Les maisons en pan de bois
Façade du 54 place Michel Debré.
La topographie variable de la ville a obligé les constructeurs à adapter chaque maison à son environnement ; ainsi les maisons ne présentent pas de plan type. Leurs façades montrent une synthèse de ces demeures affichant tout à la fois leur fonction, les moyens du commanditaire et parfois leur époque de construction. Le patrimoine architectural d'Amboise étant en partie amputé comme le prouve des cartes postales et dessins anciens, il ne demeure souvent que des fragments plus ou moins importants de la façade. Toutefois, leurs points morphologiques communs sont les suivants :
- élévation sur 3 niveaux (rez-de-chaussée, premier étage et combles habitables),
- encorbellement d'une vingtaine de centimètres constitué de deux sablières superposées,
- pan-de-bois construit en grille et/ou en croix de Saint-André,
- assemblages à tenons et mortaises,
- couverture de tuiles plates,
- hourdis constitué de briques ou de moellons de tuffeau,
- dans les zones insubmersibles, les maisons sont construites sur des caves voûtées, dont certaines datent peut-être d'une époque antérieure aux XVe-XVIe siècles.
Façade du 14 rue Mirabeau, avec encorbellement sur solives débordantes.L'encorbellement restreint à une vingtaine de centimètres est caractéristique des constructions de la fin du Moyen Âge qui doivent se plier aux interdictions mises en place par les conseils de ville face aux risques d'incendie. À Amboise, en 1462, l'emploi du chaume est d'ailleurs interdit comme matériau de couverture.
Les deux sablières superposées, avec ou sans entretoise intercalée, qui forment le léger surplomb, reposent sur des poteaux corniers élargis. Dans un tel système, deux possibilités se rencontrent : ou les solives de plancher reposent sur la sablière de plancher (la plus basse), se trouvant alors perpendiculaires à la façade ; ou les solives sont parallèles à la façade, posées sur des sablières longeant les murs gouttereaux. La sablière du dessus, appelée sablière de chambrée, reçoit quant à elle toujours les colombes du pan-de-bois. La longueur moyenne des bois horizontaux employés à Amboise est de 5,6 m. Mais les écarts entre les extrêmes sont importants, la majorité des bois se situant entre 3,5 m et 4 m. La longueur des solives se situe dans cette fourchette.
Relevé de la façade du 54, place Miche Debré.Pour les façades les plus larges (à rive sur rue), la maison est recoupée en deux par une poutre perpendiculaire à la rue qui reçoit de chaque côté, les solives disposées parallèlement à la rue. La raison qui dicta le choix de l'une ou de l'autre des méthodes est économique. Le bois disponible en abondance et à moindre coût était donc issu d'arbres dont on pouvait extraire des grumes de 3,5 à 4 m de long.
Les ouvertures des maisons ont été très modifiées, surtout au rez-de-chaussée en raison de nouvelles affectations des lieux au fil des siècles. On peut observer encore à certaines adresses des dispositions traditionnelles qui devaient être celles de la majorité des boutiques. Les échoppes des marchands prenaient place dans de larges ouvertures donnant sur les pièces de plain-pied avec la rue. Ces commerçants étaient installés dans les voies les plus passantes, telle la maison du 54 place Michel Debré.
A l'étage, des baies à croisée en bois perçaient souvent symétriquement la façade. On retrouve les encoches des meneaux et traverses dans les encadrements des fenêtres, comme au 2 rue joyeuse.
La charpente du 46 place Michel Debré.Les combles sont toujours éclairés. Lorsque la maison a pignon sur rue, c'est une petite baie qui est source de lumière, le poinçon de la ferme du pignon servant de montant à la fenêtre comme au 46 place Michel Debré. Lorsque la maison est installée rive sur rue, une lucarne perce le toit. La façade du 54 place Michel Debré porte des pinacles au niveau de son comble à surcroît qui peuvent laisser imaginer, à l'instar de ce que l'on trouve dans d'autres villes construites en pan-de-bois comme Orléans, que ces pinacles encadraient une lucarne monumentale de 3 m de large simulant un pignon, alors que la lucarne actuelle ne mesure qu'un peu plus de 1 m. On comprend par cet exemple que si le confort était privilégié par le choix de faire construire une large façade, qui de fait devait être rive sur rue, le prestige d'avoir pignon sur rue était encore fort présent dans les mentalités.
Enfin, la charpente, qui n'est pas toujours visible en façade, fait partie intégrante de la structure en pan-de-bois. Le type de charpente adopté est homogène : combles à surcroît pouvant servir d'habitation et/ou de stockage, couverts de charpentes à fermes et à pannes avec poutres faîtière et sous faîtière. Le contreventement longitudinal est assuré par de simples liens.
Le pan-de-bois est une technique de construction traditionnelle et vernaculaire utilisée depuis l'Antiquité jusqu'au XIXe siècle. Sa datation est délicate en raison des savoirs-faire qui ont perduré sans réelle évolution du XVe au XIXe siècles. A l'exception de quelques rares cas, seule l'analyse stylistique peut orienter notre jugement. Le décor constitue donc notre indice premier de datation.
L'ornementation de ces façades, lorsqu'il existe, est sobre, se limitant à quelques moulures de style gothique sur les sablières. On distingue deux grands types de moulures de sablières :
- en sifflet, comme au 66 rue de la Concorde,
- ou constituées d'une succession de tores et de gorges d'épaisseur et de profondeur décroissante comme aux 46 et 54 place Michel Debré ou au 42 rue de la Concorde.
Les premières n'ont été rencontrées que deux fois. Les secondes, rencontrées sur deux façades conservées en l'état, sont associées à des pinacles de section carrée sculptés sur les colombes verticales du pan-de-bois. Ces mêmes pinacles devaient être assez courants ; on les retrouve en partie ou complètement bûchés sur 3 façades remaniées.
La porte à accolade du 2 rue Joyeuse.
En raison de leur utilisation intensive et de leur situation au niveau du sol de la rue, peu de portes nous sont parvenues ; l'iconographie ancienne correspond à celles qui existent encore. On rencontre des portes encadrées de simples poteaux moulurés, comme au 54 place Michel Debré, ou surmontées d'une accolade comme au 2 rue Joyeuse.
Les noyau d'escalier tore en bois des maison en pan de bois
La plupart des escaliers à vis en bois des maisons amboisiennes présentent seulement leur noyau d'escalier d'origine, les marches ayant été refaites pour des raisons d'usure. Cependant leur emplacement est originel et permet de restituer en partie la distribution de la demeure. L'intérêt que nous portons à ces noyaux vient des deux mains courantes qui y sont incrustées recouvrant à la fois un aspect pratique et un aspect décoratif. Ces onze noyaux tores se situent dans des demeures construites entièrement ou en partie en pan de bois. L'homogénéité des noyaux (14 cm de diamètre) se lit dans le choix des grumes de bois de chêne qui était coupées à cet usage. Chacune des rampes, présentent un profil pseudo-rectangulaire de 5 cm sur la face antérieure et de 3 cm de chaque côté. Les bords de chaque rampe sont recreusés de chaque côté d'une profonde et large gorge qui la font ressortir. Nous ne pouvons pas dater ces noyaux. Cependant on les rencontre couramment en Val de Loire durant les XVe et XVIe siècles. A Amboise, on les trouve en effet dans des édifices présentant les caractéristiques typologiques de cette période. Et lorsque l'édifice est trop dénaturé pour pouvoir proposer une datation, nous avons fait de choix de considérer ces noyaux comme des éléments de datation.
Les constructions en pierre de taille et/ou en brique : hôtels, manoirs
Façade sur jardin de l'Hôtel Joyeuse, 6 rue Joyeuse.Le phénomène de construction des hôtels particuliers urbains a été bien étudié à Blois, ville royale succédant à Amboise dans les années 1500. Au cours du XVe siècle, émerge une nouvelle classe sociale, la bourgeoisie qui s'est enrichie de son commerce. Elle désire construire, à l'image de la noblesse, de grandes demeures faisant état de sa richesse. Mais l'acquisition d'un domaine n'est pas aisée et soumise à l'appréciation royale ; il est plus facile d'acheter une, voire plusieurs, parcelles dans une ville pour implanter son hôtel. À Amboise le phénomène n'est pas flagrant et assez tardif. Cependant, une quinzaine d'édifices constituent le corpus des hôtels encore existants. L'ignorance du nom des commanditaires de ces édifices manque cruellement à leur compréhension.
Les manoirs situés à proximité du bourg relèvent également d'un mouvement bien connu des historiens de l'architecture, qui se développa entre 1470 et 1550 environ. Durant cette période, on observe surtout au sein de la noblesse la plus élevée, un regain d'intérêt pour la vie à la campagne. Encore une fois, l'ignorance du nom du commanditaire ou du propriétaire des lieux limite notre analyse.
Enfin, les édifices religieux et les édifices publics de la ville s'apparentent aux hôtels et manoirs par leurs qualités constructives.
Tous ces édifices sont de dimensions et de superficie variables, allant de 100 m² à 200 m² au sol. En revanche ils sont tous placés en périphérie de l'enceinte, à l'intérieur et à l'extérieur de celle-ci. Les hôtels se sont certainement implantés dans les zones où le bâti était le moins dense. Ce qui tendrait à dire, toutes réserves gardées, que les plus éloignés du centre ville ont été édifiés plus tardivement. La tendance se vérifie en effet pour la plupart d'entre eux ; en revanche les manoirs - identifiables à leurs fonctions agricoles -, les édifices publics ou les églises n'y sont pas soumis.
Lucarne du corps de logis du manoir de la Maison Blanche (18 rue de l'Épinetterie).Peu de caractères morphologiques récurrents peuvent être avancés pour les hôtels et manoirs, comme nous l'avons fait pour les maisons ; chaque façade (souvent dénaturée) est unique. Cela s'explique par la fonction même de l'hôtel. Tandis que les maisons sont construites en premier lieu dans un but utilitaire par une communauté homogène, l'édification des hôtels par la noblesse ou la bourgeoisie enrichie, relève au contraire d'une volonté de paraître et de personnaliser sa demeure. Toutefois par le style adopté on peut souvent suggérer la filiation de l'édifice au bâtiment le plus important d'Amboise : le château.
Les hôtels sont construits en pierre de taille et/ou en brique, matériaux nobles qui font écho à ceux employés au château et qui tranchent avec le bois des maisons. Ils sont couverts d'ardoise, matériau également réservé aux édifices de prestige. Dans la majorité des cas, les élévations sont plus hautes d'un niveau que celles des maisons, détachant les hôtels du paysage urbain. Plusieurs hôtels possèdent une cour ou un jardin devant (Hôtel, 6 rue de la Concorde) ou derrière la demeure (Hôtel Joyeuse, 6 rue Joyeuse, Hôtel Morin, 10-11 quai Charles Guinot). Les escaliers lorsqu'ils sont encore conservés peuvent se trouver dans-oeuvre (10-11 quai Charles Guinot, 9-11 rue Victor Hugo) ou hors-oeuvre installés dans une tourelle (6 rue de la Concorde). Quand elles n'ont pas disparu (placette Saint-Florentin), des croisées à meneaux et traverses ouvrent sur la rue, mais plutôt au premier étage afin de garantir au rez-de-chaussée une relative tranquillité (10-11 quai Charles Guinot).
Relevés des charpentes de l'Hôtel situé 9-11 rue Victor Hugo.
L'ensemble des constructions ayant conservé leur charpente d'origine (Hôtel 6 rue de la Concorde, Hôtel Morin 10-11 quai Charles Guinot, 9-11 rue Victor Hugo, hôtel Saint-Thomas, 1 mail Saint-Thomas) adopte le type à chevrons-formant-fermes. Les combles sont de fait plus volumineux que ceux des maisons, ce qui participe à la distinction des hôtels dans le bâti urbain.