Contexte historique et urbain
Le lotissement du Sacré-Coeur a été réalisé à l'emplacement d'une ancienne propriété religieuse, située en bordure de la rue du Faubourg-Bannier qui perdure jusqu'au début du 20e siècle. Les Chartreux qui s'installèrent en 1624 y avait fait construire un couvent à partir de 1635. Vendu comme Bien national à un négociant en 1791, l'établissement est acquis soixante ans plus tard par Marie Charlotte Clémentine de l’Épine, Mlle Perdrau et Mlle de Coriolis, communément appelées les dames du Sacré-Coeur. Elles y aménagent alors un pensionnat, une école primaire de filles et un asile.
La propriété du Sacré-Coeur, vers 1850.La propriété connaît plusieurs transformations au cours de la seconde moitié du 19e siècle. En 1863, les dames du Sacré-Coeur acquièrent un jardin d'environ 1,4 ha planté d'arbres fruitiers et de vignes faisant partie des dépendances d'une maison située rue Guignard (aujourd'hui rue Antigna). En 1880, l'aménagement du quartier Dunois modifie la configuration du secteur, le prolongement de la rue de la Gare scindant en effet la propriété du Sacré-Coeur en deux parties. Seule la partie occidentale, la plus vaste et contenant les bâtiments située entre la rue de la Gare et le faubourg Bannier, est conservée tandis que les terrains situés à l'est de la rue de la Gare sont cédés à la société des Docks et entrepôts d'Orléans, une entreprise spécialisée dans le transit et le dépôt de marchandises, et aux Chemins de fer qui y installent les Magasins généraux. La perte de ces terrains est alors compensée par l'achat de plusieurs terrains attenants au nord de la propriété d'origine, qui atteint ainsi en 1881 sa forme définitive et une superficie de près de 4 ha. Revendus en 1889 à une propriétaire américaine, Mme Hutton, les bâtiments ne sont détruits qu'à partir de 1903 après le départ des dames du Sacré-Coeur.
La propriété du Sacré-Coeur, vers 1880.
Ventes et constructions
La vente des terrains débute vraisemblablement au cours de l'année 1903 (Archives municipales et communautaires d'Orléans, états parcellaires), avant le percement de la rue Pasteur et de la rue Ladureau. Le 16 novembre 1903, les acquéreurs de la rue Antigna entament les travaux de terrassements et souhaitent que la rue soit élargie : "étant donné la vente qui va être faite par lots, de la partie de la propriété du Sacré-Coeur (le pensionnat de jeunes filles dirigé par les religieuses du Sacré-Coeur) bordant la rue Antigna dans presque toute sa longueur, l'occasion est favorable d'élargir cette rue manifestement trop étroite ". Le plan d'alignement, qui prévoit un recul de 2 m, est approuvé par le Préfet le 9 octobre 1906. Dans l'ensemble du lotissement, les ventes sont effectuées avant la Première Guerre mondiale principalement et les constructions sont rapidement réalisées.
La présence des plusieurs établissements commerciaux, industriels, médicaux et religieux, attirés par la proximité de la gare ou du faubourg, constitue l'une des caractéristiques du lotissement du Sacré-Coeur et tranche ainsi avec l'usage exclusivement résidentiel de la plupart des lotissements orléanais de la première moitié du 20e siècle. Les commerçants se sont établis principalement le long des grandes voies de communication et plus particulièrement à l'angle des rues, au n° 2 rue Antigna et n° 53 rue de la Gare. Rue Antigna, une usine pour fleurs et feuillages artificiels associée à un pavillon d'habitation est construit par l'entrepreneur E. Guillon en 1906 (n° 10, détruit) tandis que Charron installe son entreprise de bâtiment au n° 30 où il bâtit un hangar (en fond de parcelle, aujourd'hui dissimulé derrière une maison).
Ancienne imprimerie Jeanne-d'Arc, 34 rue Pasteur.La rue Pasteur a également accueilli dès l'origine différentes activités en grande partie disparues aujourd'hui. Au n° 5, Henriau, représentant de commerce, installe un entrepôt commercial en 1906 qui deviendra les ateliers Singer puis la salle de sport municipale en 1981. L'abbé Mesuré s'était quant à lui installé sur un vaste terrain en conservant une partie des bâtiments du Sacré-Coeur auxquels se sont substitués durant les années 1950 deux immeubles H.L.M. Au n° 30, les bâtiments de la clinique Pasteur ont perduré jusqu'au début du 21e siècle (terrains aujourd'hui occupés par un immeuble de rapport, une école et un parc public). Construite en 1906 pour la société civile de l'établissement hydrothérapique de la clinique médico-chirurgicale, l'ensemble comprenait la clinique, une maison et une chapelle mortuaire. À l'angle de la rue du Faubourg-Bannier, l'imprimerie Jeanne d'Arc (actuellement salon de coiffure et de détente) est construite en 1910 par l'entrepreneur Charron (n° 34 rue Pasteur). On relève enfin la présence de l'architecte Besombes-Chenesseau qui construit sa maison en 1905 (n° 20 rue Pasteur).
Caractéristiques morphologiques et architecturales
Deux parties dans le lotissement se dégagent de l'organisation du parcellaire et la typologie du bâti. Dans la partie nord-est du lotissement, la distribution des lots est très régulière : les fonds de parcelle forment une ligne continue à équidistance des rues Pasteur et Ladureau ainsi qu'aux angles des rues. Depuis la rue de la gare, le tracé biais des voies de desserte a favorisé un découpage en arrête de poisson (angle de la rue Ladureau) ou en lames de parquet délimitant des lots trapézoïdaux ou rectangulaires. Dans cette zone, le long des rues Ladureau, Pasteur et de la Gare, la régularité parcellaire se double d'une continuité architecturale qui s'opère par la succession d'habitations d'un volume semblable et l'alignement des baies, des corniches et des toitures.
Maisons, 61 à 65 rue de la Gare.Se concentrent ici les maisons étroites d'un étage carré qui représentent le quart du bâti du lotissement. Elles partagent l'espace avec de petits immeubles d'un étage de deux ou trois travées et des maisons aux façades symétriques composées autour d'une entrée médiane. Le découpage des parcelles apparaît en revanche plus irrégulier dans les autres parties du lotissement et le bâti y est plus hétérogène, dans son implantation (alignement ou retrait, mitoyenneté partielle) comme dans son élévation (de un à quatre étages carrés).
Si l'état du parcellaire permet de supposer l'existence d'un plan de référence utilisé pour la vente des lots, il semble au contraire, par les activités signalées plus haut, qu'aucun cahier des charges n'ait contraint les acquéreurs quant à l'implantation des édifices ou les modes de construction. Il est ainsi fort probable que ces derniers ne devaient être soumis qu'aux seuls règlements municipaux en vigueur (règlement de la voirie et de la construction de 1890).
Immeuble H.L.M., 1 rue Pasteur.À l'image de la plupart des lotissements situés extra-muros, la hauteur des édifices demeure en deçà des possibilités offertes par le règlement de voirie existant. Les 12 m de largeur de la rue Pasteur permettait en effet une élévation à trois étages lorsque l'on n'y trouve le plus souvent qu'un seul étage carré. L'immeuble situé au n° 78 rue du Faubourg-Bannier se démarque ainsi par ses trois étages au dessus du rez-de-chaussée. De même, dans les années 1950, les H.L.M. construites rue Pasteur atteignent quatre étages, rendus possible par un important retrait d'alignement.
Les constructions du début du 20e siècle sont dans la plupart des cas enduites et peuvent présenter au bas des façades plusieurs assises régulières de pierre en petit appareil ou en pierre de taille. La brique rouge ou silico-calcaire, en décor et second-oeuvre, participe à l'homogénéité d'ensemble. Les maîtres d'oeuvre l'ont régulièrement employée afin de souligner les bandeaux séparant les niveaux de façade, les piédroits et les chaînes d'angle, les couronnements de baies (linteaux et arcs) et les corniches. L'emploi de la brique polychrome permet également de multiples variations décoratives parmi lesquelles on relève le motif courant des dents d'engrenage et le décor en damier. L'ancienne imprimerie Jeanne-d'Arc (n° 34 rue Ladureau, Charron entrepreneur, 1909) se démarque ici par l'emploi peu courant à Orléans de la brique grise ou vernie de couleur bleu turquoise.
La brique est également utilisée en parement de façade monochrome (rouge) ou polychrome dessinant des assises alternées (n° 28 rue Pasteur et 28 rue Ladureau) ou une succession de losanges dans la tradition néo-gothique (n° 7 rue Pasteur). Après la Seconde Guerre mondiale, une plus grande simplicité formelle règne dans les édifices reconstruits qui intègrent un garage en rez-de-chaussée. Dans les années 1950, certains édifices emploient de nouveau la brique en parement où elle contraste désormais avec les encadrements de baies en ciment blanc (maison n° 13 rue Pasteur, image ci-contre, H.L.M. au n° 1).