Un équipement déjà attendu avant-guerre.
La construction d'un hôtel des postes à Blois, réunissant services administratifs départementaux, central téléphonique et télégraphique et guichets, fut envisagée dès les années vingt dans le contexte de l'élaboration du plan d'aménagement, d'embellissement et d'extension de la ville (PAEE). Les installations de la poste étaient alors insuffisantes en termes de technique et d'hygiène. La question controversée de son emplacement empêcha le projet d'aboutir avant-guerre.
Lieux envisagés pour l'implantation de la poste.Un état de la question daté de 1937 et intitulé « Où en est la question de l'Hôtel des Postes ?» rappelle les sites qui furent envisagés : l'emplacement de l'hôtel de ville sur les quais, qui aurait alors été transféré dans l'ancien évêché, le bureau de Bienfaisance, ex-collège jésuite, qui rallia le maximum de suffrage mais qui supposait le déménagement de l'école Victor-Hugo et était très contraint du fait de son contexte patrimonial, et enfin le terrain du débarcadère qui avait l'avantage de mettre l'avenue Victor-Hugo à l'alignement. L'auteur suggérait en outre que soit considéré l'emplacement du parc Pasteur. On sait par ailleurs que le site du collège Augustin-Thierry fut également considéré en prévision du déplacement de ce dernier dans la partie haute de la ville.
Déjà l'hypothèse d'une implantation sur le site du bureau de Bienfaisance, installé dans l'ancien collège jésuite place Victor-Hugo avait été approfondie. Validée par le conseil municipal en 1932, Paul Robert-Houdin avait établi le projet adapté à ce site. Le conseil municipal avait pour cela défini des contraintes en matière de gabarit, de hauteur, de toiture et de manière générale des servitudes favorables à une bonne intégration du nouveau bâtiment dans le contexte architectural de la place. Le sous-secrétariat d’État des Beaux-Arts, quant à lui, avait accepté ce projet mais en avait fixé certaines conditions : le vieux bâtiment pourrait être en partie détruit pour le passage d'une rue nouvelle mais le nouvel hôtel des postes devrait occuper le reste et s'étendrait sur le terrain situé derrière. Pour la ville, la question de la construction d'un hôtel des postes s'inscrivait déjà dans le contexte plus large de son aménagement. La solution adoptée était conforme aux intérêts de ses projets, en particulier celui du percement d'une voie menant à la ville haute où l'on projetait de rassembler toutes les administrations. De plus, si cette solution nécessitait le déplacement des écoles primaire de filles Victor-Hugo et maternelle de la rue du Pont-du-Gast, ces deux dernières étant alors vétustes, des travaux étaient de toutes les façons nécessaires. Cependant, le projet traîna faute d'accord sur les modalités entre les trois administrations concernées : l'administration des PTT, les Beaux-Arts et la Ville.
Un équipement intégré au plan de reconstruction de Blois dès 1940.
En 1940, la question de la construction d'un hôtel des postes se posa avec plus d'acuité encore après la destruction du bureau situé quai de la Saussaye. Pour l'administration des PTT, l'élaboration d'un plan de reconstruction constitua l'opportunité de faire aboutir le choix du terrain qui avait jusqu'alors fait échouer ce programme. Les diverses propositions de l'été 1940 rouvrirent le débat. Dès l'automne 1940, le directeur départemental des PTT de Loir-et-Cher, suggéra à la ville de réserver pour cela le terrain en bord de Loire du collège Augustin-Thierry détruit en juin. On imagina aussi de l'établir sur la place Louis-XII, ou encore, plus à l'est sur les quais, à l'emplacement de l'hôtel de ville détruit. L'architecte Charles Nicod, architecte de la reconstruction de Blois, proposa quant à lui de le construire dans la ville haute, à l'emplacement de l'ancienne prison. Cette proposition fut rejetée dès le premier examen du plan en mai 1941 et l'architecte proposa finalement de nouveau l'emplacement de l'ancien collège jésuite, place Victor-Hugo.
L'implantation sur ce site devant la façade des loges du Château intégrait de fortes contraintes patrimoniales, le débat relatif au sort à réserver au bâtiment de l'ancien collège jésuite reprit. La Ville souhaitait démolir le vieux collège qu'elle estimait vétuste et reconstruire à sa place. Elle s'opposa à l'administration des Beaux-Arts, qui défendit la conservation de l'édifice en tant qu'élément de l'ensemble formé place Victor-Hugo. Les échanges entre les trois administrations furent nombreux. Finalement, Charles Nicod en 1942 proposait de construire l'équipement à l'arrière de l'ancien collège jésuite conservé, l'ouverture d'une voie reliant la rue Gallois et la rue du Pont-du-Gast, améliorant sa desserte.
L'hôtel des postes fut donc intégré à l'étude spéciale d'architecture établie pour cette place par Charles Nicod et Jacques Billard en 1942-1943. Dans leur projet, l'ancien collège jésuite n'était amputé que d'un passage en rez-de-chaussée permettant le passage d'une voie de circulation. A l'arrière de ce bâtiment historique émergeait l'hôtel des postes plus élevé d'un étage au moins.
Les plans de l'architecte des Postes Georges Labro.
Mais les plans d'un tel équipement devaient être établis par un architecte agréé par l'administration des Postes. Georges Labro, architecte des Postes fut nommé pour leur élaboration : il produisit trois projets en 1941, 1949 et 1953. Alors que le premier constituait une proposition très proche de celle de Paul Robert-Houdin dix ans auparavant, les suivants, avec le projet de percement d'une rue reliant la rue Gallois et la rue du Pont-du-Gast et la suppression de quelques éléments du programme évoluèrent notablement.
Vue perspective, projet de Georges Labro, sans date, vers 1941. (Archives municipales de Blois, Dossier Recette principale des PTT).En 1931, Paul Robert-Houdin avait proposé de démolir la moitié ouest du collège jésuite jusqu'à la travée formant un léger ressaut surmontée d'un belvédère afin que soit percée une rue nouvelle longeant l'église Saint-Vincent. Cette travée devenait l'angle d'un nouveau bâtiment à quatre côtés irréguliers, aligné sur la rue Gallois. En 1941, Georges Labro reprit l'esprit de cette proposition, tout en restreignant la démolition du bâtiment ancien. Il ne proposait plus de détruire que quelques travées et non la moitié de l'ancien collège jésuite et en compensait visuellement la perte par la construction d'un portique en rez-de-chaussée. Il était alors prévu qu'après restauration et aménagement intérieur, le collège des Jésuites serait affecté à l'usage de la poste. Cependant le projet n'aboutit pas sous l'Occupation, et après la Libération de nouvelles discussions éclatèrent relatives à la destruction ou à la réaffectation à l'usage des postes de l'ancien collège des Jésuites ainsi qu'aux contraintes architecturales pesant sur le nouveau bâtiment empêchant le projet d'aboutir.
Les projets suivants, de 1949 puis 1953, furent bouleversés par l'intégration au plan du percement d'une voie nouvelle entre la rue Gallois et la rue du Pont-du-Gast, voie nouvelle qui deviendra la rue du Père-Monsabre. La façade principale de la poste s'ouvrit dès lors sur la rue Gallois. Parallèlement l'intervention sur le collège jésuite se fit plus discrète : celui-ci ne devait plus être percé qu'en rez-de-chaussée pour laisser passer une voie étroite. Par ailleurs, la Direction départementale des PTT et le Central télégraphique et téléphonique devant finalement être construits rue Franciade, l'hôtel des postes monumental des premiers projets fut peu à peu réduit à une échelle plus modeste. Il n'était plus constitué que de trois ailes en 1949 puis se résuma dans le projet de 1953, à deux ailes, l'aile nouvelle, en retour du collège ancien, étant alignée sur la rue Gallois. Sa hauteur fut diminuée. Le style architectural adopté pour la construction nouvelle marqua également une nette inflexion. Il reprenait exactement le vocabulaire et l'ordonnance de l'ancien collège jésuite dans le plan de Paul Robert-Houdin, il en reprit le gabarit et les matériaux ensuite mais adopta de larges ouvertures plus adaptées à ses fonctions d'accueil du public et plus en accord avec les nouvelles exigences en matière de luminosité.
Plan de situation et façade principale, projet de Georges Labro, 12-1949. (Archives municipales de Blois, Dossier Recette principale des PTT).
Projet de poste par Georges Labro, plans, façades et coupes, octobre 1953. (Archives départementales de Loir-et-Cher, Blois, 18 O6 VII 40).
Un chantier retardé.
Les travaux de l'hôtel des postes, conditionnés par le déplacement de l'école de filles Victor-Hugo ne furent entrepris qu'à l'été 1954, ils commencèrent par des travaux de démolition et de nivellement puis se poursuivirent avec les travaux de construction du bâtiment nouveau. Dans le même temps, en 1956 et 1957, eurent lieu les travaux de restauration de l'ancien collège jésuite. Georges Labro conçut également l'aménagement du jardin public dont l'espace fut ouvert au public par la démolition du mur de clôture et l'implantation à sa place d'une balustrade.
La poste de la place Victor-Hugo est donc le résultat d'une élaboration lente entre les années vingt et les années cinquante. Le projet qui finit par aboutir à la fin des années cinquante, avait entre-temps intégré de nettes évolutions. Le projet avait intégré des servitudes architecturales, et s'était adapté à la topographie des lieux et au remaniement de son réseau viaire. L'analyse des projets entre le début des années trente et les années cinquante rend compte de l'évolution du programme de ce type d'équipement en deux décennies : il évolua d'un projet d'équipement monumental à un équipement plus économique et fonctionnel.
Entrée du bureau de poste, sur la façade nord, rue du Père-Monsabre.
Les guichets du bureau de poste ont depuis été intégralement réaménagés. Aujourd'hui la voie conçue pour dédoubler la rue du pont du Gast ne reçoit plus aucune circulation automobile.