C’est à l’occasion de la réalisation d'une publication sur l'abbaye et les vitraux de Noirlac (Cher) en 2011 que le service Patrimoine et inventaire a rencontré Jean Mauret, découvert son atelier et initié l’étude sur les fonds d’ateliers de peintres-verriers établis dans la région Centre-Val de Loire. Les ressources de l’atelier de Jean Mauret, la volonté de l’artiste de faire partager son expérience et son savoir-faire, ainsi que la présence d'une œuvre de création bien ancrée sur le territoire régional (62 églises sur 128), constituaient des conditions d’exception et une occasion pertinente à saisir.
L’étude, conduite de 2015 à 2017, a consisté à recenser et exploiter les documents produits par l’atelier, à comprendre le fonctionnement de celui-ci et à en restituer l’évolution. Il s'agissait de restituer l’œuvre et la démarche d’un artiste verrier installé depuis 50 ans dans le département du Cher et ayant œuvré à la fois comme restaurateur, créateur et collaborateur d’artistes non verriers.
L’étude s’applique aux œuvres de création de Jean Mauret réalisées depuis l’installation de son atelier à Saint-Hilaire-en-Lignières (Cher) en 1969 et jusqu’à 2015. On note qu'après cette dernière date, l’artiste poursuit son œuvre et conduit encore plusieurs projets de création, en particulier pour l’église de Morogues dans le Cher (2017), pour le dortoir de l’abbaye de Sénanque à Gordes dans le Vaucluse (2017) et dans le cadre de recherches personnelles.
Un début de parcours atypique
Enfance et formation
Né le 23 septembre 1944 à Heiltz-le-Maurupt (Marne), Jean Mauret est fils et petit-fils de peintres verriers. Il est le deuxième enfant d’une fratrie de neuf. De son enfance, il se souvient des longs moments passés à l’atelier de son père et de son grand-père, Roger et Edgard Mauret, à fouiller dans les caisses de chutes de verres : « Quand, enfant, je me trouvais dans l’atelier paternel, je rêvais de pouvoir réaliser un jour de beaux vitraux et je m’emplissais les yeux et les oreilles de ce qui se passait autour de moi : mon grand-père dessinant des personnages ou des décors qui allaient se transformer en vitrail ; le bruissement du papier calque et la découpe des calibres numérotés et classés religieusement ; la coupe des verres et le chant du diamant ; le bruit sec du verre qui se détache et l’éclatement des chutes au sol. J’aimais ramasser ces morceaux disparates aux couleurs variées que je présentais à la lumière pour en savourer les scintillements, la puissance chromatique et les infinies possibilités de transformation grâce aux superpositions aléatoires dont je jouais au maximum. Je sais que c’est là que tout s’est joué pour moi, car j’ai accumulé des milliers d’expériences qui m’ont nourri et sont remontées à la surface à mesure que j’avançais seul à la quête de moi-même et d’un sens à donner à ma vie»1.
A seize ans, il commence des études artistiques durant lesquelles, curieusement, il s’éloigne du vitrail : à l’école des beaux-arts de Nancy (Meurthe-et-Moselle), il suit une formation générale (3 ans) puis une formation spécifique en sculpture (2 ans). Durant la deuxième année de sculpture, parallèlement, il donne des cours de dessin dans une école d’enseignement technique à Remiremont (Vosges)2.
La rencontre avec le sculpteur Claude Michel, spécialiste de la statuaire religieuse et ami de son père, va lui permettre de compléter l’enseignement qu’il reçoit aux beaux-arts et de découvrir d’autres univers. Jean Mauret se rend à vélo chez Claude Michel pendant les vacances3, parfois pour une quinzaine de jours. Il y apprend différentes techniques tels que le modelage, le moulage du plâtre, le dessin, l’aquarelle, l’assemblage du bois. Ils discutent beaucoup et c’est l’occasion de découvrir l’art contemporain et des artistes comme Miro, Picasso ou Braque. Ces échanges ont beaucoup nourri Jean Mauret, tant pour la pratique artistique que pour son développement personnel.
Pour avoir un bon professeur de sculpture, il décide de s’inscrire pour la fin de son cursus à l’école des beaux-arts de Bourges (Cher) où le sculpteur Marcel Gili (1914-1993) enseigne depuis 1947. En juin 1966, il y obtient un diplôme de sculpture qui complète le certificat d’aptitude à une formation artistique supérieure (CAFAS) acquis à Nancy en 1963.
Durant l’année qui précède son service militaire effectué de septembre 1967 à décembre 1968, Jean Mauret exécute quelques travaux à l’atelier de son père à Heiltz-le-Maurupt, réalise une sculpture de grenouille en pierre et un bas-relief pour la place de la ville de Sarralbe (Moselle) et participe à la restauration des chapiteaux XVIIIe en grès rose de la façade occidentale de la cathédrale Saint-Christophe de Belfort avec le sculpteur Maxime Chiquet.
C’est à l’école des beaux-arts de Bourges que Jean Mauret rencontre celle qui deviendra sa femme, Dominique Tourat. Mariés en décembre 1966, ils s’installent quelques années plus tard dans un ancien prieuré situé à Saint-Hilaire-en-Lignières (Cher), le village natal de Dominique. Ils auront cinq enfants, dont l’un meurt accidentellement en 1982.
Les débuts difficiles de l’atelier
Jean Mauret et l'une de ses sculptures sur bois, 1973. Photographie noir et blanc. Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières.Alors qu’il n’a pas encore terminé son service militaire, Jean Mauret prend la décision de s’installer à son compte dans le Berry en tant que sculpteur et maitre-verrier, pour multiplier les débouchés. Il écrit en novembre 1968 : « Cela ne sera pas facile mais je crois que l’expérience vaut le coup d’être tentée »4. Il ouvre son atelier à Saint-Hilaire-en-Lignières, à son domicile, le 1er avril 1969.
Les débuts ne sont pas aisés. Il obtient son premier chantier en sollicitant l’architecte départemental de l’Indre à Châteauroux, Pierre Bouguin, qui précisément cherche un verrier pour réaliser les vitraux de la chapelle qu’il vient de faire construire à Gireugne sur la commune de Saint-Maur dans l’Indre. C'est son premier gros travail en vitrail, celui qui lui permet de lancer l'atelier en 1969. Ne disposant pas encore des structures nécessaires à ce chantier, il exécute ces vitraux (dalles de verre) dans l'atelier de son père à Heiltz-le-Maurupt (Marne). Deux ans plus tard, il réalise les vitraux de créations de Tendu suite à sa visite de l’église et à sa rencontre avec le curé et ceux de la chapelle du Grand Séminaire à Verdun (Meuse)5. Il effectue également quelques petits travaux de restaurations.
Parallèlement, il obtient quelques commandes en sculptures : un Christ et un tabernacle pour l’église de la Zup Saint-Jean de Châteauroux (Indre) en 1969, une oeuvre dans le cadre du 1% artistique du collège d’enseignement général (CEG) d’Ecueillé (Indre) en 1971, l’autel de l’église de Luçay-le-Mâle (Indre) en 1972, des sculptures en bois pour le 1% du collège d’enseignement secondaire (CES) de Gannat (Allier) en 1974.
Jean Mauret frappe à toutes les portes, il sollicite des architectes, des inspecteurs des Monuments historiques et des curés pour obtenir des rendez-vous, pour leur proposer ses services et/ou une visite de son atelier. En décembre 1973, il écrit6 à Colette di Matteo, inspecteur des Monuments historiques : « J’aimerais pouvoir vous montrer mes recherches et en parler avec vous car depuis que je suis installé je n’ai jamais pu parler de mon travail avec quelqu’un des Monuments historiques sauf M. Feray7 qui est venu (en mai 1972) très rapidement chez moi mais à une époque où je n’avais pas encore grand-chose à lui montrer. (…) J’aimerais bien pouvoir obtenir des Monuments historiques quelques travaux (réfection, vitrerie8…) qui équilibreraient un peu mon travail qui n’est fait, depuis que je suis installé, presque exclusivement que de petits travaux trouvés dans des églises après des démarches souvent en disproportion avec le travail »9.
Finalement, en 1974, les difficultés de concilier deux activités de natures très différentes à l'atelier poussent Jean Mauret à abandonner la sculpture pour se consacrer pleinement au vitrail.
A partir de 1976 (chantier de l’abbaye de Noirlac à Bruère-Allichamps avec Jean-Pierre-Raynaud) puis le début des années 1980 (Souvigny, crypte de la cathédrale de Bourges, restaurations de la cathédrale de Bourges…), les commandes commencent à devenir plus régulières et plus nombreuses et l’atelier se développe peu à peu.
L’ouverture vers les autres
Dès les années 1970, Jean Mauret multiplie les occasions de découvrir ce qui se fait dans le monde du vitrail, mais aussi dans un milieu artistique plus large. Il s’investit dans plusieurs organisations :
- le groupe Travail’art, dans la mouvance de Supports/Surfaces, dont il fait partie de 1971 à 1976 avec les artistes peintres, écrivains et poètes Joël Frémiot, Bernard Michez et Georges Mérillon. Leurs idées personnelles, parfois très différentes les uns des autres, les conduisent à des échanges animés qui vont ouvrir Jean Mauret à d’autres horizons et vont l’aider à poursuivre sa quête artistique. Avec Travail’art, il démarre ses premières recherches en sculpture puis en vitrail. Le groupe organise de nombreuses manifestations (débats, rencontre avec le public dans les rues…) et expositions10.
- le groupe de peintres-verriers Hyalos fondé en 1977 par Claude Baillon, Emmanuel Chauche, Gérard Hermet, Mireille et Jacques Juteau, Jean Mauret, Guy Meliava, Louis-René Petit et André Ropion, rejoints durant les années suivantes par Benoit Marq, Jean-Dominique Fleury et Henri Guérin. Tous souhaitent donner au vitrail contemporain de création un nouvel élan. Ils partagent les mêmes questionnements, en particulier ceux concernant le rôle du vitrail dans l’architecture. Ils revendiquent une vraie place pour le verrier qui ne doit pas être considéré comme un simple exécutant mais comme un créateur. En juillet 1981, alors que Jean Mauret assure la présidence du groupe, il écrit au Ministre de la Culture Jack Lang pour lui demander un rendez-vous, afin de revaloriser la place du vitrail de création contemporain. A cette fin, il lui suggère notamment de publier un ouvrage de qualité sur le vitrail de création, de renforcer le 1% avec une part importante donnée au vitrail et d’insérer la création contemporaine dans les édifices classés. Hyalos organise beaucoup d’expositions (plus d’une quinzaine) de 1977 à 1983 dans toute la France (Orléans, Grenoble, Paris, Millau, Valence, Royan, Brive, Orly, Chartres…) et même à Djeddah en Arabie Saoudite. Le groupe se dissout en 1983.
- la chambre syndicale des maitres-verriers français11 dont il est membre de 1975 à 1996, où la rencontre avec des confrères lui permet de suivre l’actualité du vitrail
- la Commission du Vitrail mise en place en 1981 au ministère de la Culture et présidée par l’inspecteur général des Monuments historiques Michel Parent et dont Jean Mauret est membre de 1981 à 1982. Il a participé, à ce titre, aux décisions relatives à des projets de vitraux contemporains. D’autres verriers faisaient partie de cette Commission, Jean-Dominique Fleury, Jean-Jacques Gruber, Jacques Juteau et Gérard Hermet notamment. Jean Mauret n’a pas fait partie du groupe de travail chargé du dossier des vitraux de la cathédrale de Nevers, comme Jean-Dominique Fleury, car il était lui-même acteur de ce projet.
- en 1990, Jean Mauret est membre du Conseil artistique du Centre International du Vitrail de Chartres. Le verrier Benoit Marq ainsi que Jean-Pierre Raynaud et François Mathey (conservateur honoraire du musée des Arts décoratifs) font également partie de ce conseil.
Artistes du groupe Travail'Art en 1973. De gauche à droite, Bernard Michez, Georges Mérillon, Jean Mauret et Joël Frémiot.
Exposition du groupe d'artistes Travail'Art (Bernard Michez, Georges Mérillon, Jean Mauret, Joël Frémiot) dans les rues du centre ville de Châteauroux (Indre) en 1973. Photographies noir et blanc. Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières.
Sculptures en bois de Jean Mauret présentées lors d'une exposition en plein air du groupe d'artistes Travail'Art, 1973.
Photographie des peintres-verriers du groupe Hyalos vers 1981. En haut, de gauche à droite : André Ropion, Louis-René Petit, Benoit Marq, Sylvie Gaudin, Jean-Dominique Fleury, Guy Méliava et Jean Mauret. En bas, de gauche à droite : Emmanuel Chauche, Mireille Juteau, Claude Baillon et Gérard Hermet.
Exposition du groupe de verriers Hyalos en 1977 à Orléans (Carré Saint-Vincent). Photographie noir et blanc. Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières.
Afin de rencontrer d’autres verriers et aussi pour faire connaitre ses travaux de recherche, Jean Mauret participe à de nombreuses expositions, surtout au début de sa carrière, au cours des années 1970 et 1980. La liste des principales expositions a été placée en annexe. On citera en particulier, le premier Salon du Vitrail organisé en 1980 par Françoise Perrot, directrice du Centre International du Vitrail à Chartres, la deuxième biennale du Vitrail en 1988-1989 à Tournus/Narbonne et Noirlac, et la rétrospective « Jean Mauret » au musée du Vitrail de Curzay-sur-Vonne (Vienne) en 2001-2002.
Durant ces expositions, le travail de Jean Mauret est parfois remarqué par des professionnels du vitrail : en 1973 par Jean-Jacques Gruber à Pont-à-Mousson (vitrail circulaire blanc avec grisaille), en 1977 par Charles Marq à l'occasion de l'exposition d'art sacré d'Exempla 1977 à Munich et aussi, la même année, par Jean-Dominique Fleury qui dit s’être décidé à persévérer dans le vitrail après avoir découvert les recherches de Jean Mauret exposées au Carré Saint-Vincent à Orléans (groupe Hyalos). Parfois à l’issue de ces manifestations, des œuvres sont achetées à l’artiste : suite à l’exposition du Musée du Vitrail de Romont (Suisse) en 1984 et après l’exposition de Barcelone en 1985 en « Hommage à Joan Miro ».
Carton dessiné par Jean Mauret en 1983. Le vitrail réalisé d'après ce carton a été exposé au CIV à Chartres en 1983 (exposition Labyrinthe) puis au musée du vitrail de Romont (Suisse) auquel il appartient aujourd'hui. 118 x 180 cm. Fusain sur papier. Ech. 1. Carton conservé à l'atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières.
Vitrail réalisé par Jean Mauret en 1977 et exposé à Barcelone en 1985 à la Caza Elizalde (exposition "Hommage à Joan Miro"). Ce vitrail a été acheté suite à l'exposition, probablement par la "Fundacio Centre del Vidre de Barcelona" mais il semble que l'oeuvre soit aujourd'hui perdue. 70 x 70 cm, verres noirs, opalescents et transparents, grisaille et grattage, jaune d'argent, plombs de différentes largeurs.
Les activités de l’atelier : restauration, création personnelle et travaux avec des artistes
De 1969 à 2006 (fermeture de l’atelier), le travail effectué par l’atelier de Jean Mauret s’articule autour de trois axes principaux : la restauration de vitraux anciens, la création de vitraux contemporains, essentiellement pour des édifices religieux, et des réalisations en collaboration avec d’autres artistes. Ces trois axes se complètent et interagissent entre eux, se nourrissant mutuellement.
Les proportions de ces activités sont difficiles à évaluer mais on peut les estimer à environ 65% de restauration, 25% de création personnelle et 10 % de réalisation avec d’autres artistes. Depuis la fermeture de l’atelier en 2006, Jean Mauret travaille seul et se consacre seulement à la création12.
La restauration
Jean Mauret effectue ses premières restaurations de vitraux dans l’atelier paternel. Pour compléter cette première formation, il passe une semaine à l’atelier de Jean-Jacques Gruber à Paris en 1974 ainsi que trois jours au laboratoire de recherche des Monuments historiques de Champs-sur-Marne13 (Seine-et-Marne) la même année.
Par la suite, il fait partie des premiers verriers qui travaillent en liens étroits avec le laboratoire de recherche des Monuments historiques de Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne), juste après l’atelier de Sylvie Gaudin qui restaure les trois baies occidentales de la cathédrale de Chartres en 1974-197614. L’occasion lui en est donnée lorsque l'administration des Monuments historiques décide en 1975 de procéder aux premières restaurations des vitraux XIIIe de la cathédrale de Bourges. Ces travaux sont confiés à l’atelier du verrier Marcel Chauffour (Bourges)15 qui dépose durant l’été 197716 deux baies du déambulatoire (Jugement Dernier et Nouvelle Alliance). Ce dernier ne pratiquant pas la peinture sur verre, avait l’habitude de sous-traiter ce travail à Jean Mauret depuis 1975-1976, c’est pourquoi il demande à celui-ci de réaliser les pièces peintes pour les deux baies de la cathédrale. C’est donc en qualité de peintre sur verre, que Jean Mauret est convié aux réunions de suivi de chantier. Il y rencontre pour la première fois l’inspecteur général des Monuments historiques Jean Taralon, les spécialistes du vitrail Louis Grodecki, Catherine Brisac et Françoise Perrot ainsi que Colette di Matteo (inspecteur des Monuments historiques) et Jean-Jacques Gruber (verrier) qu’il connait déjà17. Tous examinent ses pièces peintes qui sont remarquées, voire confondues avec des pièces XIIIe18 ! La qualité de ce travail décide les Monuments historiques à confier la fin de la restauration des deux baies à Jean Mauret lorsqu’il reprend l’atelier de Chauffour19 à son départ à la retraite en avril 197820. Plus tard, lorsque la poursuite des restaurations des vitraux de la cathédrale de Bourges est planifiée, d’autres travaux sont confiés à Jean Mauret. Il intervient dans la cathédrale de 1980 à 1996 pour la restauration des 10 grandes baies « plates » du déambulatoire, du « grand Housteau » (ouest), de 9 baies des chapelles du déambulatoire, de 5 baies des chapelles latérales Renaissance de la nef puis de trois grandes baies hautes de la nef (Amos, Sophonias et Naum). De 1981 à 1985, il restaure également les vitraux XVe provenant de la Sainte-Chapelle du duc de Berry pour lesquelles il créé des verrières d’accompagnement à placer dans les baies de la crypte de la cathédrale.
Alors que les chantiers de Bourges sont en cours, Jean Mauret intervient aussi, de 1986 à 1994, sur quatre baies XIIIe de la cathédrale de Chartres : Noé, saint Nicolas, saint Joseph et la Vie de la Vierge.
Jean Mauret peignant des pièces de verre (grisaille) pour une restauration, début des années 1980. Photographie couleur. Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières.De 1980 à 2006, l’atelier effectue en outre de nombreuses restaurations de vitraux datant de périodes très diverses, du XIIe au XIXe siècle, dans plus de 300 édifices pour la plupart protégées au titre des Monuments historiques. Les verrières restaurées sont parfois prestigieuses, telles celles de l’église abbatiale de la Trinité de Vendôme (Vierge en Majesté du XIIe), de l’église du monastère royal de Brou à Bourg-en-Bresse (XVIe), des cathédrales de Bourges (XIIIe, XIVe, XVe, XVIe), de Chartres (XIIIe), de Lyon (XIIIe), de Metz (XIIIe et XIVe), de Moulins (XVIe), de Narbonne (XIIIe), de Poitiers (XIIIe) ou encore de la Sainte Chapelle de Vic-le-Comte (XVIe).
La liste des principaux chantiers de restaurations conduits par l’atelier a été placée en annexe.
On observe que, très fréquemment, Jean Mauret intervient dans certaines églises de deux manières, en restaurant des vitraux anciens et en réalisant des créations. C’est le cas notamment à Saint-Benoit-du-Sault (Indre) en 1995, à Souvigny (Allier) entre 1981 et 2000 et à Thenay (Indre) entre 1975 et 1980, Aubigny-sur-Nère (Cher) entre 1987 et 1998, Berry-Bouy (Cher) en 2001, à la cathédrale de Bourges (Cher) entre 1980 et 1996, à la cathédrale de Lyon (Rhône) entre 1985 et 2015, Châteaumeillant (Cher) entre 1984 et 2003, La Guerche-sur-l’Aubois (Cher) entre 1986 et 1991, Lye (Indre) entre 1988 et 1997, Chauvigny (Vienne) en 2003-2004 …
Les créations
De 1969 à 2015, Jean Mauret réalise des vitraux de création dans 126 édifices, quasiment tous religieux et situés pour près de la moitié sur le territoire de la région Centre-Val de Loire (61). Les autres créations sont localisées (par ordre d’importance décroissant) dans les régions Poitou-Charentes, Limousin, Champagne-Ardenne, Auvergne, Aquitaine, Lorraine, Bourgogne, Nord-Pas-de-Calais, Pays-de-la-Loire, Picardie et Rhône-Alpes. La liste complète des 126 localisations d’œuvres mises à exécution est placée en annexe (ci-dessous).
Il réalise en outre quantité d’œuvres personnelles (plus de 600 panneaux d’essais) conservées à l’atelier.
Jean Mauret travaillant dans son atelier, vers 1990. Photographie couleur. Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières.
Jean Mauret dans son atelier à Saint-Hilaire-en-Lignières, fin des années 1990. Photographie couleur. Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières.
Pour l’analyse du cheminement créatif des œuvres de Jean Mauret, voir les synthèses relatives à la « présentation des vitraux de création (recherches personnelles) conservés à l’atelier » et la « présentation des projets réalisés ».
Concernant la mise en œuvre de ses vitraux de création, Jean Mauret insiste sur le fait qu’il souhaite conserver la main sur toutes les étapes de travail et que par conséquent il ne peut déléguer aucune tâche concernant ses créations : « je me laisse une liberté d’intervention à tous les niveaux. Je préfère partir d’une maquette qui parait incomplète, pas finie, mais moi je sais comment à l’intérieur je vais la travailler. (…) J’avance un peu à l’improviste en précisant les choses au fur et à mesure qu’elles se révèlent »21.
Le vitrail d’essai exécuté en 2004 pour l’église du bourg de Saint-Pantaléon de Lapleau (Corrèze) illustre bien l’impossibilité pour une tierce personne de traduire une maquette ou un carton à la place de l’artiste : au cours de son travail, Jean Mauret a en effet enrichi considérablement le fond blanc uni de la maquette et du carton par l’emploi de verres opalescents blancs et gris, de verres transparents légèrement colorés et de verres industriels. Pendant le montage, il ajoute un autre élément non visible sur les dessins, un jeu de plombs de différentes largeurs qui renforce la composition.
Maquettes proposées par Jean Mauret en 2004 (choeur et oculus ouest) pour l'église de Saint-Pantaléon-de-Lapleau (Corrèze). Crayon et gouache sur papier. Ech. 1/10e. Documents conservés à l'atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières.
Église de Saint-Pantaléon-de-Lapleau (Corrèze) : carton réalisé par Jean Mauret en 2004 pour le panneau d'essai conservé à l'atelier. Fusain et gouache sur calque. 78 x 167 cm. Ech. 1. Document conservé à l'atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières.
Église de Saint-Pantaléon-de-Lapleau (Corrèze), panneau d'essai réalisé par Jean Mauret en 2005 : quadrillages décalés. 78 x 169 cm. Verres blancs opalescents, noir, bleu, rouge, verre à relief, grisaille blanche (points de la bordure). Atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières.
Ainsi, chaque vitrail d’essai de création est réalisé en totalité22 par l’artiste suivant les étapes suivantes :
- dessin des maquettes au 1/10e ou 1/20e,
- agrandissement des maquettes pour obtenir les cartons à l’échelle 1 qui sont assez fréquemment mis en couleurs,
- report des cartons sur un calque puis sur du papier fort,
- numérotation et découpe des calibres (papier fort) qui serviront à la coupe du verre23,
- coloration des verres (jaune d’argent, jus de grisaille …) et cuisson à 600° - 650°,
- choix des verres et coupe des pièces de verre,
- gravure sur les verres plaqués (à l’acide ou à la meule),
- sertissage (montage avec des baguettes de plomb plus ou moins larges) et soudure à l’étain,
- masticage pour garantir l’étanchéité du vitrail (mélange liquide d’huile de lin et de blanc d’Espagne).
Pour les travaux de commande, il faut ajouter à cette liste la prise des mesures des baies, la dépose des anciennes clôtures, la pose des nouveaux vitraux (fourniture de barlotières et de vergettes pour soutenir les panneaux, calfeutrement à la chaux intérieur et extérieur) et la mise en place de grillages de protection (laiton ou cuivre). On observe que chaque vitrail de création de Jean Mauret, même lorsqu’il semble identique à son voisin, n’en est quasiment jamais la copie conforme, chaque baie ayant presque toujours son propre carton et ayant bénéficié d’un choix de verres propre.
Panneau d'essai réalisé par Jean Mauret en 1980. 153 x 153 cm. Verres blancs opalescents, noir, verres à relief, multicolore, grisaille, trous, plombs de différentes largeurs. Vitrail conservé à l'atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières.Jean Mauret tente à différentes époques de se libérer de la technique traditionnelle assez contraignante du vitrail (maquettes, cartons, calibres, découpe …). A cette fin, il expérimente la réalisation de vitraux traités totalement ou en partie sans calibre24 (en 1974 à Rouvroy-Ripont dans la Marne, en 1980 sur un grand panneau d’essai, en 2010 dans l’église prieurale de Grandmont à Corquoy dans le Cher), parfois en remplaçant les calibres par l’utilisation de piges en verre (vitrail circulaire dit "rosace bleue" en 1970, et abbaye de Noirlac en 1976). Ce choix lui apporte une liberté plus grande et lui permet d’improviser jusqu’aux dernières étapes de réalisation.
Enfin, les archives de l’atelier ont révélé des documents relatifs au temps passé et aux étapes nécessaires à la réalisation de certains vitraux de création25. Ainsi pour le vitrail d’essai de Lavaudieu (Haute-Loire) en 1992, présentant une surface de 1,20 m², Jean Mauret note qu’il a passé 12 heures pour dessiner le carton et couper les calibres, 8 heures pour la recherche des verres, 12 heures pour la coupe, 6 heures pour la gravure, 2 heures pour l’application du jaune d’argent et 8 heures pour le sertissage, ce qui fait un total de 50 heures, soit 42 heures par m².
Pour le grand vitrail (8,50 m²) du bras nord du transept de l’église d’Heiltz-le-Maurupt (Marne), l’artiste indique en 1979 qu’il a passé 10 jours pour la maquette et le carton, 2 jours pour la découpe des calibres, 10 jours pour la coupe des verres, 8 jours pour la coloration (grisaille, jaune d’argent) et la gravure à l’acide, 3 jours pour les cuissons, 10 jours pour le montage et le masticage soit au total 8 semaines (de 5 jours) et 3 jours, c’est-à-dire 40 heures par m².
Pour le vitrail d’axe de l’église prieurale Saint-Pierre et Saint-Paul de Souvigny (Allier) en 1982, Jean Mauret note qu’il a consacré 54 heures par m², dont 24,6 % pour la maquette, 5 % pour le carton, 5 % pour le calibrage, 24,6 % pour la coupe, 5 % pour la peinture, 5 % pour la gravure, 7,3 % pour la cuisson, 18,5 % pour le sertissage et 5 % pour le masticage.
Ces indications permettaient à l’artiste de quantifier le temps passé à une œuvre et de mieux évaluer le coût d’un travail ultérieur lors de l’élaboration d’un devis. Les temps passés par m² sont estimés de 26 heures à 54 heures suivant la complexité des créations et suivant le nombre de pièces (130 à 300 par m²). Les prix pouvaient également varier selon la qualité des verres utilisés et les techniques employées (gravure, jaune d’argent, peinture).
Pour comparaison, un vitrail à dessins géométriques, de types losanges, demande 7 à 10 heures par m², la réalisation d’un pastiche XIXe avec des grisailles26 34 heures par m², et la réalisation d’un fac-similé d’un vitrail XIIIe27, 90 heures pour 0,44 m² soit plus de 200 h par m².
Certaines techniques employées par Jean Mauret pour ses vitraux de création sont récurrentes. Leurs importances évoluent suivant les périodes de son parcours et selon des rythmes différents pour chacune : certaines sont omniprésentes de 1969 à 2015 (le jaune d’argent), d’autres sont abandonnées pendant un temps pour réapparaitre beaucoup plus tard (la grisaille), d’autres encore voient leur méthode d’application évoluer (la gravure).
Panneau d'essai réalisé par Jean Mauret en 1987-1988 pour l'église abbatiale Saint-Pierre de Chezal-Benoit (Cher). 65 x 70 cm, blanc opalescent, noir, jaune d'argent, gravure. Vitrail conservé à l'atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières.Ses techniques de prédilection sont les suivantes :
- le jaune d’argent (chlorure ou sulfure d'argent) qui donne une teinte (lumière) dorée, plus ou moins foncée (du jaune citron au rouge brun) suivant la température de la cuisson (600° à 650°) et l’épaisseur posée. Les couleurs et la transparence du verre support ont également une influence sur le résultat final (du jaune d’argent posé sur un verre bleu donnera une teinte verte). Les vitraux de l’église prieurale de Villesalem à Journet (Vienne) ou ceux de l’église de Chezal-Benoit (Cher) illustrent particulièrement bien l’usage fait par Jean Mauret du jaune d’argent pour obtenir « des variations dorées tout en conservant une unité »
- la grisaille qui est une couleur vitrifiable composée de colorants à base d’oxydes métalliques et d’un fondant (verre pillé). Elle donne différentes couleurs suivant les pigments et est posée sur le verre avant cuisson (600 à 650°). Jean Mauret utilise beaucoup la grisaille jusqu’au début des années 1980 mais cette technique disparait quasi systématiquement de ses œuvres en 1984 pour réapparaitre ponctuellement durant les années 2000 (points de grisailles blanches à Saint-Pantaléon-de-Lapleau en Corrèze en 2005) puis pour ses essais de 2015 (grisailles noires)28
- la gravure dont Jean Mauret fait usage depuis ses débuts et particulièrement à partir des années 1980. Il utilise la technique de la gravure à l’acide fluorhydrique pour obtenir des aplats puis, en 1991, il introduit l’emploi d’une petite meuleuse de prothésiste dentaire pour une gravure plus fine (points et traits). La gravure permet à Jean Mauret de faire jouer la lumière, de l’animer, de créer des surfaces moins plates. Il va chercher la transparence dans la matière
- l’utilisation de plombs de différentes largeurs (de 4 à 15 mm) qui permet à l’artiste d’éviter la monotonie et de ne pas limiter ce matériau à la seule fonction de sertissage. Le plomb joue alors un rôle actif dans la composition du vitrail. Il offre la possibilité de dessiner d’un trait non uniforme. A l’occasion de la réalisation des vitraux réalisés pour les baies hautes du transept de la cathédrale de Lyon, Jean Mauret explique que les plombs larges « accompagneront la composition » et les plombs les plus étroits « sépareront les couleurs des blancs tout en disparaissant visuellement de par la hauteur des fenêtres ». Selon lui, « le contraste des plombs est un des éléments importants de la structuration de la composition générale »29.
- La présence de trous, de vides qui sont en contradiction avec la définition du vitrail qui est un élément de clôture. Les premiers trous apparaissent dans des panneaux d'essais datés de 1970 (trous en forme de croissants de lune). Ces trous permettent d’obtenir des transparences pures et octroient au vitrail une troisième dimension (on peut voir au-delà). Cette particularité est présente durant toutes les années 1970, puis est abandonnée avant de réapparaitre durant les années 2000. Les trous n’étant pas compatibles avec des travaux de commandes sont exclusivement réservés aux panneaux de recherches personnelles. Ils ont été remplacés par la gravure pour les vitraux placés dans des édifices.
- la découpe des verres préalablement travaillés au jaune d’argent et/ou à la grisaille. L’artiste découpe ses pièces dans des verres déjà préparés et cuits. En 2014, il explique sa démarche : « en redécoupant dans ce travail préparatoire, j’évite ainsi l’intervention directe du geste dans une forme définie. La distanciation d’avec le geste pictural m’est indispensable pour ne pas mélanger ce qui est de l’ordre de l’affect et la direction que j’essaie de donner à ma démarche»30
- un travail sur les rapports entre les transparences pures et les blancs de différentes intensités (opaques et opalescents), particulièrement à partir de 1985, et durant les années 1990. Ces recherches sur les variations de translucidité sont particulièrement visibles sur le grand vitrail de la sacristie de la cathédrale de Lyon en 1991 ainsi que sur les verrières de la nef de l’église Saint-Pierre de Chauvigny (Vienne) en 1994.
- l’emploi de verres spécifiques dont certains sont fabriqués par les verreries à sa demande :
- des verres opalescents plaqués blancs et gris à partir de 1984 et surtout jusqu’aux années 2000
- une grande variété de verres industriels pour accrocher et diffracter la lumière. Ces verres étaient déjà utilisés par petits morceaux dans des panneaux d’essai des années 1970 mais à partir des années 2000, Jean Mauret les utilise avec des pièces plus grandes et dans des églises (Saint-Baudel en 2008, Grandmont à Corquoy en 2010 …)
- une grande diversité de verres transparents très légèrement colorés, surtout à partir des années 2000-2010 où les transparences deviennent très présentes, comme à Vallenay (Cher) en 2011 ou encore dans l’église de Gardefort (Cher) en 2005
- des verres noirs (surtout jusqu’en 1980 puis à partir des années 2000)
- des verres de couleurs très vives et lumineuses à partir des années 2000, notamment ceux obtenus grâce à la coloration dite indirecte au moyen d’oxydes métalliques31 telles les roses à l’or et les jaunes sélénium (chapelle du lycée Jacques Cœur à Bourges en 2009)
Panneau d'essai réalisé par Jean Mauret en 1977. 37 x 37,5 cm. Verre blanc opalescent, grisaille (fausses clavettes), plombs portant de la peinture. Vitrail conservé à l'atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières.
Jean Mauret travaillant dans son atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières : peinture des vitraux de Revigny-sur-Ornain (Meuse) en 1982. Photographie noir et blanc conservée à l'atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières.
Panneau d'essai réalisé par Jean Mauret en 1984 : détail. 125 x 188 cm. Blancs opalescents, gris opalescents, gravure, touches de jaune d'argent. Atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières.
Panneau d'essai réalisé par Jean Mauret en 1977. 60 x 60 cm. Verres blancs opalescents, noir, touches de couleurs, trous, plombs de différentes largeurs. Vitrail conservé à l'atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières.
Panneau d'essai réalisé par Jean Mauret en 1970 et conservé à l'atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières (Cher). 22,5 x 41,5 cm. Rouge avec lune en plomb (trou).
Deux panneaux d'essais réalisés en 2015 pour l'église prieurale de Grandmont à Corquoy (Cher). 137 x 30 et 139 x 40 cm. Verres industriels, verres transparents, jaune selenium, verres opalescents, bleu, noir, plombs de différentes largeurs, parfois absence de plomb entre deux verres. Atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières.
Panneau d'essai réalisé par Jean Mauret en 1977 et conservé à l'atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières. 60,5 x 60,5 cm, carrés de verre noir et plombs de différentes largeurs, absence de plomb parfois (créé des lignes de lumière).
Travaux avec d’autres artistes
Outre son travail de restauration et de création, la collaboration de Jean Mauret avec plusieurs artistes contemporains a été l’occasion d’expériences et de rencontres enrichissantes : Jean-Pierre Raynaud en 1975 (verrières de l’abbaye de Noirlac à Bruère-Allichamps), Gottfried Honegger en 1996 (nef haute et crypte de la cathédrale de Nevers), Shirley Jaffe en 1998 (chapelle de la Funéraria de Perpignan), Jan Dibbet’s en 2000 (cathédrale de Blois).
A cela, s’ajoute deux expériences totalement différentes d’avec les peintres, mais néanmoins très nouvelles dans leurs formes, la réalisation en 1988 d’un volume (cube) en vitrail avec l’architecte Jean-Paul Philippon et la collaboration avec deux autres artistes verriers, Jean-Dominique Fleury et Gilles Rousvoal, en 2014-2015 à la cathédrale de Lyon pour une création à six mains.
Les spécificités de chacun de ces chantiers (historique, descriptif) sont présentées précisément dans les notices correspondantes. Se référer également à la synthèse relative aux « travaux réalisés avec d’autres artistes ».
Église abbatiale de Noirlac à Bruère-Allichamps (Cher) : détail du vitrail de la baie 1 du Choeur. Réalisation en 1976 par Jean Mauret d'après les cartons de Jean-Pierre Raynaud.
Vue d'ensemble des baies 001, 002 et 003 de la crypte (face ouest) de la cathédrale de Nevers (Nièvre) : vitraux réalisés par Jean Mauret d'après des cartons de Gottfried Honegger, entre 1998 et 2000.
Perpignan (Pyrénées orientales), chapelle Saint-Jean l'Évangéliste dite de la Funeraria : Vue d'ensemble du vitrail de la baie 2 (choeur) réalisé en 1998 par Jean Mauret suivant un projet de Shirley Jaffe.
Commandes par des propriétaires privés
D’après les archives de l’atelier (factures, maquettes), on compte, de 1975 à 2015, seulement une trentaine de petites commandes de création par des particuliers pour des bâtiments civils. A cela s’ajoutent quelques petites restaurations non comptabilisées. On observe que ces travaux qui constituent une activité de marge, se situent sur un territoire assez proche de l’atelier, quasiment exclusivement dans les départements du Cher, de l’Indre et de l’Allier, avec toutefois quelques exceptions comme ce vitrail en dalles de verre réalisé en 2002 pour un mausolée au Liban32.
En outre, des vitraux de création ont également été réalisés à la demande de personnes privées pour cinq édifices religieux : chapelle du château Notre-Dame des Fleurs à Vence33, église prieurale de Grandmont à Corquoy, chapelle de la maison de retraite Saint-Joseph d’Ecueillé, église prieurale Saint-Laurent à Palluau-sur-Indre, chapelle Sainte-Catherine de Fontevraud-l’Abbaye.
Devant les difficultés d’accès aux œuvres conservées dans des propriétés privées, seuls quelques chantiers ont été retenus dans le cadre de l’étude : les œuvres placées dans des édifices religieux protégés au titre des Monuments historiques (Corquoy, Palluau-sur-Indre), dans des édifices religieux non protégés (Ecueillé), dans des lieux civils facilement accessibles (chapelle funéraire de Mornay-sur-Allier, charcuterie de Saint-Amand-Montrond) ou encore pour des œuvres réalisées avec des artistes (Vence avec Jean-Pierre Raynaud).
Maquettes de vitrail en dalles de verre proposées en 2002 à un particulier pour un mausolée au Liban. Photographie de gouache et crayon sur pierre (la pierre est effacée et il ne reste que la photographie). Document conservé à l'atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières.
Fontevraud-l'Abbaye (Maine-et-Loire), chapelle Sainte-Catherine : carton de vitrail dessiné par Jean Mauret en 2009 pour la baie sud. Fusain et gouache sur papier et collages. 85 x 284cm. Ech. 1. Document conservé à l'atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières.
Saint-Amand-Montrond (Cher), vitrail réalisé par Jean Mauret en 2000 pour la boucherie-charcuterie située 1 avenue Général de Gaulle. 113 x 152 cm.
Évolution de l’entreprise
On constate que les débuts de l’atelier sont difficiles financièrement, et que les travaux sont peu nombreux. A partir du milieu des années 1970, avec le chantier de Noirlac (1976-1977) puis le début des restaurations de la cathédrale de Bourges (1980), les résultats deviennent meilleurs. Le chiffre d’affaire ne cesse alors de progresser régulièrement avec des augmentations significatives aux moments des grands chantiers avec les peintres : 1991-1996 (Nevers), 1995-2000 (Blois) et 1998-1999 (Perpignan).
Durant les années 1990, l’atelier conduit également de grands chantiers de restauration (Lyon, Bourges, Bourg-en-Bresse, Belley, Chartres, Parthenay…) qui assurent une belle dynamique à l’entreprise. Les dernières années de l’atelier, de 2003 à 2006, sont plus « calmes », le personnel employé se réduisant à trois personnes. Jean Mauret anticipe déjà la fermeture de l’atelier à cette époque et, de ce fait, cherche à diminuer le rythme et à ne pas trop accumuler les chantiers.
Les ateliers concurrents
On doit distinguer la concurrence avec d’autres verriers sur les chantiers de création de celle des travaux de restauration. Nous ne donnerons ici que quelques exemples répertoriés au fil de l’étude (liste non exhaustive).
Pour la création, ont remporté ou concouru sur les mêmes chantiers que Jean Mauret :
- l’Atelier du Vitrail à Limoges (M. Vernejoux) en 1978 pour les accompagnements des vitraux XVe de la crypte de la cathédrale de Bourges (Cher) et en 1996 pour le prieuré de Villesalem à Journet (Vienne)
- Alain Makaraviez installé en Charente-Maritime pour l’église de Latronche (Corrèze) en 1987
- Bruno de Pirey installé dans le Cher pour l’église de Vic à Nohant-Vic (Indre) en 1978 et pour le prieuré de Villesalem à Journet (Vienne) en 1996
- Claire Babet installée en Eure-et-Loir pour l’église de Bueil-en-Touraine (Indre-et-Loire) en 2005
- Stéphane Petit installé en Eure-et-Loir pour l’église de Descartes (Indre-et-Loire) en 2005
- Atelier Peters à Paderborn (Allemagne) pour l’église de Souesmes (Loir-et-Cher) en 2004
- Louis-René Petit à Orléans en 1995 pour l’église de Neuvy-Pailloux (Indre) et celle de Châteauneuf-sur-Charente (Charente) en 1996
- Gérard Lardeur (Paris) pour l’église de Châteauneuf-sur-Charente (Charente) en 1996, celles de Romegoux (Charente-Maritime) en 1992, de Matha (Charente-Maritime) en 2002 et de Langonnet (Morbihan) en 1995
- Jean-Dominique Fleury (Toulouse) pour l’église Saint-Pierre de Carsac-de-Gurson (Dordogne) en 2001, pour l’église de Sainte-Croix-de-Beaumont (Dordogne) en 2002, pour l’église de Puy-d’Arnac (Corrèze) en 1987 et pour l’église abbatiale de Fontmorigny à Menetou-Couture (Cher) en 2007 (en collaboration avec une artiste)
- Anne et Guy Le Chevalier installés dans les Hauts-de-Seine pour l’église de Châteauneuf-sur-Charente (Charente) en 1996
- L’Atelier Duchemin (Paris) pour l’église d’Echebrune (Charente-Maritime) en 2001
- Pierre-Alain Parot pour l’église de Cars (Gironde) en 2004
- Jeannette Weiss pour l’église Notre-Dame de Niort (Deux-Sèvres) en 1989 (accompagnement d’un arbre de Jessé de la fin du XVe siècle)
- Michel Guével, atelier à Valmondois dans le Val d’Oise pour l’église de Solignac (Haute-Vienne) en 1985
Concernant la restauration, les principaux concurrents pour les gros chantiers sont les ateliers de la région parisienne (Sylvie Gaudin puis Michel Blanc-Garin, Duchemin), de Chartres (Lorin, Loire), du Mans (Avice anciennement Didier Alliou), de Limoges (Atelier du Vitrail, anciennement Francis Chigot), d’Orléans (Gouffault) et d’Allouis dans le Cher (Bruno de Pirey).
L’atelier : locaux, matériel et fonctionnement
Les locaux
L’atelier de Jean Mauret est établi dans le bourg de Saint-Hilaire-en-Lignières (Cher), sur le lieu d’habitation de l’artiste. La maison, accolée au côté nord de l’église du village, est imposante et ancienne. Une partie de la maison pourrait en effet dater du XIIIe siècle, époque où un prieuré dépendant de l’abbaye de Déols (Indre) était installé ici. Lorsqu’en mars 1969, Jean Mauret et sa femme achètent cette bâtisse non habitée depuis environ 70 ans, ils n’ont pas les moyens d’y faire des travaux et n’ont élaboré aucun projet précis pour l’avenir. Ils ont seulement l’intuition que c’est ici que se déroulera leur vie.
Le bâtiment est constitué d’une habitation et d’une très grande grange. C’est dans cette dernière, divisée en trois niveaux en 1977, que les différents espaces de l’atelier s’organisent peu à peu. En outre, dès les années 1970 et jusqu’en 1999, un local appelé « le quai » et situé à l’extrémité nord de la maison, est également utilisé pour les activités de l’atelier, essentiellement pour le masticage.
Jean Mauret dans son atelier. Photographie prise en 1977 par le photographe Richard Frieman lors d'une interview pour illustrer un article de la revue "Clair Foyer", n° 289, avril 1977, pp 62-65. Scan d'une diapositive conservée à l'atelier de Jean Mauret.
Jean Mauret travaillant dans son atelier, années 1980. Photographie noir et blanc conservée à l'atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières.
L'atelier sous les combles vers 1980.
Jean Mauret dans son atelier. Photographie prise en 1977 par le photographe Richard Frieman lors d'une interview pour illustrer un article de la revue "Clair Foyer", n° 289, avril 1977, pp 62-65. Scan d'une diapositive conservée à l'atelier de Jean Mauret.L’architecte Jean Dedieu34 se souvient de l’atelier au moment des travaux de Noirlac (1975-1977) : «Nous pénétrons dans l’atelier de Jean Mauret. C’est un espace extrêmement diversifié, encombré de plateaux surchargés pour certains d’une multitude de crayons dans des pots, des pinceaux, des flacons de toutes sortes, des boites de peinture, des papiers épars et d’un vitrage à plat en cours de mise en plombs.
Sur l’un des murs sont épinglés des plans, des feuilles couvertes de dessins esquissant un vitrail de couleurs. Toutes les parois sont équipées comme dans une bibliothèque de petits rangements verticaux remplis de plaques de verres de toutes dimensions, rangées selon les couleurs, les épaisseurs, les variétés. Un choix immense de verres stockés ici est susceptible de répondre à de vastes projets.
Au pourtour des tables encore, des meubles bas occupent l’espace d’où surgissent des centaines de petites plaques de verres de toutes les couleurs étiquetées, numérotées, à portée de la main.
Enfin, l’ensemble de cet espace relativement concentré est éclairé par une grande verrière de plus de trois mètres de hauteur devant laquelle a été aménagée une deuxième verrière légèrement inclinée vers l’arrière et qui supporte une série de verres de couleur, du rouge au bleu foncé en passant par le rose, le verre clair, le blanc … Une échelle dressée latéralement permet de poser un panneau de petite ou de grande dimension, voire une fenêtre entière devant la lumière du jour dont l’orientation semble excellente»35.
L'atelier de vitraux situé 8 rue Geoffroy Tory à Bourges occupé par Jean Mauret de 1978 à 1988 (ancien atelier Léon et Charles Jurie pour Marcel Chauffour). Photographies prises entre 1978 et 1988. Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières.En avril 1978, Jean Mauret achète le fonds d’atelier de Bourges (8, rue Geoffroy Tory) du verrier Marcel Chauffour36 à son départ à la retraite. Il verse un loyer pour le local de cet atelier à Marguerite Jurie, fille et petite-fille des peintres-verriers Léon (1879-1947) et Charles Jurie (1840-1919)37. Suite au décès de celle-ci, vers 1988, Jean Mauret rompt le bail de location en juin 1989. L’atelier de Bourges a été assez peu utilisé, seulement comme pied à terre et pour des rendez-vous avec des clients. C’était surtout une adresse, tout près de la cathédrale de Bourges.
En 1986, à l’est de l’atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières (du côté du jardin), une extension est ajoutée suivant les plans de l’architecte Jean Dedieu. L’endroit est très lumineux, éclairé sur trois côtés dont deux verrières. Jean Mauret écrit en 2014 au sujet de ce lieu qu’il dénomme « l’atelier du jardin » : « Je pense souvent à l’époque où j’ai décidé la construction de cet atelier et je remercie le ciel pour l’intuition de son implantation et de son éclairement. La transparence des deux pignons et la lumière qui inonde l’espace sont incomparables à celles des ateliers traditionnels limités à une seule façade éclairée. Cette disposition m’offre des possibilités uniques de rapports à la lumière. Chaque verre est confronté au jardin et à ses changements de saisons, aux mouvements des arbres et des plantes, aux couleurs lunatiques des fleurs … »38.
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : vue d'ensemble de l'atelier du jardin en 2016, depuis le jardin vers le sud-ouest.
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : vue d'ensemble de l'atelier du jardin, 12 décembre 2011.
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : vue d'ensemble de l'atelier du jardin, 12 décembre 2011.
A partir de septembre 1992, suite au départ à la retraite du maréchal-ferrant du village qui exécutait jusque-là les travaux de serrurerie pour l’atelier, Jean Mauret décide d’installer un espace propre à ces activités. Il rachète une partie du matériel de l’ancienne forge qu’il complète par de nouveaux équipements et embauche un serrurier. Un nouveau local, dédié à la serrurerie, est installé dans un bâtiment situé dans le bourg de Saint-Hilaire-en-Lignières, à environ 100 mètres de l’atelier de vitraux.
Aujourd’hui, l’atelier se réparti sur une surface d’environ 480 m². Les différents espaces sont chacun dédiés à des fonctions précises (maquettes, cartons, découpe des calibres, peinture et jaune d’argent, gravure, cuisson, montage, masticage, administration, serrurerie …) ou à des lieux de stockages (verre, plomb, archives).
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : vue d'ensemble de l'atelier (verrière donnant sur la cour), 12 décembre 2011.
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : vue d'ensemble de l'atelier sous les combles en 2016.
Entrée de l'atelier de Jean Mauret en 2016 : vitraux et sculptures de l'artiste.
Alors que les locaux se déploient sur quatre niveaux avec l’atelier du jardin, la présence de nombreux escaliers oblige à traiter certaines activités (montage, stockage) sur le seul espace du rez-de-chaussée. Le masticage s’effectue dans un ancien garage situé sur la propriété.
Le matériel (outils, matières premières)
Les différents espaces de l’atelier contiennent tout le matériel nécessaire à la restauration et à la fabrication de vitraux. Ce matériel a été légèrement réduit depuis la fermeture de l’atelier en 200639. En 2017, on recense :
- un four électrique pour les cuissons (surface de cuisson maximum de 46 x 96 cm)
- une table de montage avec les outils correspondants : ouvre-plombs, marteaux de montage, pinces à gruger, pinces à détacher, couteaux à lame courbe, tenailles, stéarine (pour décaper le plomb, pour qu'il soit propre pour la soudure), clous de montage, soudure à l'étain (composée de 60 % d'étain et de 40% de plomb), couteaux à mastic (recoupés pour être plus solide, il sert à couper le plomb, à l'ouvrir et à le rabattre) fers à souder …
- deux tables de dessin pour les maquettes (avec pinceaux, aquarelles, gouaches …)
- deux tables lumineuses, utilisées notamment pour la peinture sur verre
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : En 2016, le four électrique utilisé pour les cuissons des verres (fixation des grisailles et du jaune d'argent). La surface de verres à cuire est de 93 x 46 cm maximum. Les cuissons montent à 600° - 650°.
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : l'atelier du rez-de-chaussée côté cour en 2016, détail sur les outils de montage : ouvre-plombs, diamants, marteau de montage, pinces à gruger, pinces à détacher, couteaux à lame courbe, tenaille, stéarine (pour décaper le plomb, pour qu'il soit propre pour la soudure), clous de montage, soudure à l'étain (composée de 60 % d'étain et de 40% de plomb), couteau à mastic (recoupé pour être plus solide, il sert à couper le plomb, à l'ouvrir et à le rabattre).
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : vue d'ensemble de l'atelier de la cour en 2016. Emplacement dédié au montage des vitraux.
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : vue d'ensemble de l'atelier de la cour en 2016. Emplacement dédié à la réalisation des maquettes.
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : vue d'ensemble de l'atelier du jardin en 2016, vue prise vers le nord.
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : vue d'ensemble de l'atelier de la cour en 2016. Emplacement dédié à la réalisation des maquettes et stock de verre (au fond).
- une très grande table (1,53 x 5 mètres) destinée aux premiers tracés des cartons (règles, équerre, trusquin …), à la mise en place des calques à l’échelle 1 et la découpe des calibres (ciseaux à trois lames). La coupe des verres s’effectue également sur cette tables (diamants, pinces à gruger, pierres à meuler pour atténuer le coupant des verres, coupes-verre avec un réservoir pour l'huile de coupe …)
- un système de poulies pour suspendre à la verticale les cartons à l’échelle 1 et les finaliser (fusains, gouaches …)
- trois verrières de présentation
- un ancien chevalet en bois pour la peinture sur verre40 provenant de l’atelier de Marcel Chauffour avec réserves de grisailles diverses, couteau palette, pinceaux, blaireaux, pochoirs anciens en cuivre et autres pochoirs
- un grand escabeau mobile en bois pour la réalisation des cartons et provenant de l’atelier de vitraux du grand-père de Jean Mauret
- deux coffres anti-feu pour ranger les vitraux anciens de valeur lorsque l’atelier effectuait des restaurations
- deux éviers avec près de l’un d’eux un espace dédié aux jaunes d’argent (réserves de jaunes d’argent, pinceaux…)
- Bacs pour le nettoyage des vitraux
- une cabine avec aspiration pour la gravure (installée en 197941)
- une petite meuleuse de prothésiste (achetée en 1991)
- casiers de rangements pour les verres
- des plombs de différentes largeurs
- matériel de serrurerie : enclumes, forge, tenailles, scie électrique pour scier la ferraille, perceuse sur pied pour le métal, machines pour faire les trous rectangulaires (appelés lumières) dans les feuillards, grillage en laiton, en cuivre ou en fer galvanisé
- échafaudages légers, échelles
- des meuleuses diamantées pour affiner les coupes des verres
- une scie diamantée pour découper le verre (achat en 2017)
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : vue d'ensemble de l'atelier du jardin en 2016, vue prise vers le nord.
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : l'atelier du jardin en 2016, détail sur les outils utilisés pour la coupe des verres, la réalisation des cartons, la coupe des calibres : pierre à meuler (pour atténuer le coupant des verres), pinces à gruger, diamant, coupe-verre (avec un réservoir pour l'huile de coupe), ciseaux à triple lame, fusain, couteau à mastic (pour gratter les verres souillés).
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : vue d'ensemble de l'atelier du jardin, 12 décembre 2011.
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : l'atelier du jardin en 2016, verrière côté nord avec les deux panneaux d'essais de la cathédrale de Lyon.
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : verrière de l'atelier du jardin, 12 décembre 2011.
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : longues caisses en bois contenant des plombs de différentes largeurs (2 mm à 20 mm), des attaches en plomb et des tiges d'étain utilisées pour la soudure (60 % d'étain et 40 % de plomb).
Échantillons de plombs pour vitraux des établissements R. Prévost à Aubervilliers (Seine) (actuellement société Prévost-Arbez à La Neuville-Roy), vers 1970 ? : plombs en H, plombs recouverts de cuivre, plombs armés, plombs anodisés pour vitraux d'appartements, soudures, attaches, ailes. Les établissements Prévost créés en 1929 ont été repris par la société Prévost-Arbez en 1973.Les fournisseurs chez lesquels Jean Mauret s’approvisionne depuis 1970 sont relativement variés :
- Les verres proviennent pour la plupart de la verrerie de Saint-Just-Saint-Rambert (Loire) (groupe Saint-Gobain) mais aussi de verreries allemandes, Lamberts et Fischer42 notamment.
- Les plombs43, les attaches en plomb et les tiges d'étain utilisées pour la soudure proviennent de la Maison Prévost-Arbez à La Neuville Roy (Oise)
- L’outillage propre au métier de peintre-verrier est commandé à GK technique à Forges-les-Bains (Essonne)
- Les grisailles proviennent suivant les époques, de chez Céradel à Limoges (années 1970), de Rougier et Plé (1975-1988), de La Technique Appliquée (Paris) (1976-1985) de la Maison du Vitrail (Paris) et de chez Hervé Debitus (Tours)
- Le jaune d’argent est acheté chez le fabricant Degussa à Frankfort (années 1970) puis chez Hervé Debitus à Tours (1988 à 2005), à la Maison du Vitrail (Paris) (1996 à 2003) et chez Rougier et Plé à Palaiseau (Essonne) (1980 à 1988)
- Les diamants proviennent de l’entreprise Ménard (Paris) qui n’existe plus aujourd’hui
- Les grillages proviennent de deux établissements : Brossette à Bourges et Laugel et Renouard à Saint-Dié-des-Vosges (Vosges).
- On note que certains outils ont été adaptés par Jean Mauret pour des besoins spécifiques, tels ces couteaux à mastic recoupés pour être plus solide et pour servir à couper le plomb, à l'ouvrir et à le rabattre
Le stock de verre, particulièrement important, est réparti dans environ 200 casiers placés dans plusieurs espaces de l’atelier. La richesse de tons, environ 2000, est exceptionnelle. Les verres sont disponibles dans des dimensions très diverses (feuilles entières, demi-feuilles, morceaux …). Tous sont des verres antiques soufflés, la moitié environ des verres plaqués. On distingue notamment dans ce stock, des verres industriels (dits aussi imprimés), des verres opalescents plaqués, des verres cordelés, des verres plaqués spécifiques (rose à l’or, jaune sélénium), des verres bariolés (peu), des verres unis.
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : l'atelier du jardin en 2016, détail sur les stocks de verres.
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : l'atelier du jardin en 2016, détail sur les échantillons de verres.
Lorsque Jean Mauret fait fabriquer des verres pour certaines commandes, il demande que ceux-ci se gravent correctement et prennent bien le jaune d’argent.
Toutes les variétés de verres du stock sont signalées par des échantillons rangés soigneusement et étiquetés suivant des normes propres à l’atelier. Les indications mentionnées sur chacun de ces échantillons sont les suivantes :
- la référence du verre : soit celle de la verrerie au moment de l’achat (avec parfois la date de fabrication du verre qui permet de retrouver rapidement le verre pour en racheter), soit une référence propre à l’atelier (par exemples : G14=gris, bleu I, bleu XVIe …)
- un numéro entouré correspondant au casier de l’atelier où est rangé le verre de l’échantillon : 1 à 38 (atelier cour), F1 à F15 (près de l’ancien four, actuel évier), 40 à 50 (près de la table de montage), AJ1 à AJ25 (atelier jardin), AJP0 à AJP14 (atelier jardin) …
- la quantité restante de ce verre dans le casier de l’atelier (exprimée en m²). Ce chiffre évolue évidemment au fur et à mesure des prélèvements dans le stock.
Les panneaux d’essais
Plus de 600 panneaux d’essais de création, aux formats très divers44 et datés de 1970 à 2015 sont conservés à l’atelier. Ces œuvres ont été étudiées dans les synthèses relatives aux vitraux de création suivant cinq périodes : 1969-1982, 1982-1983, 1983-1994, 1995-2002, 2003-2015. Se reporter à ces synthèses pour plus de précisions.
Aux œuvres de création s’ajoutent quelques panneaux anciens (et éléments disparates de vitraux), objets de dépose provenant notamment de l’atelier paternel. Ces éléments n’ont pas été répertoriés.
La documentation papier
Atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières : vue d'ensemble de l'atelier sous les combles en 2016. L’atelier conserve une grande quantité d’archives permettant de reconstituer son histoire et les chantiers conduits par celui-ci. Ces archives sont de natures très diverses :
- les dossiers des différentes opérations (création ou restauration) classés par départements et/ou par communes. Pour chaque chantier, ont été conservés les devis, factures, correspondances, plans de situations des baies, prises de mesures, dossiers administratifs45 …
- les pièces comptables et administratives, les factures d’achats de matériel (outils, verres, plombs …), les anciens agendas professionnels de l’artiste46
- des textes manuscrits de Jean Mauret, essentiellement des réflexions sur l’art, sur le rôle spirituel de l’art, le rôle de la lumière dans le vitrail …
- des documents iconographiques :
- des maquettes (éch. 1/10e ou 1/20e) sur papier ou calque (aquarelle, gouache parfois encre) rangés dans des grands cartons à dessin
- des cartons (éch. 1) sur papier fort ou calque (fusain, crayon de bois, gouache)
- de nombreuses diapositives et photographies prises dans les édifices avant la dépose des anciens vitraux ou après la pose des nouveaux vitraux de création
Il faut en outre mentionner la présence d’une bibliothèque riche d’environ 1000 ouvrages, dont 1/5e est consacré au vitrail (techniques, monographies de verriers, histoire du vitrail, grands chantiers contemporains). Le reste est constitué de livres d’histoire de l’art, d’architecture (toutes périodes et toutes civilisations) et de monographies sur des artistes contemporains (peintres et sculpteurs).
Plusieurs collections de revues complètent cette bibliothèque. On note en particulier les titres suivants qui confirment l’intérêt de Jean Mauret pour l’art contemporain, les arts sacrés et le patrimoine :
- Art Press de 1973 à 1989
- Art Vivant du n° 1 au n° 57 (1969 à 1975)
- Revue de la Céramique et du Verre (depuis 1990)
- Connaissance des Arts (depuis 2004)
- Arts Sacrés (du n° 1 de 2009 à aujourd’hui)
- Monumental (du n° 1 de 1998 à aujourd’hui)
- Monuments historiques de 1977 à 1993
Le personnel
L’atelier de Jean Mauret est une entreprise de type individuel. La structure évolue peu à ses débuts, l’artiste travaillant seul jusqu’en 1973, date à laquelle il embauche François Martinat47 (monteur, poseur), un jeune du village. En janvier 1976, il emploie Jean-Luc Champagne (monteur poseur) qui ne reste que 18 mois à l’atelier.
A partir de 1981, la structure s’étoffe avec l’arrivée de Marie-Thérèse Richard, aide-comptable et secrétaire et de Jean-Jacques Prel (monteur, poseur, peintre, serrurier, prises de mesures) qui deviendra rapidement un ami et le bras droit de Jean Mauret. Tous les deux resteront jusqu’à la fermeture de l’entreprise en 2006.
Au cours des années 1980 et 1990, plusieurs personnes sont embauchées pour des périodes plus ou moins longues : Jean-Maurice Zalig48 (masticage, aide à la pose) et Daniel Auclert49 (monteur poseur) en 1982, puis Jean-Marie Chaugne50 (aide à la restauration, masticage, pose, montage) en 1991, Annie Dubois51 (monteur poseur) en 1992 et Guillaume Affortit52 (monteur, poseur) en 1995. Sept stagiaires53 dont la plupart sont déjà formés au métier de verrier et trois apprentis vitraillistes (Ladislas Krogmann54, Angélique Aupetit55, Frédéric Gérard56) viennent ponctuellement renforcer l’équipe.
Les travaux de serrurerie sont effectués par le maréchal-ferrant du village, Monsieur Cevost, jusqu’en 1992, date à laquelle Jean Mauret emploie un serrurier à 80%, Roland Barenton jusqu’en 1998, puis Jérôme Legros jusqu’en 2002. A partir de cette dernière date, c’est Jean-Jacques Prel qui se charge de ce travail (20% environ de son temps), en plus de ses nombreuses autres activités. Logiquement, de 1992 à 2002, Jean Mauret répond beaucoup plus aux lots « serrurerie » qu’avant et après ces dates.
De 1982 à 2002, l’effectif fluctue de 5 à 7 personnes (y compris Jean Mauret) suivant les charges de travail de l’atelier, et se fixe à 4 personnes57 de 2003 à 2006. Il ne dépasse jamais le chiffre de 7 qui est atteint ponctuellement en 1982, 1985, 1986, 1992 et de 1995 à 1999.
On observe que, malgré cet effectif qui peut paraitre limité, l’atelier de Jean Mauret est à placer parmi les structures relativement importantes pour son époque. L’enquête nationale conduite en 1991-1992 sur la conservation et la création de vitraux entre 1988 et 1991 a montré en effet que la moitié des ateliers de verriers de cette période n’emploient aucun salarié, et 25 % des ateliers moins de cinq personnes58. Cependant, on est loin des effectifs impressionnants des ateliers de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle qui pouvaient atteindre plusieurs dizaines de personnes (Lorin, Lobin ...).
Au total, 21 personnes passent à l’atelier de 1973 à 2006. Trois d’entre elles59 restent plus de 25 années dans l’entreprise. Il est à noter que la plupart des personnes ayant travaillé à l’atelier ont été formées « sur le tas » par Jean Mauret.
Montage d'un panneau du "Cube" à l'atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières par François Martinat (employé à l'atelier) en présence de Jean Mauret et de Jean-Paul Philippon, début 1988. Scan d'une diapositive conservée à l'atelier de Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières.
Pose des vitraux de l'église de Chierzac à Bedenac (Charente-Maritime) réalisés par Jean Mauret en 2006. Baie est et échafaudages.
Pose des vitraux de l'église de Chierzac à Bedenac (Charente Maritime) réalisés par Jean Mauret en 2006. Baies sud.
Après la fermeture de l’atelier, un artiste encore très actif
En avril 2006, Jean Mauret ferme son atelier afin de poursuivre son activité seul en tant qu’artiste indépendant. Il écrit à ce sujet : « j’ai décidé d’arrêter mon atelier et de licencier mes derniers ouvriers pour retravailler seul ; expérience difficile à laquelle je m’étais heureusement préparé de longue date. J’aspirais à reconquérir une plus grande liberté dans mon travail et à retrouver une mobilité proche des premières années de mon installation. J’abandonnais donc toute la partie restauration qui me prenais beaucoup de temps et m’obligeait à conserver un minimum de structure d’atelier. Je voulais tourner une page60…»
La "Grange aux verrières", lieu d'exposition créé par Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières (Cher) en 2009 : exposition 2012.Se consacrant uniquement à la création, il poursuit cependant une activité relativement importante, conduisant 12 chantiers de 2007 à 2015, dont la moitié61 sont situés dans le département du Cher, tout près de l’atelier et l’autre moitié localisés dans l’Allier (Meaulne), la Creuse (Clairavaux), l’Indre (Paulnay), le Maine-et-Loire (Fontevraud-l’Abbaye), la Dordogne (Château-l’Evêque) et le Rhône (cathédrale de Lyon).
En outre, il crée en 2009, à Saint-Hilaire-en-Lignières, « La Grange aux Verrières », lieu d’exposition (170 m²) et d’échanges sur le vitrail contemporain. Cette structure, qu’il considère comme le prolongement de son travail, lui permet de faire vivre l’art du vitrail et du verre à travers des expositions renouvelées chaque année. C’est à chaque fois l’occasion d’inviter des artistes contemporains, des verriers surtout mais aussi des peintres et des écrivains poètes : Henri Guérin en 2010, Jean-Dominique Fleury en 2011, Joël Frémiot, Georges Mérillon et Bernard Michez en 2012, Gilles Rousvoal en 2013, Claude Baillon en 2014, Joël Frémiot en 2015, 18 femmes artistes-verriers originaires de 10 pays différents en 2016, Micheline Domancich en 2017.
La mise en place d’une nouvelle exposition chaque année à la Grange demande beaucoup d’énergie à Jean Mauret mais cela génère également de nouvelles créations, en particulier en 2010 (colonnes), 2012, 2013 et 2014 (sculptures), 2015 (œuvres en écho avec celles de Joël Frémiot) et 2017 (séries d’œuvres monochromes de petits formats et quasiment dépourvues de plomb).
Ce qui fait la particularité de l’atelier
L’étude du fonds d’atelier de Jean Mauret a permis de dégager trois principales spécificités de l’atelier :
Un stock de verre conséquent
L’importance des réserves de verre conservé à l’atelier montre que Jean Mauret aime ce matériau et qu’il s’est souvent laissé tenter dans les verreries, cédant parfois plutôt à des envies qu’à des besoins. La richesse des tons, la qualité et la variété des verres de l’atelier témoignent de l’attirance de l’artiste pour les tons chauds et lumineux, les bleus, les couleurs vives (jaune sélénium, roses à l’or …), les verres industriels, opalescents ou transparents.
Plus de 600 panneaux d’essais de recherche personnelle
Panneaux d'essais réalisés par Jean Mauret et présentés lors de l'exposition de 2011 à la" Grange aux verrières" à Saint-Hilaire-en-Lignières.Dès 1969, Jean Mauret réalise des panneaux d’essais de créations au fur et à mesure de ses réflexions. Cette démarche personnelle de recherche lui est propre. On observe en effet que peu de maitres-verriers font des travaux en dehors de leurs commandes. A l’atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières, on dénombre plus de 600 panneaux d’essais datés entre 1969 et 201562, dont seulement une centaine correspond à des projets destinés à des édifices précis.
Le cheminement de création s’est effectué pas à pas, chaque vitrail provoquant le suivant. Même si on constate une évolution et des « périodes » de création, il n’y a jamais de rupture définitive. On observe en outre que des corrélations de plus en plus fortes s’établissent avec le temps entre les recherches et les travaux de commandes, les premières nourrissant les secondes.
Jean Mauret n’a jamais envisagé de faire du vitrail autre que traditionnel (plomb et verre), cependant, il tend à se libérer de la technique contraignante du vitrail, spécialement dans ses panneaux d’essais où il expérimente beaucoup. On note en particulier des vitraux sans plomb composés de verres collés dans ses colonnes de 2010 et/ou présentant des fentes lumineuses dans ses essais de 2017.
La verrière de l'atelier de Jean Mauret en avril 2017 avec ses dernières créations.
Un art du vitrail en lien avec la sculpture
Ayant suivi une formation de sculpteur, Jean Mauret a développé une conception tridimensionnelle de ses œuvres. Pour le vitrail, il considère que la lumière traversante détermine une troisième dimension.
Lorsqu’il arrête la sculpture en 1974, il n’abandonne pas définitivement l’idée de revenir un jour à cet art. Il attendra d’être plus disponible, après la fermeture de l’atelier en 2006, pour s’y consacrer de nouveau. En 2012, 2013 et 2014, il réalise des sculptures à partir de tranches de bois carrées et de cubes plus ou moins réguliers et empilés, en bois brut puis coloré. L’insertion de plaques de plexiglass apporte une note lumineuse, créant un lien avec ses vitraux. Avec l’ajout de la couleur en 2013, les liens entre les deux techniques se resserrent par le choix de tonalités souvent similaires (bleus, jaunes, noirs, blancs).
Photographies prises lors d'une exposition du groupe d'artistes Travail'Art en 1972-1973 (Maison de la Culture de Bourges) : sculptures sur bois et vitraux de Jean Mauret.
"Grange aux verrières" à Saint-Hilaire-en-Lignières (Cher) : exposition 2012. Sculptures et vitraux de Jean Mauret.
Jean Mauret dans son atelier en 2013 : sculptures.
Sculpture sur bois réalisée par Jean Mauret vers 1973.
Panneau d'essai réalisé par Jean Mauret en 1976 et conservé à l'atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières. 48,5 x 65 cm, verres transparents et grisaille, plombs de différentes largeurs.
Cartons réalisés par Jean Mauret en 1977 (projets de vitraux). 2 x (59 x 59 cm). Fusain sur papier. Ech. 1. Cartons conservés à l'atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières.
Certains dessins préparatoires de Jean Mauret pour des vitraux sont étonnamment proches de ses sculptures, surtout dans les années 1970. Des rapprochements peuvent être établis entre ses troncs d’arbres percées de trous et certains vitraux de 1976 tout en clair/obscur. Des cartons de vitraux datés de 1977 s’apparentent particulièrement à certaines sculptures réalisées en 2012-2013. On peut également établir des rapprochements entre les vitraux « colonnes » de 2010 et certaines sculptures colorées de 2012.
En outre, dans deux œuvres de 1974, Jean Mauret rassemble les techniques du verre et de la sculpture en insérant des plaques de plomb incisées à deux vitraux. En 2014, ses gros cubes colorés font écho au carré, forme de prédilection de l’artiste.
Enfin, les sculptures de Jean Mauret rejoignent ses vitraux par le biais de la lumière qui les anime. Les deux techniques lui permettent de créer des trouées lumineuses et d’accrocher la lumière, au moyen de reliefs ou de verres structurés.
En 2015, il explique63 que la technique de la gravure sur verre correspond pour lui à une démarche, celle d’aller chercher la lumière et la transparence dans la matière, de retirer de la matière pour obtenir des contrastes, entre lumière et opacité.
Ces nombreux exemples montrent que Jean Mauret a conservé, malgré un abandon de la sculpture en 1974, une démarche de sculpteur qu’il a su transcrire dans certains de ses vitraux de création.
Carton réalisé par Jean Mauret en 1977 (projet de vitrail). 59 x 59 cm. Fusain sur papier. Ech. 1. Carton conservé à l'atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières.
Exposition de la" Grange aux Verrières" à Saint-Hilaire-en-Lignières, saison 2013 : vitraux et sculptures de Jean Mauret.
Panneau d'essai réalisé par Jean Mauret vers 1974. 35 x 72 cm. Verres blanc, noir, jaune, vert, grande plaque de plomb fendue. Vitrail conservé à l'atelier de Saint-Hilaire-en-Lignières.
Exposition à la Grange aux Verrières à Saint-Hilaire-en-Lignières en 2014 : sculptures et vitraux de Jean Mauret. A gauche, fleurs en verre de Claude Baillon.
Sculptures et cartons de vitraux de Jean Mauret exposés à la "Grange aux verrières Jean Mauret" lors de l'exposition 2012.
Conclusion
Le travail de création et de restauration ainsi que la personnalité de Jean Mauret ont été appréciés pendant toute sa carrière par de nombreux professionnels du verre et de l’administration des Monuments historiques. Le conservateur du patrimoine Philippe Saunier écrivait en 2001 à son propos : « Jean Mauret a produit un certain nombre de vitraux qui permettent de saisir différents aspects de son approche et de mesurer des évolutions. L’on n’a pas assez noté combien l’artiste a su proposer, avant tous, des formules neuves promises à un bel avenir. Fidèle au vitrail traditionnel (verre et plomb), il s’est engagé très tôt dans un travail abstrait et rigoureux qui devait en faire le collaborateur presque naturel d’un Raynaud et d’un Honegger ou d’un Dibbets. Jean Mauret est par ailleurs de ces artistes qui veulent respecter le monument et servir la lumière par une écriture épurée qui refuse la figuration, un goût prononcé pour le jaune d’argent, autant de traits constants»64.
"Jean Mauret, créateur de vitraux", paru en mai 2019 aux Éditions Lieux-Dits (Images du patrimoine, n°310).Sa grande sensibilité, sa rigueur, sa conscience professionnelle, une parfaite connaissance des matériaux et des techniques, son aptitude à créer des œuvres de qualité, de conduire des chantiers de restauration importants et d’adapter des travaux d’artistes contemporains non verriers, tout cela place Jean Mauret parmi les grands peintres-verriers de la seconde moitié du XXe siècle et du début du XXIe siècle.