Contexte historique et urbain
Maison, 18 rue de Médéa.Dans les années 1940, le Plan de Reconstruction et d'Aménagement de la ville d'Orléans (P.R.A.) dressé par l'architecte et urbaniste en chef de la reconstruction du Loiret, Jean Royer, prévoit l'extension du secteur nord-est dont l'urbanisation a débuté avant guerre par le percement de la rue de l'Argonne et la construction de deux cités H.B.M. (cité rouge et cité bleue). Royer envisage à cette période le percement d'une voie diagonale reliant le pont Saint-Marc à la rue de la Barrière Saint-Marc au nord et d'une voie prolongeant le boulevard de Châteaudun vers l'est. S'y ajoutent la construction d'équipements sociaux et scolaires et la liaison entre la rue de l'Argonne et le nouveau cimetière prévu à la limite de la commune de Saint-Jean-de-Braye. C'est sur cette double nécessité, l'amélioration du réseau de communication au nord-est de la ville et la desserte du nouveau cimetière, que s'appuie le plan du lotissement du Clos-Belneuf dressé par Léon-Émile Bazin, architecte conseil du Loir-et-Cher et du Loiret.
La conception du lotissement
Le plan est élaboré au cours des années 1956 et 1957, durant lesquelles Bazin établit six avant-projets. L'architecte doit ainsi tenir compte des voies projetées dans le cadre du P.R.A. approuvé en 1949 (doc. 3) : l'avenue reliant le cimetière (la future avenue de la Marne), un axe-nord sud se situant dans le prolongement de la limite communale (future rue du Belneuf) et deux rues longeant le futur cimetière à l'ouest et au nord.
Plan du lotissement, projet 1957. (Archives municipales et communautaires d'Orléans, 693).Dans le projet n° 1, les 130 parcelles sont desservies par une trame orthogonale simple dessinant des îlots rectangulaires et carrés découpés en parcelles en lanières (doc. 4). Dans le projet suivant (doc. 5), l'architecte met l'accent sur l'entrée du cimetière à laquelle on accède par une allée plantée. Le végétal apparaît également en tant que séparation entre le lotissement et le cimetière. La densité est relativement faible au regard du nombre de maisons prévues et de leur implantation, en quinconce ou en rangée discontinue par groupe de deux, qui assure une importante aération. Dans les projets n° 3 et 4 (doc. 6 et 7), le plan parcellaire et l'implantation des constructions demeurent inchangés, mais l'auteur introduit une place arborée aménagée devant l'entrée du cimetière d'où partent deux voies diagonales. Le plan n° 5 intègre de nouveaux terrains situés à l'est et au nord et porte le nombre de parcelles à 164. L'implantation en quinconce envisagée précédemment est abandonnée au profit de maisons simples ou groupées respectant un retrait identique (doc. 8). Les grandes lignes du projet définitif apparaissent enfin dans un projet daté de 1957 (doc. 9, ci-contre) qui subira peu de modifications jusqu'à son approbation le 20 juillet 1959 (doc. 10 et 11).
Caractéristiques morphologiques et architecturales
Vue des arbres plantés rue de Médéa.Le lotissement du Clos-Belneuf s'étend sur plus de 9 ha en limite de la commune de Saint-Jean-de-Braye, en bordure d'une plaine de jeux dont il est isolé. Son plan s'organise selon un système viaire hiérarchisé délimitant six îlots de forme trapézoïdale. Le dessin des rues associe une trame orthogonale et la diagonale imposée par le percement de l'avenue de la Marne partant la rue de l'Argonne et aboutissant à l'entrée de la plaine de jeux (occupant l'emplacement prévu initialement pour le cimetière). Le prolongement de l'avenue de la Marne devant l'entrée de la plaine de jeux du Belneuf par la rue de Médéa créé un effet de parcours en "S" qui contribue à alléger la composition d'ensemble. Ce réseau viaire est complété par une place non piétonne située au nord-est du lotissement, dont la forme inspirée de la place en bras de turbine, fut également employée par l'architecte dans le lotissement communal des Beaumonts. Si le lotissement est isolé de la plaine de jeux par une barrière végétale constituée de rangées d'arbres et d'une allée gazonnée, il bénéficie également, rue du Belneuf et rue de Médéa, de plantations d'alignement formant un écran végétal en été (fig. 18 et 19, et 29, ci-contre).
Les constructions en groupes discontinus de deux unités juxtaposées dominent selon une économie relative d'espace imposée par le plan-masse (moins de 20 logements à l'hectare). L'implantation à 4 m minimum de l'alignement s'inscrit dans le programme du Plan de Reconstruction et d'aménagement de la ville respecté dans le cahier des charges de 1957, que l'on retrouve également à la même période dans les lotissements communaux des Beaumonts, de la rue du Capitaine-Bazinet ou de la rue Eugène-Turbat. Au contraire, les limites latérales sont réduites à 2,50 m contre les 4 m prévus dans le P.R.A. afin de permettre une densification du lotissement. L'implantation est le plus souvent parallèle à la voie, ce rapport étant inversé en cas d'aménagement de petites impasses rue du Belneuf et rue Eugène-Sue. Rue de Médéa ou rue de la Marne, une implantation en palier est adoptée de manière à conserver le parallélisme des maisons.
Maisons jumelées, 30-32 rue du Belneuf.Sur la rue, les clôtures se composent de murets et de grilles, de poutres de ciment, parfois de simples grillages. Elles peuvent être couplées à des haies qui participent alors du jardin d'agrément imposé devant les maisons. Il faut ici souligner la qualité de certains dessins de grilles se diffusant à Orléans au cours des années 1950 et 1960 qui participent à une certaine qualité de l'espace public. Les grilles se composent généralement de cadres de tubes métalliques rectangulaires droits, cintrés ou brisés. Leur remplissage, parfois constitué d'un simple grillage à trame fine (fig. 24, 41) peut également accueillir divers motifs géométriques, tels que les dents de scie (fig. 33, 35), la forme sinusoïdale qui se prête à diverses variations (fig. 21, 26, 37, et image ci-contre), les cercles et les losanges (fig. 38, 44). D'autres motifs moins courants ont été repérés, tels que les pointes de diamant (fig. 23) ou les fleurs (fig. 34).
Près de la moitié des lots (81) a été cédé à des sociétés privées dans le but d'édifier des groupes de maisons économiques et familiales. Les 29 maisons jumelées ou isolées de la société coopérative d'H.L.M. se concentrent au niveau du carrefour des rues du Belneuf et de Médéa et sont construites selon deux formules. Les premières se composent de deux niveaux habitables sur un soubassement à destination de garage. Les entrées se situent en pignon au niveau du soubassement ou directement au rez-de-chaussée accessible par un escalier. Les secondes comportent un rez-de-chaussée et un étage carré sans cave, avec garage accolé, à l'exemple du n° 6-8 rue de Médéa (fig. 34). Ces maisons sont couvertes de toits à longs pans et croupes ou de toits à longs pans débordants en ardoise. Le groupe de maisons du Comité interprofessionnel du logement (C.I.L.) forme quant à lui une disposition en peigne basé sur le retrait de deux garages mitoyens (rue de Médéa, rue de Chinon, rue du Docteur-Jean-Falaize). Les maisons jumelées comportent un étage carré et sont couvertes d'une toiture à longs pans en tuile mécanique.
Maison, 26 rue du Belneuf.D'autres constructions sont le fait de propriétaires isolés regroupés afin de construire simultanément selon les préconisations du cahier des charges. On peut signaler ainsi les maisons de la Ruche ouvrière reconnaissables à l'emploi de la brique en piédroits, ce matériau étant relativement peu visible dans le lotissement. Les maisons n° 38 et 40 rue du Belneuf affichent une plus grande richesse formelle par l'emploi du moellon apparent en soubassement et de la brique à l'étage. D'autres enfin échappent à la construction standardisée : on soulignera ici la présence d'une maison de type "bungalow" couverte d'une toiture à un pan et la maison située au n° 26 rue du Belneuf remarquable à sa loggia (image ci-contre) et son pan de mur de béton au droit de la façade, dissimulant la porte d'entrée au rez-de-chaussée.
Maisons, 15 et 17 rue du Docteur Jean-Falaize.Pour les deuxième et troisième tranches, réalisées à la fin des années 1960 et durant les années 1980, la Ville a autorisé la construction en bande toujours dans une logique de densification. Rue du Docteur Jean-Falaize (image ci-contre), les maisons bâties avec l'aide de la société la Ruche ouvrière d'Orléans, composent deux bandes de 8 et 10 unités de logement. Les façades associent articulations entre intérieur et extérieur et jeux sur les matériaux et les couleurs. Au rez-de-chaussée, qui comporte un garage, l'entrée est disposée sous un porche triangulaire. Le premier étage abritant les pièces d'habitation, est éclairé par deux ou trois baies dont l'une est précédée d'un balcon à parapet et garde-corps métallique. Le moellon est laissé apparent entre deux fenêtres et pour certains murs mitoyens en débord entre deux maisons. La couverture à deux pans est en ardoise. Rue du Eugène-Sue, les 12 maisons témoignent en revanche d'un certain appauvrissement des formes architecturales dans la production courante des années 1980.