Témoin des désirs de rationalisation et d'embellissement de l'espace urbain de la fin du 18e siècle, l'entrée septentrionale de Tours était avant-guerre composée d'un grand ensemble architectural et d'une vaste place aux terrasses plantées. Encadrant le haut de la rue Nationale, deux bâtiments identiques s'élevaient face à la Loire, préludes à la longue enfilade de façades ordonnancées qui faisaient la renommée de la ville.
La destruction de l'entrée monumentale nord de Tours
Première zone détruite de Tours en juin 1940, l'entrée monumentale fait l'objet des plus grandes attentions lors de l'élaboration du plan de reconstruction du quartier sinistré. Le premier projet établi par l'architecte Camille Lefèvre en 1942 se caractérise principalement par une maîtrise du flux de la circulation au débouché du pont. La rue Nationale élargie est complétée par deux nouvelles voies biaises partant de la place Anatole-France vers les rues Marceau et Voltaire. L'architecte propose également d'établir un front bâti de style néoclassique sur le pourtour de la place, qui reprend les anciens gabarits des édifices détruits.
Les nouvelles vagues de bombardements qui frappent la ville en 1943 et 1944, comme le sinistre du quartier de la gare imposent une réévaluation générale du plan Lefèvre à la Libération. Nommé urbaniste en chef, Jean Dorian conçoit un premier modificatif en 1946 qui affirme davantage le tracé en "patte d'oie" esquissé depuis la place Anatole-France. Son projet prolonge en effet les deux percées diagonales en direction de deux monuments emblématiques de la cité tourangelle, la tour Charlemagne et de la cathédrale Saint-Gatien.
Les dessins de Pierre Patout
La même année, l'architecte Pierre Patout intervient à la demande du ministère de la Reconstruction afin d'établir la nouvelle esthétique de l'entrée nord. Il définit assez rapidement un principe de composition fondé notamment sur l'édification de deux têtes de pont symétriques en bordure de Loire. En juillet 1947, ses premières esquisses sont présentées au conseil municipal, qui admire la disposition de ces blocs monumentaux et charge l'architecte d'en poursuivre l'étude.
Le lancement du second modificatif du plan de reconstruction au début de l'année 1950 se traduit par une importante réorganisation de l'entrée nord. La disparition des deux voies biaises entraîne la création de deux grands îlots au sud de la place Anatole-France. L'entrée effective de la rue Nationale est également repoussée vers le cœur de ville, au-delà de l'axe est-ouest formé par les rues Colbert et du Commerce. Les deux blocs sont successivement reculés puis rapprochés du fleuve, avant d'être décalés aux extrémités de la place et placés de part et d'autre de la tête de pont. En juillet 1950, le ministère de la Reconstruction fait savoir qu'il a l'intention d'affecter ces pavillons à la bibliothèque municipale et à un palais des congrès, et demande à Patout d'en réaliser l'étude.
A cette date, Pierre Patout s'associe à Robert Chaume pour dresser les plans des magasins-terrasses, son projet ayant par ailleurs essuyé de vives critiques de la part des commerçants sinistrés. Ce collaborateur de longue date est recruté en tant qu'architecte d'opération en charge de l'aménagement paysager de la place, des terrasses et des deux grands cœurs d'îlot. Les deux hommes s'accordent sur une version définitive du plan masse de l'entrée nord en 1953. La reconstruction de la zone, débutée en 1951 par la première unité de chantier de l'îlot V, est achevée en 1962 par l'édification d'un dernier bloc de magasins-terrasses à l'angle des rues Nationale et Colbert. Ajournée sine die faute de financement, la réalisation du pendant de la bibliothèque municipale est abandonnée au début des années 1970.
Cet aménagement urbain a depuis connu quelques transformations, telles que le réaménagement des espaces paysagers et la disparition des deux escaliers monumentaux qui reliaient les terrasses à la place, démolis lors de la construction d'un parking souterrain au début des années 2000.