L'implantation de l'îlot J fut déterminée dès le plan d'Aménagement et de Reconstruction de 1942 établi par Charles Nicod. Situé en tête de pont, le long de la rue Denis-Papin élargie, il est délimité sur ses autres côtés par la rue du Poids-du-Roi redressée et élargie et par une voie nouvelle, la rue Henry-Drussy, créée pour conserver la perspective sur la cathédrale depuis la tête de pont, découverte après les destructions. Il donne enfin au nord sur la place Ave-Maria décalée au nord par rapport à son implantation d'avant-guerre. Son plan de forme approximativement triangulaire est donc totalement nouveau par rapport au parcellaire ancien. Comme les autres îlots de la reconstruction blésoise, sa construction ne commença pas avant la Libération. Il connut alors un destin singulier, l’État en faisant à partir de 1946 l'îlot pilote de la ville.
Un îlot symbolique de la reconstruction blésoise.
L'îlot J est à plusieurs titres un des symboles de la reconstruction blésoise. Il est inscrit dans l'ordonnance de la tête de pont, qui compte parmi ses compositions architecturales les plus emblématiques. Il a également la particularité d'être le seul îlot d’État de la ville et son premier îlot reconstruit à partir de 1946. Le 22 septembre 1946, à l'occasion des Fêtes de la Renaissance, le Ministre de la Reconstruction et de l'Urbanisme y célébra la pose de la "première pierre" de la reconstruction de la ville.
Travaux de terrassement de l'Arrou, 1946. (Archives départementales de Loir-et-Cher, Blois, 1195 W 44).
Façades sur cour des immeubles de la rue Denis-Papin en maçonnerie de moellon et brique, 3-08-1947 (Archives départementales de Loir-et-Cher, Blois, 1195 W 44).
Immeubles de la rue du Poids-du-Roi, on monte les murs et les baies du 2e étage, 02-1948. (Archives départementales de Loir-et-Cher, Blois, 1195 W 44).
En tant que premier îlot reconstruit et îlot d’État, sa construction fut particulièrement suivie par les services du MRU dont les archives départementales de Loir-et-Cher conservent un volumineux reportage photographique. Ce reportage photographique commence à la fin de l'année 1946 et semble s'interrompre en novembre 1948. Il commence avec les travaux de terrassement et s'achève avant que ne soient finalisée la couverture des derniers immeubles rue Denis-Papin. Il a néanmoins considérablement éclairé nos recherches sur la construction de cet îlot et plus largement sur la reconstruction de la ville. C'est pourquoi nous avons fait le choix de le reproduire intégralement au sein de ce dossier. Il rend compte à échéances relativement régulières de l'avancée des chantiers et des techniques qui y sont employées faisant de cet îlot, celui dont la construction est la mieux connue.
Les étapes d'un chantier visant à tester des techniques constructives.
Pour la construction de l'îlot, les plans des immeuble furent conçus par Paul Robert-Houdin, auteur de tous les immeubles donnant sur le rond-point de la Résistance, ainsi que Guénet et Erre.
Travaux de fondation, la sonnette, ici en cours de battage, enfonce les pieux frettés dans le sol, 3-06-1947. (Archives départementales de Loir-et-Cher, Blois, 1195 W 44).Une spécificité de l'îlot J est d'être implanté sur le lit d'un affluent de la Loire : l'Arrou. Les travaux commencèrent donc fin 1946, par d'importants travaux de terrassement de ce petit cours d'eau. Aucun autre îlot ne nécessita de tels travaux préliminaires par la suite.
Les travaux de fondations en revanche eurent à cet égard valeur de test. Ils commencèrent en octobre 1947 et constituèrent une grande difficulté dès le début du chantier. En effet, la technique choisie - le terrassement par pieux frettés en béton - s'avéra rapidement inadaptée à un sol hétérogène et cachant en profondeur des vestiges des constructions passées. Les pieux, enfoncés à la sonnette étaient souvent déviés de leur trajectoire, voire brisés. Cette technique fut par la suite abandonnée pour les autres îlots.
Le reportage rend compte ensuite de la construction des immeubles. Quelques murs des façades ordonnancées furent montés en pierre de taille, et ce matériau, indisponible entre septembre 1947 et début 1948, causa d'importants retards avant qu'un chantier de taille ne soit installé à proximité, à l'emplacement du futur îlot K. La plupart des murs cependant étaient montés en maçonnerie de moellon avec quelques parties en brique (angles, conduits de cheminée), cet appareillage plus pauvre étant ensuite masqué sous un enduit. Cette maçonnerie traditionnelle fut associée à une structure en béton armé dont le reportage illustre les ferraillages et les coffrages. L'usage de la pierre de taille fut également associé à la solution plus économique de la pierre reconstituée notamment utilisée pour les corniches. Les techniques de couverture restaient elles très traditionnelles : les charpentes, en bois, furent couvertes en ardoise.
Outre les matériaux de construction, on observe que ces choix techniques nécessitèrent un nombre important d'ouvriers, une grande quantité de bois d'étayage et de coffrage et quelques engins de levage.
Un îlot sans affectation individuelle qui tarda à être habité.
Îlot d’État, l'îlot J fut conçu dès l'origine comme un groupe d'immeubles à usage de commerce et d'habitation, mais ses immeubles ne furent attribués à treize propriétaires qu'après sa construction, à partir de 1950 en application de la circulaire 50-91 du 12 avril 1950 selon laquelle la cession des immeubles construits par l’État devait faire l'objet d'une convention passée entre le préfet et le sinistré attributaire. Mais en avril 1950, l'îlot J n'avait encore qu'un seul habitant... L'arrêté ministériel du 28 février 1952 clôtura les opérations de remembrement de l'îlot J et les habitants continuèrent de s'installer peu à peu dans le courant de la première moitié des années cinquante.
Nous disposons aussi pour l'îlot J du règlement de copropriété daté de mars 1952. Cette source nous permet notamment de prendre connaissance des usages prévus à l'origine pour tous les espaces communs de l'îlot. Le cœur de l'îlot J a la spécificité d'être divisé en deux : une cour couverte accessible à trois immeubles dans son angle sud-ouest et une cour partagée par les neuf autres immeubles. Le stationnement des voitures était interdit dans cette dernière.
Aujourd'hui, les usages de l'îlot ont sensiblement évolué. La cour est utilisée pour le stationnement des automobiles. Par ailleurs, deux immeubles sur douze ne comprennent plus de logements.