle.
Un exemple de l'architecture pénitentiaire du 19e siècle
Vue aérienne prise depuis le nord-ouest.Le site choisi par les autorités pénitentiaires pour construire la nouvelle prison d'Orléans à la fin du 19e siècle est alors peu urbanisé, ce qui permet à l'architecte de concevoir un édifice imposant inspiré de formes imaginées et mises en œuvre aux États-Unis. Le plan en Y rappelle en effet les plans radiaux américains, tel que celui conçu par John Haviland (1792-1852) pour l'Eastern state penitentiary de Philadelphie entre 1821 et 1836, la prison ayant ouvert dès 1829. En France, ce modèle a été utilisé dans d'autres prisons, telle que celle de la Petite Roquette dans le 11e arrondissement de Paris, dont les plans sont confiés à Louis-Hippolyte Lebas (1782-1867)" name="source-note-0" class="note">1 en 1825. La principale caractéristique de cette architecture est constituée par le rond-point central, qui permet de surveiller les déplacements des détenus dans les différentes ailes.
Différents documents nous permettent d'avoir une vision assez précise de la forme initiale de la prison d'Orléans. Ainsi, le cadastre napoléonien2 (1823) conservé par les Archives municipales et communautaires d'Orléans métropole, porte sur la feuille correspondant à la prison un dessin schématique ajouté au stylo de l'emprise au sol du bâtiment. Celui-ci montre que l'accès se faisait initialement par le côté est du site (actuelle rue Émile-Zola) par le biais d'un corps de bâtiment aligné sur la rue. Depuis le pavillon d'entrée, on pénétrait dans le bâtiment principal par une porte localisée sur la façade orientale et toujours identifiable en 2018, car encadrée de pierre de taille (voir la photo ci-contre).Vue d'ensemble des façades est du bâtiment principal, la baie comportant un encadrement blanc en plein-cintre matérialisant l'ancienne entrée principale (avant les travaux de 1972).
Le bâtiment principal, construit en moellons de calcaire et couvert de tuiles, est donc constitué de trois ailes, hautes de trois niveaux et reliées par un rond-point central disposant d'un niveau supplémentaire éclairé de hautes fenêtres. Il devait initialement accueillir 72 hommes et 16 femmes3. Un sous-sol semi-enterré existe sous une partie du bâtiment (aile sud, notamment). Les étages sont accessibles par des escaliers tournants disposés à l'extrémité de chaque aile, ainsi que par un quatrième situé à proximité du rond-point central.
Des espaces de promenades dessinant des demi-cercles ont été aménagés aux extrémités des ailes, mais les documents consultés n'ont pas permis de déterminer avec certitude si ceux-ci existaient dès l'origine ou s'ils ont été ajoutés postérieurement à la construction. En effet, si le plan schématique de la prison ajouté au cadastre napoléonien en fait apparaître deux aux extrémités des ailes ouest et sud, on en voit un au niveau de chaque aile sur la vue aérienne des années 1960 (voir ci-dessus). Sur cette dernière photo, on observe qu'un terrain de sport non grillagé est situé à l'ouest du bâtiment principal, alors que des jardins (potagers ?) ont été créés au nord et au sud du site. On aperçoit également une construction adossée à la façade ouest de l'aile sud, probablement postérieure à 1896. Il pourrait s'agir de la partie du bâtiment semi-enterrée qui abritait les cuisines observée lors de la mission d'inventaire d'urgence. Enfin, d'autres parties de l'édifice visibles sur la photographie aérienne (situées à l'extrémité de l'aile nord ou perpendiculairement à la façade orientale...) ont disparu lors de la mission photographique de 2018 ne permettant pas d'identifier leur destination.
Évolutions dans la deuxième moitié du 20e siècle
A partir de 19724, le site subit d'importantes transformations. L'entrée est déplacée au nord-ouest du bâtiment principal, ce qui conduit à la destruction de la partie de l'édifice alignée sur l'actuelle rue Émile-Zola, et à la construction d'un nouveau bâtiment d'accueil sur deux niveaux au nord-ouest du site. Le bâtiment administratif faisant face à la nouvelle entrée abritait initialement des bureaux au rez-de-chaussée et un logement à l'étage5. En maçonnerie enduite et couvert d'un toit à deux pans et croupes en ardoise, il a probablement été construit à l'époque ou dans les années qui ont suivi.
Les documents consultés n'ont pas permis de dater précisément les autres modifications observées sur le site. Parmi ces dernières, on compte l'édification d'un petit bâtiment à un niveau adossé à la façade nord de l'aile ouest et abritant les parloirs (l'ensemble des 10 espaces étant décoré de fresques reproduisant des chefs d’œuvre, manifestement peintes par des détenus). Situées au nord et perpendiculairement à celui-ci, on trouve les trois cours de promenade du quartier des hommes séparées par de hauts murs et présentant un grillage de protection en couverture. La cour centrale, illustrée de peintures monumentales, était destinée au détenus mineurs6. Au nord, un poste de surveillance est situé en surplomb des trois espaces afin de surveiller les détenus. A l'est de cet espace, un bâtiment à deux niveaux couvert de tuiles comprend au rez-de-chaussée des ateliers accessibles depuis le couloir desservant également l'espace des parloirs et celui des promenades. Un escalier droit accessible par la porte ouverte dans le pignon nord conduit à l'étage où se situe le quartier de semi-liberté composé de six cellules. Enfin, un terrain de sport grillagé a été installé dans l'angle sud-ouest du site, à côté d'un bâtiment en rez-de-chaussée abritant des ateliers dans lesquels les détenus effectuaient du colisage et de la petite mécanique automobile dans les années ayant précédé le déménagement de la maison d'arrêt7. Ce dernier bâtiment est relié à l'aile sud du bâtiment principal grâce à un percement effectué directement dans le mur pignon.
Vue intérieure de l'une des trois cours de promenade des quartiers disciplinaires et d'isolement situées à l'extrémité de l'aile sud du bâtiment principal.Outre l'espace de promenade associé au quartier des hommes, un autre, situé à l'extrémité de l'aile sud, était réservé aux détenus enfermés à l'isolement ou en quartier disciplinaire (rez-de-chaussée de l'aile sud) et comprend trois cours de tailles plus modestes, mais disposant des mêmes mesures de sécurité que les premières. Les femmes disposaient, quant à elles, d'un espace en herbe agrémenté de fleurs et buissons et simplement grillagé sur son pourtour, à l'extrémité de l'aile nord où était situé leur quartier.
Le bâtiment principal, quant à lui, ne semble pas avoir subi de modifications majeures dans la seconde moitié du 20e siècle. Néanmoins, certains espaces ont probablement changé de destination. Lors de la visite du site en 2018, le quartier des hommes (aile ouest et étages de l'aile sud), celui des femmes (aile nord) et ceux dits d'isolement et disciplinaire (rez-de-chaussée de l'aile sud) étaient clairement séparés, même si des espaces communs étaient disposés à proximité du rond-point central : services médicaux, salles d'activités et bibliothèques au rez-de-chaussée ; gymnase au premier étage de l'aile nord.
Les nombreuses modifications apportées après 1972 ont donc contribué à densifier le site, sans pouvoir augmenter sa capacité d'accueil de manière significative. C'est pour cette raison et compte tenu du nombre important de détenus (242 personnes lors de la visite du contrôleur général des lieux de privation de liberté contre 105 places d'accueil théoriques8) que la maison d'arrêt a déménagé sur un nouveau site situé sur la commune de Saran en 2014, conduisant à la désaffectation de l'édifice du quartier de la gare. Celui-ci doit être détruit en 2019 pour faire place à un centre aqua-ludique.