MÉTHODOLOGIE
Cette enquête thématique a concerné l'ensemble des vitraux civils et religieux conservés dans le département de l'Indre, dans les domaines public ou privé, depuis l'époque médiévale jusqu'au début du 21e siècle.
N'ont pas été intégrées les verrières à losanges et certaines verrières ornementales qui présentent un aspect sériel et répétitif. L'existence de ces verrières est toutefois signalée dans le dossier de présentation des verrières de chaque édifice.
De même, n'ont pas été intégrées les verrières conservées dans le domaine privé et pour lesquelles aucune autorisation de publication n'a été obtenue de la part des propriétaires.
Cette enquête thématique a permis le recensement et l'étude de 2469 verrières, réparties dans 289 édifices. Elle a été menée dans les 247 communes du département de l'Indre. Toutefois, 29 communes ne sont pas représentées dans la version finale du dossier électronique, soit qu'aucun vitrail n'y ait été recensé, soit qu'aucun des vitraux existants n'ait été retenu.
SYNTHÈSE
I – Le vitrail dans l’Indre : densité et répartition géographique
Le recensement du vitrail à l’échelle d’un large territoire, tel qu’un département, permet en premier lieu de mesurer la densité et la répartition géographique du corpus étudié. La répartition cantonale des vitraux dans le département de l’Indre est à ce propos tout à fait parlante et révèle des disparités relativement importantes, qu’une transcription sur une carte permet de mieux comprendre.
Nombre de verrières recensées par cantons.
Plusieurs zones peuvent ainsi être distinguées. La Brenne (canton de Mézières) et les marches limousines du département (du canton de Bélâbre à celui de Sainte-Sévère) apparaissent clairement comme les zones dans lesquelles le nombre de vitraux conservés est le plus faible. Ce constat peut être mis en regard avec la faible densité de la population et la présence d’églises souvent de taille modeste, anciennes, rarement reconstruites au cours du 19e siècle.
Département de l'Indre : densité des verrières recensées par cantons.
Dans une moindre mesure, la même remarque peut être faite concernant le Boischaut Nord (Écueillé, Valençay, Saint-Christophe-en-Bazelle) et la Champagne Berrichonne (Issoudun Nord et Sud, Vatan, Levroux), à l’exception de la ville d’Issoudun. Il s’agit là aussi de cantons ruraux à faible densité de population, même si les églises y ont été plus souvent reconstruites au cours du 19e siècle.
En revanche, les cantons offrant le plus grand nombre de vitraux sont très clairement ceux qui sont situés dans les vallées de l’Indre et de la Creuse. Cette partie du département de l’Indre est historiquement plus peuplée, plus industrialisée au 19e siècle et, outre le chef-lieu du département, elle concentre davantage d’agglomérations moyennes (La Châtre, Argenton-sur-Creuse, Le Blanc ou Buzançais). Un relatif dynamisme économique, une population plus importante et des commanditaires plus présents sont autant de facteurs qui ont permis des reconstructions plus fréquentes qu’ailleurs, ce qui induit naturellement des créations plus nombreuses en termes de vitraux.
Parmi les cantons de cette zone, trois conservent plus de 150 verrières, pour des raisons particulières :
*Châteauroux (326 verrières) concentre un nombre important d’édifices richement dotés, tels que les églises Saint-André, Notre-Dame et Saint-Christophe ;
*La Châtre (180 verrières) est un canton très large constitué de 19 communes ;
*Tournon-Saint-Martin présente 167 verrières, dont 90 sont conservées sur la seule commune de Fontgombault, notamment à l’abbaye Notre-Dame, relevée de ses ruines à la fin du 19e siècle.
NB : les cantons mentionnés correspondent aux circonscriptions historiques antérieures à la réforme territoriale de 2014.
II – Le vitrail au fil des siècles
Répartition chronologique des verrières recensées.
A – Le vitrail médiéval
Les vitraux du Moyen Âge ne représentent qu’un très faible pourcentage du corpus recensé (0,48%), avec 12 verrières ou fragments de verrières.
Le plus ancien vitrail du département, daté du milieu du 12e siècle et classé Monument historique en 1908, est constitué par le Christ en Majesté de Gargilesse.
Gargilesse, église Notre-Dame : le Christ en Majesté (milieu 12e s.).
Le début du 13e siècle est illustré par les panneaux de l’église de Velles, figurant la Crucifixion, la Résurrection et le Christ Glorieux (class. 1908), ainsi que par une Vie de saint Denis, à Saint-Denis-de-Jouhet (class. 1954).
Datés du milieu du siècle, les vitraux de l’ancien couvent des Cordeliers de Châteauroux illustrent l’Enfance du Christ et le Jugement dernier. Ils ont été classés en 1922. Enfin, la grande verrière axiale de l’église de Saint-Michel-en-Brenne, consacrée à la Passion du Christ et au Jugement dernier, marque la fin du 13e siècle (class. 1959).
Si le 14e siècle n’est représenté que par un seul ensemble, celui-ci est constitué des principaux éléments du patrimoine ancien du département de l'Indre. Il s’agit de quatre verrières de l’ancienne collégiale Sainte-Madeleine de Mézières-en-Brenne, très probablement contemporaines de la construction de l’édifice, fondé par Alix de Brabant dans les années 1330 (class. 1908).
B – Les vitraux de la fin du 15e siècle et du 16e siècle
L’extrême fin du Moyen Âge et la Renaissance occupent une place sensiblement plus importante dans le corpus recensé, avec 41 verrières ou fragments de verrières.
Il s’agit d’abord de la grande verrière axiale de la collégiale Saint-Cyr d’Issoudun, relatant le martyre de saint Cyr et de sainte Julitte sur une vingtaine de panneaux, répartis sur cinq lancettes (class. 1930).
Les vitraux du 16e siècle sont principalement conservés dans les anciennes collégiales de Palluau-sur-Indre, de Vatan, de Mézières-en-Brenne (chapelle d’Anjou), et dans la chapelle de l’Hospice Saint-Roch d’Issoudun (toutes ces verrières : class. 1908).
Vatan, collégiale Saint-Laurian : saint Laurian (16e s.).
Outre quelques fragments déjà recensé par le Corpus Vitrearum (Aigurande, Déols, Guilly, Mouhet et Nohant-Vic), notre enquête a permis de découvrir de nouveaux fragments anciens, à Chouday (1ère moitié 16e s.), et à Veuil (vers 1560).
C – La « renaissance » du vitrail au 19e siècle
Après le long hiatus constitué par la période moderne, l’art du vitrail connaît dès le second tiers du 19e siècle une véritable renaissance. Le département de l’Indre n’est pas resté à l’écart de ce mouvement, car plus de 60% du corpus recensé date de la seconde moitié du 19e siècle. Les premiers vitraux de cette période sont ceux posés par le clermontois Etienne Thévenot à Saint-Marcel en 1849, suivis de près par des grisailles ornementales de Julien-Léopold Lobin, posées en 1850 à Sassierges-Saint-Germain. Les très rares verrières de l’atelier lyonnais Pagnon-Deschelettes, posées à Tendu en 1855, méritent également d’être signalées.
Eglise de Saint-Marcel, verrières du choeur (milieu 19e s.).
Comme partout en France dans la seconde moitié du 19e siècle, deux tendances marquent la création de vitraux. Toutes deux s’inspirent des styles du passé (Moyen Âge et Renaissance), mais l’une est issue de la peinture académique, tandis que l’autre témoigne d’une démarche archéologique, basée sur l’étude des vitraux des cathédrales de Bourges, de Chartres ou de Tours. Les vitraux des églises de Levroux, Châtillon-sur-Indre, Saint-André de Châteauroux, ou encore la chapelle du Petit séminaire de Lourdoueix-Saint-Michel, témoignent de la profonde connaissance qu’avaient les peintres verriers du 19e siècle des grands ensembles médiévaux.
D – Le vitrail au 20e siècle
Avec 35% du corpus recensé, les vitraux du 20e siècle constituent le second ensemble le plus important d’un point de vue chronologique. La première moitié du siècle est marquée par une certaine continuité dans la création de vitraux historicistes, et l’esprit Art Nouveau n’offre pas d’exemple réellement significatif. Toutefois, dès les années 1920, de nombreuses verrières témoignent du succès du mouvement Art Déco. L’on voit ainsi le tourangeau Lux Fournier décliner au même moment le même thème selon la tradition du 19e siècle (à Saint-Étienne du Blanc, à Ciron) et de manière plus « moderne » (à Saint-Chartier). Il en va de même pour Louis Balmet, de Grenoble, qui crée des vitraux néo-gothiques à Saint-Marcel, et réalise des vitraux d’une audacieuse modernité à Saint-Christophe de Châteauroux, d’après des cartons réalisés par Georges-Louis Claude présentés au Salon des Arts Décoratifs de 1925, moment clé où s’impose l’idée que les tendances contemporaines peuvent être appliquées aux arts religieux, et non pas seulement les styles du passé.
Dans la seconde moitié du siècle, l’abstraction s’impose progressivement avec des ensembles majeurs, notamment les « murs de lumière » de l’église Saint-Joseph de Châteauroux (P. Koppe, 1962), les vitraux de la basilique du Sacré-Cœur d’Issoudun (G. Dettviller et R. Tillier, 1968), puis, dès les années 1970, les créations de Jean Mauret (à Ardentes, Châteauroux, Cluis, Lye, Saint-Benoît-du-Sault, etc.), ou les réalisations en dalles de verre d’Henri Guérin (à Fontgombault et Notre-Dame de Châteauroux), pour ne citer que les exemples les plus marquants.
De nos jours, cet élan de création ne semble pas faiblir puisqu’une quarantaine de verrières datant de la première décennie du 21e siècle a déjà été recensée.
Verrière d'Henri Guérin pour l'église ND de Châteauroux (1995).
III – Les ateliers
Département rural et sans cathédrale, l’Indre n’a pas connu d’atelier actif sur son territoire avant la fin des années 1940 et l’installation de Georges Dettviller à Issoudun. Ainsi, de 1849 à 1949, la totalité des vitraux créés dans le département – représentant 74% du corpus global –, l’ont été par des ateliers « étrangers » au Bas-Berry. Autre donnée révélatrice : sur ces 74%, plus de 67% sont issus d’ateliers tourangeaux, souvent liés à la Maison Lobin1, à laquelle on peut aujourd’hui attribuer plus de 830 verrières.
Eglise Saint-Paxent de Cluis, baies du choeur par G. Dettviller et R. Tillier (1962).
Certes, des ateliers de renoms sont actifs dans le département, qu’ils soient parisiens (Champigneulle, Oudinot), toulousains (Gesta), clermontois (Thévenot, Gaudin), grenoblois (Balmet), mais ces derniers sont loin de pouvoir concurrencer les tourangeaux qui exercent sur le département de l’Indre une véritable hégémonie, et qui imposent définitivement leur marque à l’ensemble du corpus recensé au cours de cette enquête.