La cathédrale de Chartres qui, par l'ancienneté de son origine et de sa dévotion à la Vierge, attire en nombre toujours considérable les fidèles, pèlerins et passionnés d'art, est avant tout un édifice vivant qui se renouvelle. Les décors et les aménagements intérieurs, le mobilier et les objets liturgiques témoignent d'une mutation constante liée à l'histoire religieuse, politique et économique, à l'évolution des goûts et aux changements de mode. Oratoires et chapelles, châsses et reliquaires, orfèvrerie précieuse et orfèvrerie ordinaire, linges et vêtements, groupes sculptés et dais d'architecture, peintures murales et tableaux de chevalet composent une collection précieuse dont l'unique vocation est la célébration du culte de Notre-Dame.
Décor d'architecture
Les statues du portail Royal
Charlemagne (?) : statue-colonne provenant du portail Royal.Vraisemblablement élevé entre 1142 et 1150, le portail Royal constitue le plus ancien portail de la cathédrale. Le décor qui s'organise sur plusieurs niveaux, forme un ensemble iconographique d'une cohérence idéale : encadrant les baies d'accès, les statues élancées figurent des personnages de l'Ancien Testament, précurseurs du Christ ; sur la suite de chapiteaux s'égrènent des épisodes de la vie du Christ tirés du Nouveau Testament et, au-dessus, dans les tympans et les voussures, est représenté le temps de l'Église, jusqu'au Jugement dernier. Le portail, qui a subi peu de dommages au cours des siècles, a gardé une authenticité presque totale. Quatre fragments de colonnettes et six statues-colonnes ont cependant été déposés dans la crypte à la fin des années soixante en raison de leur état de conservation critique, dont l'Ange au cadran anciennement accroché au clocher sud, et remplacés in situ entre 1973 et 1976 par des copies en pierre. Cet ensemble devrait être prochainement présenté dans le Trésor rénové.
Le labyrinthe
Au sol, encastré dans le dallage sur toute la largeur du vaisseau central, le labyrinthe mesure près de treize mètres de diamètre et dessine un chemin circulaire, qui se développe en quatre parties symétriques sur plus de 261 mètres. Le parcours dentelé sur son pourtour est constitué de dalles de calcaire de Berchères et cloisonné de minces bandes de marbre noir. En son centre, était fixée une plaque en cuivre représentant le Combat de Thésée contre le Minotaure qui disparut probablement pendant la Révolution. Daté des alentours de 1200, il est probablement le plus ancien labyrinthe de France conservé intact. Il reçut diverses appellations : Dédale, La lieue, Chemin de Jérusalem car il serait un rappel symbolique du pèlerinage en Terre Sainte, ou encore Chemin de la Jérusalem céleste, tel une représentation de la vie terrestre. L'usage voulait qu'il fût parcouru à genoux par esprit de pénitence lors des grandes fêtes mariales.
Trésors et reliques
A l'instar des autres trésors d'église, le trésor de Chartres s'est constitué autour des reliques vénérées de saints personnages, recueillies depuis les premiers siècles chrétiens et déposées dans des reliquaires de métal précieux exposés à la ferveur religieuse. Saint Piat, évangélisateur de la ville au 4e siècle, dont le corps est conservé intégralement, bénéficie notamment d’une considération particulière. D'autres reliques jouissent également d’un grand prestige : le "chef" de sainte Anne remis au chapitre au début du 13e siècle, une épine de la Couronne du Christ donnée par saint Louis, les ossements de saint Calétric, évêque de Chartres, de saint Tugdual, évêque de Tréguier ou encore de saint Taurin, évêque d'Évreux. Leur réception est l’occasion de grandes processions qui ravivent la piété populaire. La relique la plus précieuse qui va néanmoins donner sa légitimité à Chartres et fonder le rayonnement de l'édifice est le Voile de la Vierge, ou Sainte-Chemise, présent supposé de Charles le Chauve en 876, et que la tradition considère comme un vêtement porté par la Vierge. Sa popularité remonte à 911, au cours du siège de la ville par Rollon, chef viking devenu l’année suivante duc de Normandie. La légende raconte que l’évêque de Chartres, Gancelme, la brandit devant les assiégeants et provoqua la déroute de leur armée saisie d’effroi. En 1194, un nouveau miracle s’accomplit qui renforce sa vénération : la relique est sauvée des flammes qui dévastent l’édifice mais épargnent la crypte où elle était déposée.
A la dévotion suscitée par la sainteté des reliques répond le luxe des reliquaires, dont les commandes se multiplient avec l'arrivée des restes saints, et l'affluence des dons et largesses de toute nature. Les inventaires successifs du trésor, qui ont été retrouvés, en reconstituent le souvenir. La première mention, qui figure dans un acte capitulaire de 1310, révèle déjà son faste : reliques insignes, reliquaires et vases sacrés d'or et d’argent destinés à la célébration de la liturgie mais aussi lampes, candélabres, objets d’art, albâtres, bijoux, ornements ecclésiastiques, missels enluminés et broderies. A cela s'ajoutent les offrandes votives offertes pour l’obtention ou en remerciement d’une grâce, comme les armures déposées par les souverains français du 14e siècle pour marquer leur attachement à la Vierge, dont quelques rares témoins nous sont parvenus, ou encore les ceintures amérindiennes envoyées par deux tribus de Nouvelle-France au 17e siècle. Ces inventaires détaillés ponctuellement dressés, souvent après le versement d’un impôt royal, permettent d’apprécier la richesse et de suivre les mouvements auxquels le trésor est astreint. Fréquemment augmenté par les offrandes et legs des ecclésiastiques, évêques, chanoines et clercs, et des bienfaiteurs laïcs, familles nobles, souverains et humbles pèlerins, il est tout aussi régulièrement ponctionné pour raison d’État. Dans son Inventaire des reliques de l’Église de Chartres dressé en 1682, le chanoine Estienne montre l'opulence du trésor qui à cette date a atteint son apogée grâce à la générosité des reines Marie de Médicis et Anne d'Autriche.
Mais la pièce la plus somptueuse est incontestablement la Sainte-Châsse qui renferme le Voile de la Vierge. Estienne la décrit comme "faite de bois de cèdre couverte de grandes placques d’or et enrichie d’une infinité de perles, de diamants, de rubis, d’émeraudes, de saphirs, de jacinthes, d’agates, de turquoises, d’opales, de topases, d’onyces, de crysolites, d’amétistes, de grenats, de girasols, de sardoines, d’astriots, de cassidoines, d’éliotropes et de plusieurs autres présents…". Elle est dépecée en 1793, quelques joyaux sont toutefois sauvés parmi lesquels un grand camée représentant Jupiter offert par Charles V en 1367, déposé au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale.
Les objets précieux vulnérables sont conservés dans des lieux protégés généralement disposés dans le chœur. Il en est ainsi à Chartres, bien que nous ignorions la localisation exacte du trésor avant la construction de la clôture de chœur au 16e siècle. En 1682, il est réparti entre trois emplacements : derrière le maître-autel dans « les Corps saints » ou « Troisième trésor » où est exposé l'essentiel des reliques, et de chaque côté dans deux dômes monumentaux en bois sculpté offerts par Marie de Médicis et Anne d’Autriche. Après l’aménagement du chœur à la fin du 18e siècle, le trésor est enfermé dans un lieu unique, créé derrière le maître-autel.
Il disparaît à la Révolution, comme la quasi-totalité des trésors des cathédrales et des abbayes de France. Les révolutionnaires hésitent d’abord à s’en emparer, l’inventaire des biens est pourtant dressé en 1792 et la mairie s’approprie les pierreries pour constituer du numéraire et les grosses pièces de métal précieux qu’elle envoie à Paris pour y être fondues. Au début de l’année suivante, le trésor est entièrement anéanti, la Sainte-Châsse détruite et la relique découpée et dispersée. Quelques rares objets sont sauvés, qui vont constituer le noyau du trésor actuel : un autel portatif du 15e siècle, une navette à encens de 1540, le calice et la patène dits de Henri III, des éléments d’armure et un vêtement royal, les deux ceintures amérindiennes et deux petits cœurs votifs. Après la signature du Concordat en 1801 qui rétablit les fabriques d’église, le trésor se reforme à partir des pièces préservées et de quelques autres liées historiquement à la cathédrale : atours et parures des deux statues majeures de Vierge à l’Enfant, Notre-Dame du Pilier et Notre-Dame de Sous-Terre, volute de la crosse pastorale de Henri de Grez, évêque de Chartres mort en 1246, découverte au cours de travaux. D’autres objets sont achetés sur le marché de l'art pour leur raffinement ou mis en dépôt bien qu’ils soient sans lien direct avec l’édifice, c’est le cas du tabernacle de Saint-Aignan, émail limousin du 13e siècle, et du petit reliquaire en argent déposé par la commune de Coulombs (Eure-et-Loir). Malgré sa valeur, la collection actuelle ne reflète pas la somptuosité du trésor d’Ancien Régime tel qu’il est décrit par les inventaires et les récits des pèlerins.
Le trésor exposé dans la chapelle Saint-Piat de 1961 à 2000.
A partir de 1961, le trésor est exposé dans la chapelle Saint-Piat puis déménagé en 2000 avant la restauration de celle-ci. Il sera à nouveau visible à l'horizon 2021-2022 dans une nouvelle configuration : l'orfèvrerie et les ornements liturgiques seront présentés dans la chapelle Saint-Piat, et les éléments lapidaires dans la salle capitulaire située en-dessous.
Les aménagements du chœur
A Chartres, le chœur est devenu très tôt le pôle central de l’édifice : ses dimensions mêmes traduisent l’importance qui lui a toujours été accordée. Depuis sa consécration dans le premier quart du 13e siècle, les chanoines n’ont jamais cessé de l’embellir et d’en renouveler le décor, afin d’affirmer le prestige de l’édifice et de renforcer le pouvoir religieux. Le chœur a ainsi connu l’élévation successive de deux jubés monumentaux, puis celle d’une clôture de chœur d’ampleur exceptionnelle, un remaniement complet de l’architecture et de la décoration intérieures au 18e siècle, enfin un nouvel agencement de la croisée du transept à la fin des années 1990.
Le jubé médiéval
Autrefois érigé d’un pilier à l’autre à la croisée du transept, le jubé était une clôture monumentale en pierre, rappelant une façade d’église avec sa succession de portails couronnés de gâbles du côté de la nef et surmontée d’une vaste tribune où se déroulaient les cérémonies.
Son édification débute semble-t-il entre 1230 et 1240 en remplacement d’un ambon élevé par l’évêque Ives à la fin du 11e siècle et probablement détruit au cours de l'incendie de 1194, et doit certainement être achevée en 1260, année de dédicace de la cathédrale. Pendant plus de cinq siècles, il devient le centre de la vie liturgique et sert à la lecture des Évangiles, au chant des psaumes, à l’annonce des nouvelles ecclésiastiques, à la publication des miracles et à l’ostension des ex-voto. Un lutrin y est placé dès l’origine et un petit orgue qui accompagne les voix des chantres est construit à l’une des extrémités en 1357. De grands événements s’y déroulent : la Paix de Chartres en 1409 entre le duc de Bourgogne et les fils du duc d’Orléans et le sacre de Henri IV le 27 février 1594. Au milieu du 18e siècle, alors que sa destruction est déjà envisagée depuis le siècle précédent en raison de son délabrement et ce, malgré les multiples réparations effectuées, le chapitre décide de le supprimer définitivement. Sous la direction de deux architectes, Guillois et Brissart, le démontage des sculptures, la démolition des escaliers d'accès et du mur séparant la nef du chœur sont effectifs à la fin d’avril 1763. Pendant plusieurs mois les débris sculptés restent offerts à la convoitise des habitants qui peuvent se procurer librement fers et pierres nécessaires à leurs réparations domestiques. Puis, en conformité avec l’ancienne règle canonique qui veut que les décombres d’un édifice sacré restent à l’intérieur du monument, l’essentiel des vestiges est mis à l’abri puis remployé en comblement du pavement de l’entrée du chœur, ou en scellement au gré des travaux de réfection de la cathédrale. Lors des restaurations consécutives à l'incendie de 1836, puis des fouilles menées dix ans plus tard par Jean-Baptiste Lassus, des éléments divers sont mis au jour : hauts-reliefs, clefs de voûte, petits personnages, colonnes et chapiteaux ainsi qu’"une quantité considérable de fragments de statuettes, moulures et ornements", comme l'écrit l'architecte dans son rapport du 23 novembre 1848 adressé au ministre de l’Instruction publique et des Cultes.
Les débris sont, pour la plupart, entreposés dans la crypte ; on dénombre cependant quelques reliefs au musée du Louvre, dans des musées étrangers et des collections privées. Les pièces les plus précieuses font partie intégrante du Trésor et seront prochainement exposées à nouveau.
La clôture de choeur
Tour du choeur, partie tournante, côté sud.
La décision de construire une clôture de choeur monumentale en pierre est prise dans la première décennie du 16e siècle : cliquez ici pour lire le dossier consacré à la clôture de choeur ou Tour du Choeur.
Le choeur du 18e siècle
Le décor intérieur
Depuis la période médiévale, le chœur n'a guère subi de modifications, le grand autel a certes été déplacé vers le fond du sanctuaire afin de le rendre plus spacieux, mais l’environnement est resté inchangé : un retable mobile que l'on change selon le temps de l’année liturgique est placé derrière l’autel, des tentures l’encadrent, repliées au moment de l’Offertoire afin que l’hostie soit visible de tous côtés, le mobilier compte les stalles installées depuis le 16e siècle, une dizaine de sièges pour les enfants de chœur et trois chaires épiscopales, le trésor est exposé de chaque côté et derrière le maître-autel.
La réfection et le réaménagement du chœur sont envisagés sans aucun doute depuis le milieu du 18e siècle en une vaste entreprise qui s’inscrit dans le contexte général de reprise et de modernisation du décor des édifices religieux. A la suite de Notre-Dame de Paris, les cathédrales d’Auxerre et de Sens ont déjà remodelé leur décor quand le chapitre de Chartres décide d’entreprendre cette opération d’envergure. Malgré l’ambition avouée, les premiers devis sont refusés car jugés trop onéreux : en 1755 celui de l’architecte Étienne et des frères Paul-Ambroise et René-Michel Slodtz, sculpteurs et ornemanistes parisiens qui ont acquis leur notoriété dans l’organisation des fêtes de cour et cérémonies publiques, et en 1763 celui de Guillois, l'architecte qui a dirigé la démolition du jubé médiéval et la restauration du clocher sud.
C’est finalement en 1766 que Victor Louis, architecte déjà célèbre, est agréé en qualité de concepteur et coordinateur des travaux. Ses compétences s’étendent à tous les domaines de l’architecture, il dirige ordinairement une équipe d’artistes et d’artisans qui exécutent ses propositions (décors sculptés de façades, décorations intérieures, ferronnerie et mobilier). Son projet chartrain conserve globalement celui des frères Slodtz dont il adoucit l’esthétique, il supprime les sculptures à l’antique prévues sur le pourtour, la coupole surmontant le maître-autel et crée ainsi un ensemble plus harmonieux et de facture moins sévère. Dans le marché du 28 janvier 1767, il s’engage à suivre sur place la réalisation et à fournir régulièrement aux chanoines les plans de décoration et les rapports d'avancement du chantier. En réalité, les travaux ont débuté dès le 17 janvier et se dérouleront en deux campagnes distinctes pour des motifs financiers, et surtout en raison des réticences et atermoiements du chapitre. La première tranche qui concerne le sanctuaire et le nouveau jubé se termine le 7 août 1773 avec la consécration du maître-autel. La seconde qui s’applique à la partie rectiligne du chœur commence une douzaine d’années plus tard, pour s’achever à l'automne 1789 avec la mise en place des grands bas-reliefs sculptés par Charles-Antoine Bridan. Dans la courbe absidale jusqu’au niveau du triforium, le décor et les statuettes de la clôture de chœur sont masqués par un placage en stuc et en marbre exécuté par deux artisans parisiens, Jean-Baptiste Hermand, sculpteur-stucateur, et Nicolas Montlevaux (ou Montleveau) qui exécutera la totalité de la marbrerie : maître-autel, soubassement du décor mural ainsi que les bénitiers et les plateaux des tables des crédences qui meublent le sanctuaire. Derrière l’autel, dans le revêtement d’entre les deux piliers du rond-point, est intégré le nouveau trésor ou armoire aux reliques, appellation utilisée dans le contrat de 1788, sorte de grand placard aux chambranle et fronton en stuc, et vantaux en chêne peint et doré renforcés de plaques de fer.
Maître-autel surmonté du groupe de l'"Assomption", consacré le 7 août 1773.
Le maître-autel en marbre bleu turquin est pensé comme le "tombeau de la Sainte Vierge", il est encadré de gradins d’autel monumentaux en brique habillée de plaques de marbre blanc veiné. L’emmarchement demi-circulaire qui remplace le pavement du 13e siècle en calcaire de Berchères (carrières situées à proximité de Chartres) mêle les marbres du Languedoc, la brèche d’Alep et le bleu turquin en un délicat dessin d’étoiles et d’ornements géométriques. A Jean-Louis Prieur, sculpteur-bronzier, sont confiés le façonnage des ornements en bronze du maître-autel et des gradins puis la réalisation, à partir de 1769, du tabernacle et du Christ en croix qui le surmonte, des six chandeliers d’autel et des deux lustres suspendus à l’entrée du sanctuaire. Le groupe monumental de l’Assomption ou l’Apothéose de la Vierge, en marbre, est commandé à Bridan dans le marché du 17 janvier 1767 sur des croquis de Victor Louis, et doit être achevé au 1er janvier 1771. Après l’exécution des esquisses et maquettes requises par le chapitre, le sculpteur part pour Carrare en quête des marbres nécessaires à la réalisation du groupe et du maître-autel mais la tâche s’avère malaisée et souffre de retard. Par l’intermédiaire d’un marbrier de la ville, Vitale Finelli, il choisit plusieurs blocs pour l’Assomption : il lui a été en effet impossible de trouver un bloc suffisamment homogène, volumineux et de haute qualité. Le travail préparatoire se fait sur place ainsi que l’assemblage afin de réduire les coûts de transport vers Chartres où Bridan est de retour à l’automne 1771. Le groupe achevé est finalement réceptionné avec plus de deux ans de retard, le jour de Pâques 1773.
Il semble qu’à l’origine les chanoines n’aient pas projeté la réfection de la portion rectiligne du chœur mais le contraste entre l’ancien et le nouveau décor devait être considérable, aussi la continuation du chantier est-elle confirmée à l’été 1786. Dans un souci d’unité stylistique, le revêtement mural est choisi à l’identique mais le marché adjugé à un nouveau stucateur, Joseph Antoine Gontheinze, estimé moins cher que Hermand. Des murs de brique maçonnée au plâtre sont montés entre les piliers sur lesquels sont scellés six des huit bas-reliefs commandés à Bridan ; les deux derniers, Le Signe donné à Achaz et l’Immaculée Conception, sont appliqués en retour sur la face intérieure du jubé élevé depuis plus de quinze ans. Pour achever la rénovation, les deux portes latérales d’accès créées au 16e siècle dans la clôture de chœur sont élargies, couronnées d’un fronton, encadrées de stuc elles aussi et garnies de grilles ouvragées.
Le dallage d’origine, jugé à présent trop modeste, est ôté au profit d’un pavage composé de dalles de marbres blanc et noir fournies par Bridan, faciles d'entretien et moins coûteuses que les marbres polychromes du sanctuaire. Enfin, pour remplacer les stalles Renaissance démontées depuis 1767, Lemarchand, menuisier parisien, exécute plus d’une centaine de stalles en chêne des Vosges et de Hollande et Pierre-Louis Salez sculpte une large frise de rosaces du même bois qui surmonte les sièges et dissimule la partie basse du mur située sous les bas-reliefs. Le nouveau mobilier, crédences en chêne doré et bancs de chœur, est livré pour la bénédiction du maître-autel. Le marché de 1786 prévoyait un trône épiscopal à dresser à l’emplacement de l'actuelle stalle épiscopale. Bien que terminé en 1789, il n'est pas mis en place, est récupéré par le chapitre de Notre-Dame de Paris qui le fait modifier en chaire à prêcher, et finalement la met en vente. Elle se trouve depuis 1871 dans la basilique Saint-Pierre de Luxeuil-les-Bains (Haute-Saône).
Le jubé
Dans le plan de restauration du chœur est inclus un jubé monumental, dont la commande figure dans le marché du 28 janvier 1767 passé avec Victor Louis. Il doit se composer d’une grille en fer accostée de massifs en pierre de Tonnerre, pierre fine et blanche, ornés de hauts-reliefs. La commande passée avec le sculpteur Pierre-François Berruer prévoit, à la partie supérieure, deux scènes bibliques, l’Annonciation et le Baptême du Christ, encadrées par quatre Vertus : Foi, Espérance, Charité et Tempérance. Le décor doit être complété par des bas-reliefs à décor végétal apposés à la partie inférieure et, vers 1788 au revers, par les deux reliefs, Le Signe donné à Achaz et l’Immaculée Conception, exécutés par Bridan. Le 3 avril 1767, le chapitre passe commande à Joseph Perez, serrurier à Paris, pour la confection de la grille et de sa dorure, et à Jean-Louis Prieur pour celle des ornements rapportés en cuivre fondu. Tous deux s’engagent à exécuter leurs travaux "suivant les dessins de Victor Louis", et à les terminer pour Pâques 1769. La dorure du décor est confiée à Antoine-Nicolas Martin, maître doreur à Paris, qui exécute son travail sur la grille déjà mise en place. En 1769, avant l'achèvement de la première phase de restauration intérieure du chœur, le jubé est déjà installé et considéré comme un chef-d’œuvre. Bien que suscitant l'admiration, les fidèles réclament sa disparition et le dégagement du chœur dès le milieu du 19e siècle. Il est démantelé en 1866 et les éléments dispersés. L’Annonciation et le Baptême du Christ restent exposés dans les salles basses des deux clochers et les autres éléments sont répartis entre plusieurs établissements chartrains. En 1872, la grille accostée des pilastres portant la Foi et l’Humilité (sculptée à la place de la Tempérance) ainsi que les reliefs à décor végétal sont transportés à l'hôtel-Dieu. La grille et les deux Vertus sont ensuite remontées en 1958 en clôture de la cour de la Chambre de commerce d’Eure-et-Loir voisine de la cathédrale. En 2000, elles partent en restauration et ont maintenant réintégré la cathédrale où elles sont exposées dans la salle basse de la tour sud. Les Vertus d'Espérance et de Charité ainsi que les deux reliefs de Bridan qui ornaient le revers du jubé, sont déposés au musée des Beaux-Arts de Chartres.
L'Autel majeur du 20e siècle
L'Autel majeur de Goudji consacré le 30 mai 1992.
L’aménagement le plus récent du chœur est la création au début des années 1990 de l'Autel majeur. Le 30 mai 1992, la consécration solennelle du nouveau maître-autel ou "Roc de Lumière" constitue un événement considérable dans l'histoire de l’art sacré contemporain et connaît un retentissement tant sur le plan spirituel qu’artistique. Le projet né de la volonté de Mgr Perrier, évêque de Chartres, est porté par la ville entière et relayé par la générosité des mécènes. Pour la première fois au 20e siècle, un ensemble unique de meubles et d’objets épiscopaux est pensé pour un édifice exclusif et réalisé par un seul artiste. Dès son arrivée à Chartres en 1991, le nouvel évêque souhaite renouveler l’espace religieux de la croisée du transept en le dotant d’un mobilier s’intégrant dans le lieu et néanmoins résolument moderne. Le 12 février 1992, la conception et l’exécution sont confiées à l’orfèvre et sculpteur Goudji. Sous la direction de Mgr Perrier, du Père Legaux, recteur de la cathédrale et de Guy Nicot, architecte en chef des Monuments historiques, il réalise, entre 1992 et 1994, un ensemble liturgique d’une vingtaine de pièces. Le mécénat d'entreprise apporte les 130 kg d'argent nécessaires, le chêne provenant de la forêt de Tronçais (Allier) et les émeraudes enchâssées dans la croix épiscopale et dans la reliure du grand Évangéliaire des processions. Goudji fait don des pierres ornementales et de son travail.
Pour réaliser son œuvre, il utilise l’or, l’argent, des matières organiques et des gemmes originaires de toutes les régions du globe (calcédoine, oeil-de-fer, nacre, onyx, jaspe, oeil-de-faucon, lapis-lazuli, aventurine, tourmaline, sodalite), choisis pour leur valeur symbolique et leur aspect décoratif. Les formes et les décors, en constante référence avec les saintes écritures, s’ancrent dans la tradition religieuse des hauts temps médiévaux, mêlés à des réminiscences de l'art des Steppes. A l'origine, la chapelle épiscopale comprenait la clochette de basilique, la patène et les burettes, le calice, les deux croix d'autel, une croix pectorale et le blason aux armoiries de Mgr Perrier. Elle s'accroît ensuite de nouvelles créations : le calice des grandes concélébrations et son puisoir, une colombe eucharistique destinée à l'usage privé de l'évêque, la navette à encens, l'encensoir et la reliure de l'Évangéliaire. Il réalise en 1998 les armoiries de Mgr Aubertin, appelé à l'épiscopat de Chartres la même année, puis un lutrin destiné à la lecture des épîtres. Le dernier volet du projet initial, partie intégrante dès l'origine de l’aménagement de la croisée du transept, est le grand tapis de sol en broderie qui recouvre l’emmarchement du maître-autel. La réalisation, confiée à plusieurs centaines de bénévoles, est achevée pour la Pentecôte de l’an 2000. Reproduisant les cartons dessinés par le peintre tapissier chartrain Hervé Lelong, l’ensemble se compose de quatre tapis assemblés et disposés en croix autour de l’autel ; l’iconographie développée reprend les symboles du sacrifice eucharistique, de la Résurrection et de la Vie Éternelle.
À l’occasion des travaux de restauration de la cathédrale, Mgr Pansard, évêque de Chartres depuis 2006, souhaite que la cathédrale se dote d'une nouvelle œuvre d’art et commande à Goudji une croix-reliquaire monumentale à élever au-dessus du maître-autel ; celle-ci est inaugurée le 7 avril 2017.
Les aménagements de la crypte
La crypte est élevée en fondations de la nouvelle église par l’évêque Fulbert dans le premier quart du 11e siècle, à l’époque où le culte de l’apôtre Jacques se répand et le pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle s’affirme comme l’un des trois plus importants pèlerinages du Moyen Age. Chartres devient dès lors une étape essentielle sur le chemin vers la Galice, et la crypte le lieu de prière et d’accueil des pèlerins. Un siècle plus tard, avec l’exposition de la statue de Notre-Dame de Sous-Terre, la dévotion à la Vierge de la crypte va s’accroître durablement.
Peintures murales dans la chapelle Saint-Clément, crypte (circa 1200).
On ne connaît aucune description du lieu avant le 17e siècle et il semble que nul aménagement véritable n’ait été réalisé auparavant. L’extrême fin du 12e siècle et les premières années du 13e siècle sont cependant marquées par une campagne de décoration murale qui lui confère une première grandeur. Dans la première moitié du 17e siècle, la réaffirmation des positions de l’Église sur les ministères et les sacrements suscite un renouveau spirituel et le chapitre décide de doter la crypte d’un décor somptueux. Sous le contrôle du chanoine Souchet, commis à l’œuvre, une chapelle est matériellement créée en 1645 par l’élévation de cloisons de bois dans la galerie nord. Jusqu’alors en effet le lieu était ouvert et les cérémonies se déroulaient à l’autel des saints Savinien et Potentien, ou bien à l’autel proche de la Vierge adossé au mur méridional. L’ornementation murale confiée à deux peintres chartrains, Philippe Delaronce et Pierre Pauvert, et à un peintre parisien, Antoine Verpré, est achevée dès 1647 grâce à la libéralité d’Anne d’Autriche. Le retable de fond de chapelle, les lambris et la table de communion sont installés en 1652 par le marbrier David Termen, puis les boiseries et les portes sculptées qui habillent la galerie et instaurent ainsi des espaces de circulation. Jusqu’à la Révolution, la chapelle Notre-Dame de Sous-Terre reste le pèlerinage préféré des souverains français, le roi Louis XIV et la reine Marie-Thérèse viennent d’ailleurs à plusieurs reprises afin d’implorer un héritier. En 1790, le culte y est interdit et l’année suivante le décor saccagé et dispersé. L’évêque constitutionnel Nicolas Bonnet fait remonter la table de communion dans la chapelle axiale de la cathédrale ainsi que la statue de Notre-Dame de Sous-Terre qu’il substitue, près du jubé, à Notre-Dame du Pilier, alors remisée dans la crypte. La Vierge de Sous-Terre est brûlée en décembre 1793 avec les objets et le mobilier de l’édifice.
Laissé à l’abandon durant un demi-siècle, le lieu est loué comme entrepôt et l’espace cloisonné et partagé entre les différents négociants. Après la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception le 8 décembre 1854, il est décidé d’y rétablir les offices mais les travaux s’avèrent considérables, compte tenu de la dégradation générale : ils vont durer près de vingt ans, de 1855 à 1873. Ils débutent dans la chapelle principale où le mobilier du 17e siècle encore en place est définitivement démonté ou détruit ; la chapelle est consacrée le 30 mai 1855, veille du jour du couronnement solennel de Notre-Dame du Pilier. Le 15 septembre 1857, une copie de Notre-Dame de Sous-Terre est placée au-dessus de l’autel. Les autres chapelles, nettoyées et meublées, sont bénies les 17 et 18 octobre 1860 pour le sixième centenaire de la dédicace de la cathédrale ; la décoration murale qui a débuté tardivement s’achève en 1873.
Il ne subsiste que quelques témoignages du décor peint au Moyen Age mis au jour dans la chapelle Saint-Clément et la galerie Notre-Dame de Sous-Terre. Le décor mural du 17e siècle a été partiellement dégagé dans la chapelle et les deux premières travées de la galerie adjacente au cours de l’importante réfection de 1976 qui s’est efforcée en outre de retrouver l’architecture d’origine par la suppression des cloisons intérieures. Deux boiseries de porte existent toujours et des éléments de marbre et de fer provenant du pavement et de la table de communion ont été déposés dans les anciens locaux des Archives départementales d'Eure-et-Loir.
Le mobilier
Rares sont les meubles conservés antérieurs à la Révolution. Après les premières ventes touchant les établissements conventuels, les décrets d’avril et mai 1791 portent sur la réduction du nombre des paroisses dans les communes. A Chartres, les sept paroisses situées à l’intérieur de la ville et sept autres de la périphérie sont supprimées, et la cathédrale déclarée paroisse unique. Elle garde le mobilier strictement indispensable : sièges de chœur et crédences de desserte, la chaire à prêcher édifiée en 1610 par les soins du doyen Robert Boeste pour les prédications de l’Avent et du Carême, ainsi que l’aigle lutrin fondu un demi-siècle plus tôt ; le reste est vendu ou détruit. En 1791 et 1792 elle reçoit, sur la demande de Nicolas Bonnet, les meubles retirés des autres églises de la ville et non cédés, tâche confiée à Laurent Morin, l’entrepreneur qui a exécuté le pavage de la cathédrale en 1788. Sont ainsi déplacés dans le déambulatoire ou comme fermeture des chapelles absidales, le maître-autel de l’église Saint-Saturnin, les grilles de la clôture de chœur de l’église Saint-Aignan, l’autel, le tabernacle et une clôture de chapelle de l’église Sainte-Foy. Quelques oratoires sont créés, c’est le cas de la chapelle de Tous-les-Saints dont les éléments constitutifs proviennent de cinq édifices différents. Une douzaine de confessionnaux, généralement de belle qualité, sont apportés à la cathédrale qui n’en possédait pas, le vieil usage étant resté de confesser les pénitents agenouillés devant le prêtre assis dans un fauteuil ou une stalle du chœur. Des meubles divers sauvés de la destruction y sont entreposés, comme un petit retable médiéval en calcaire polychrome et doré provenant de l’église Saint-Martin-le-Viandier.
Trône épiscopal.Le 19e siècle marque le réaménagement progressif de la cathédrale après les troubles révolutionnaires. La sacristie est dotée d’un ensemble de meubles des 18e et 19e siècles. La chapelle Notre-Dame du Pilier est créée au début des années 1820, autour de la statue exposée dans la première travée nord du déambulatoire. L’espace de prière matériellement délimité, aménagé et meublé entre 1831 et 1836 est devenu, depuis lors, le lieu privilégié d’oraison des fidèles. La chaire à prêcher mutilée en 1793 par les révolutionnaires est remplacée en 1811 par une chaire néo-classique exécutée par un menuisier chartrain, Jacques Guitard fils, le même qui sculptera le trône épiscopal une dizaine d’années plus tard. Le banc d’œuvre néo-gothique haut et spacieux est placé face à la chaire en 1839 ; le dossier, conçu comme un ex-voto de l’incendie de juin 1836, est orné d’une scène allégorique ayant pour personnage central Marie, protectrice de la cité. Le meuble est démantelé en novembre 1928, seuls ont été préservés le dossier allégorique et la dédicace gravée sur une plaque de marbre noir. L’unique dais de procession de la cathédrale, en chêne et parement en velours de soie rouge, est offert en 1846 par Mademoiselle de Byss, fidèle donatrice de la cathédrale.
Orgues et cloches
La cathédrale possède deux orgues, un orgue de chœur et le grand orgue accroché au mur méridional du vaisseau central, dont la rénovation a été inaugurée en 1971 et qui constitue l'instrument joué encore aujourd'hui. La première mention certaine de grandes orgues dans la cathédrale date de 1350, les archives ont livré les noms de plusieurs organistes parmi lesquels Berthaud Lecousturier cité en 1392, et Jean Brisson en 1436. Le premier renouvellement de l’instrument se situe en 1475, avec la création d’une boiserie monumentale appuyée sur la tribune occupée par l’instrument précédent, et dont il subsiste la rambarde à arcatures gothiques qui contourne le balcon. Mais c’est au 16e siècle que les orgues vont prendre de l’ampleur avec l’apogée de la musique polyphonique. Pour habiller l’instrument dont la réfection complète est confiée au facteur-organiste Robert Filleul en 1542, un buffet de grande envergure est commandé à un menuisier chartrain, Roulland Foubert, le 12 décembre 1543, qui doit s'ajuster sur la boiserie antérieure, et qui sera achevé en 1551. Depuis lors, les instruments, toujours plus complexes, se sont succédé, en s’intégrant au buffet que l'on s’est efforcé de préserver dans son intégralité. En revanche le meuble construit pour un instrument ancien n’est plus adapté à celui qu’il abrite actuellement et pour lequel il ne remplit plus le rôle acoustique attendu. Au début des années 1990, le projet d'une reconstruction complète de l'instrument est lancé, puis suspendu en raison de contraintes patrimoniales. Il devrait finalement aboutir en 2019 ; les travaux débuteraient l'année suivante pour s'étendre sur quatre ans.
L’orgue de chœur est placé du côté nord, en avant des stalles, et la partie instrumentale, non visible, logée derrière dans une ancienne chapelle de la clôture de chœur. Il a remplacé les "petites orgues" montées dès 1357 sur la plate-forme du jubé pour l'usage liturgique quotidien afin de suppléer au grand orgue, trop éloigné du chœur pour accompagner les voix des chantres. Les orgues successifs ou "orgues de lutrin" ont disparu à des dates inconnues. Le premier orgue de choeur est exécuté par le facteur d'orgues parisien Charles Gadault en 1857 (console à un clavier placée dans le deuxième rang des stalles, comportant une dizaine de jeux). Il est reconstruit à partir de 1951 par la maison Roethinger de Strasbourg (console à deux claviers (56 notes) placée devant les stalles et une pédale (30 notes) à transmission électrique et 15 jeux réels). Il est relevé et transformé par les établissements Danion-Gonzalez en 1968 : les deux boîtes expressives sont supprimées et font place à quatre volets ouverts manuellement pour l’utilisation de l’instrument ; et à nouveau par le facteur d’orgues Jean-Marc Cicchero en 1995, qui ajoute une cymbale 3 rangs.
Pavillon de l'horloge qui abritait le mécanisme d'horlogerie du timbre jusqu'en 1887.Sept cloches d’église sont suspendues dans le clocher nord. La plus ancienne, le timbre qui sonne l’heure, la demie et le tocsin est exécutée par Pierre Savyet, fondeur de cloches et de canons pour la marine sur le modèle de la cloche de l'horloge du Palais de la Cité à Paris et entre en fonction le 23 septembre 1520. En raison de l’usure de la paroi de la cloche à l’endroit de la frappe, elle est alternativement frappée par deux marteaux depuis 1887, grâce à un mouvement d'horlogerie à électro-aimant. Les six autres cloches sont mises en place après l'incendie de juin 1836 : Marie, le bourdon, et Joseph ayant pour marraine Adélaïde Chartier de Coussay, marquise la Rochejaquelein, en septembre 1840, Élisabeth, Fulbert, et Anne, baptisée en souvenir de la reine Anne de Bretagne qui offrit une cloche en 1510 lors d'un pèlerinage, et enfin Piat en 1845.
A la veille de la Révolution, la cathédrale abrite six cloches dans le clocher sud : Marie et Gabrielle, deux des trois bourdons, pèsent chacun plus de dix tonnes. Le clocher nord n'héberge que deux cloches, le timbre et une petite cloche qui appelle aux offices. Pendant l’hiver 1793-1794, les cloches du clocher sud sont descendues pour en récupérer le métal et fondre canons et menue monnaie ; les deux autres cloches, notamment le timbre indispensable à la vie de la cité, sont préservées. En 1816, de nouvelles cloches sont installées dans le clocher nord qui seront détruites ainsi que la cloche des offices au cours de l’incendie de 1836. La cathédrale conserve en outre deux cloches de cérémonie, une clochette suspendue dans le déambulatoire près de la porte de la sacristie qui est actionnée par le servant, dès que le prêtre en sort, pour avertir du début de la célébration et la cloche de messe pontificale, placée sous une cloche de bois dans le bas-côté nord, qui annonce l’arrivée de l’évêque présidant la messe.
L'orfèvrerie
L’orfèvrerie liturgique a disparu dans la tourmente révolutionnaire. Après la nationalisation des biens du clergé, l’inventaire de l’argenterie est dressé le 28 novembre 1789, les pièces qui ne sont pas essentielles à l’exercice du culte sont immédiatement envoyées à la fonte, bientôt suivies par l’orfèvrerie précieuse. Il n’est donc guère possible à partir des objets actuels d’estimer la splendeur passée. La reconstitution de la collection s’est progressivement faite à partir du deuxième quart du 19e siècle par des achats, commandes, dépôts et dons manuels de prêtres ou de leurs familles après décès. Plus de deux cent cinquante pièces ont été recensées à ce jour dont la typologie est finalement réduite : les calices et patènes, ainsi que les ciboires en nombre sensiblement inférieur, sont largement représentés, au contraire des ostensoirs, reliquaires, chapelles d’orfèvrerie, croix de procession, burettes et des vases destinés au service de l’évêque. De plus, la qualité très inégale, parfois moyenne, a limité l’étude à une centaine de pièces et certaines catégories d’objet n’apparaissent pas fréquemment, c’est le cas des garnitures d’autel souvent incomplètes, en mauvais état ou produites industriellement.
La cathédrale possède peu de vases sacrés d’Ancien Régime. Outre les objets provenant du trésor, six pièces d’excellente facture ont été dénombrées qui ne font toutefois pas partie du fonds ancien : les trois calices et la patène datent du milieu du 17e siècle, les deux ciboires de la seconde moitié du 18e siècle. Leurs lieux d’exécution restent aléatoires (Angers, Paris, Strasbourg), les provenance et date d’entrée sont inconnues hormis celles du calice personnel de Mgr Michon offert à la cathédrale vers 1970. La première décennie du 19e siècle, époque transitoire qui voit la reprise de l’activité des fabricants après les années d’arrêt de la période révolutionnaire, est évoquée par deux pièces : un calice et un ostensoir de l’orfèvre parisien Jean-Ange-Joseph Loque (1798-1809), encore imprégnés des modèles du 18e siècle finissant.Chapelle d'orfèvrerie ; calice, patène, burettes, plateau à burettes, clochette d'autel (vers 1894, argent doré, émaux).
Les objets datent en majorité du 19e siècle, principalement de la seconde moitié et sont essentiellement d’orfèvrerie « ordinaire » ; quelques-uns témoignent cependant d’une exécution plus soignée voire exceptionnelle car leur création est liée à un événement ou une célébration solennelle. L’orfèvrerie est exclusivement parisienne, l’étude des poinçons a généralement permis de retrouver les orfèvres ayant œuvré pour la cathédrale que l’on peut évaluer à plus d’une trentaine ; certains n’ont pu être identifiés en raison de l’altération ou de la disparition des marques. La plupart des fabricants jouissent d’ailleurs d’une bonne renommée, c’est une préoccupation essentielle du chapitre de s’adresser toujours aux meilleurs artistes parmi lesquels Jean-Charles Cahier, Charles Trioullier (1844-1863), les frères Demarquet (1868-1890), Jean-Alexandre Chertier (actif à partir de 1857), Paul Brunet (1871-1913), Auguste Cabaret (1900-1923).
Dominent cependant deux fabricants qui bénéficient d’une notoriété incontestable en France et à l’étranger : Placide Poussielgue-Rusand (1847-1889), dont la production très diversifiée tant sur le plan stylistique que typologique est reflétée par la collection de la cathédrale : somptueuse châsse d’exposition du Voile de la Vierge, pupitre d’autel, crosse épiscopale, chapelle d’orfèvrerie, calices et patènes, ciboires, croix pectorale de chanoine. Alexandre Thierry (1823-1853), quant à lui, est présent en particulier par un ostensoir et une croix de procession dont les décors restent dans le sillage des deux siècles précédents et surtout par ses créations néo-gothiques : les couronnes et sceptre de Notre-Dame du Pilier pour le couronnement de la statue et un ensemble épiscopal, calice et burettes. Les objets du 20e siècle, des calices et patènes en grand nombre, sont d’une facture courante à l’exception de la remarquable chapelle épiscopale de Goudji qui compte plus de quinze pièces utilisées lors des offices présidés par l’évêque.
Modèles et décors
Les vases sacrés expriment les styles et tendances en faveur à l’époque de leur exécution : baroque, néo-classique, néo-gothique, art déco. Ils sont sobres ou exubérants et d’une grande variété formelle et technique : emploi d’émaux peints, champlevés, translucides et de leurs imitations, applications de filigranes, incrustation de nielle, de pierres précieuses et semi-précieuses. En complément du décor végétal traditionnel (blé, roseau et vigne), des représentations de personnages saints, des vertus théologales et des scènes de l’Enfance et de la Passion du Christ, beaucoup sont timbrés de l’emblème et des symboles de la cathédrale, marquant ainsi leur filiation : figurations de Notre-Dame du Pilier et de Notre-Dame de Sous-Terre, châsse du Voile de la Vierge, armoiries de la ville.
Le modèle le plus prisé reste sans conteste le calice trouvé en 1844 dans la sépulture d’Hervée, évêque de Troyes au 13e siècle dont l’estampage est reproduit en 1845 dans les Annales archéologiques d’Adolphe Didron. Il suscite dès sa découverte l’engouement du clergé par l’épurement de ses formes et va devenir une source inépuisable d’inspiration pour les orfèvres de la seconde moitié du 19e siècle. Son esthétique séduit le chapitre de Chartres : seize pièces sont dénombrées (calices, ciboires, burettes, seau à eau bénite) adaptées plus ou moins librement par des orfèvres dont les productions montrent par ailleurs peu de points communs.
Les textiles
Sous l’Ancien Régime, les ornements et les vêtements liturgiques et épiscopaux sont fastueux et régulièrement renouvelés, compte tenu de leur fragilité. Dès que les tissus présentent des traces d’usure, ils sont remplacés et détruits habituellement par le feu. Au préalable, les éléments décoratifs sont décousus et l’or et l’argent récupérés pour être réutilisés sur de futurs vêtements. La cathédrale est tendue de tapisseries que les prélats de la Renaissance affectionnent tout particulièrement et qu’ils n’hésitent pas à offrir généreusement pour orner leur cathédrale. L’évêque Nicolas de Thou (1573-1598) donne ainsi une suite de dix tapisseries en laine et soie illustrant l’Histoire de Moïse tissée à Bruxelles par Martin Reymbouts vers 1570-1578. Les Vierge de Sous-Terre et du Pilier disposent chacune, aux 17e et 18e siècles, de plusieurs séries de parures que l’on change suivant le calendrier liturgique. Peu de textiles survivent aux destructions révolutionnaires : dans les premiers mois de 1793, les marguilliers ordonnent de brûler les tapisseries pour en recueillir le métal. Sont finalement préservés une robe de la deuxième moitié du 14e siècle, en soierie de Lucques et bordée de fourrure d'hermine, anciennement portée par la Vierge de Sous-Terre, une robe et un voile du milieu du 17e siècle appartenant à la Vierge du Pilier, des fragments du Voile de la Vierge et du voile dit de la princesse Irène qui enveloppait la relique jusqu’à la disparition de la Sainte-Châsse, et cinq des dix tentures de Nicolas de Thou, maintenant conservées au musée des Beaux-Arts de Chartres.
Robe de la statue de Notre-Dame de Sous-Terre.
Au 19e siècle, la collection de robes de la Vierge du Pilier se reconstitue et les inventaires ne mentionnent pas moins de quinze ensembles. La cathédrale achète et bénéficie de dépôts dont un ornement complet en satin de soie blanche, un ornement en velours de soie rouge au chiffre d’Anne d’Autriche déposé par le Carmel de Chartres et un antépendium en soie brodée au point de Hongrie provenant des réserves nationales du château de Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher).
Les vêtements utilisés actuellement pour le service de la cathédrale, confectionnés dans la seconde moitié du 19e siècle et la première moitié du 20e siècle, offrent un intérêt moindre. Quelques pièces font exception : un ornement blanc offert par l’impératrice Eugénie de Montijo venue se recueillir auprès de Notre-Dame du Pilier, comprenant une chape et deux dalmatiques en gros de Tours semé de fleurs de lys et brodé de médaillons aux symboles de la cathédrale, la mitre précieuse de Mgr Michon exécutée sur le modèle des mitres du 13e siècle, le grand tapis de chœur dit de la duchesse d’Angoulême inauguré le 15 août 1847, dont l’appellation vient de la présence d’une fleur de lys brodée par Madame Royale.
Peinture et sculpture
Indépendamment des peintures murales de la crypte et de la salle capitulaire dont l’iconographie est pratiquement illisible en raison de l’humidité qui a fait disparaître les pigments, la cathédrale possède quatorze tableaux de chevalet et peintures sur bois du 17e au 19e siècle. Se rattachent à l’édifice deux petits panneaux anonymes du 17e siècle offerts en ex-voto, la Résurrection du Christ par Pierre Pauvert en 1676, auteur de peintures murales dans la crypte, la Dormition de la Vierge peinte en 1819 par Jean-François Bosio (1764-1827) et l’Incendie de la cathédrale Notre-Dame en 1836 par Charles Fournier des Ormes, ou Désormes (1777-1850). La Transfiguration aurait appartenu au couvent des Jacobins, le Sacrifice d’Abraham et le Baptême du Christ, dont les supports ont été modifiés, proviennent sans nul doute du retable d’un même édifice malheureusement non identifié. Les autres toiles, non documentées, sont des copies interprétées de maîtres tels que Raphaël, Nicolas Poussin, Pierre Mignard et Antoine Coypel, et développent les thèmes iconographiques traditionnels tirés de l’Ancien Testament, de la vie de la Vierge et de la vie du Christ.
Extrêmement bien dotée en matière de sculpture architecturale avec les pièces remarquables que sont les éléments du portail Royal et les fragments du jubé médiéval, la cathédrale n’est guère riche en statuaire isolée. La belle statue de Notre-Dame du Pilier exécutée dans les premières années du 16e siècle est la plus ancienne conservée, quelques petits groupes ou statuettes pourraient provenir de la clôture de chœur, les autres statues, sans grand éclat et pour lesquelles on ignore du reste s’il s’agit d’œuvres liées à l’édifice ou plus sûrement apportées de l’extérieur, retiennent peu l’attention, hormis le haut-relief en marbre l’Apparition à Marie Madeleine déplacé du grand séminaire en 1791.
Une cathédrale vivante et tournée vers l'avenir
Aujourd'hui encore, fidèle à son héritage séculaire, la cathédrale de Chartres continue sa mutation par le renouvellement des projets d'embellissement et de mise en valeur des décors et des objets mobiliers. Débutée depuis plusieurs décennies, la restauration des verrières qui ont contribué à renforcer la renommée de l'édifice, se poursuit à un rythme ininterrompu : rose et lancettes du bras sud du transept en 2006-2007, baies du haut-choeur en 2009-2010, baies de la nef en 2014-2016... La restauration du décor intérieur engagée depuis 2008 a permis la mise au jour, en 2012, de peintures murales, dont l'existence était jusqu'alors ignorée, dans les deux travées occidentales de la nef situées entre les clochers romans, la redécouverte des couleurs et dorures du choeur de Victor Louis et le dégagement du décor à faux-joints, presque intact, du déambulatoire en 2011-2012 et de la nef en 2014-2016, redonnant ainsi leur éclat originel aux murs de l'édifice et aux décors rapportés.
La réflexion menée sur le dépôt lapidaire aboutit finalement, au début des années 2000, à la rédaction d'un inventaire sommaire s'appuyant sur une recherche universitaire ancienne, au classement méthodique des pièces et à leur rangement, après nettoyage, dans les parties hautes de la cathédrale. Depuis l'an 2000, date de son transfert dans les lieux de réserve avant l'assainissement complet de la chapelle Saint-Piat et de la salle capitulaire, le trésor est dans l'attente d'une nouvelle installation (effective vers 2020) qui valorisera un nombre accru de vases et d'ornements sacrés, tout en préservant la fonction liturgique des objets encore en usage.
Concernant la clôture de choeur, la restauration en 2006 de la polychromie du cadran de l'horloge astrolabique est suivie très vite, grâce au mécénat d'entreprise, de la reconstitution du mécanisme de l'horloge, puis de la rénovation de la travée entière de l'horloge en 2008-2009, ce qui a permis de restituer sa luminosité à l'exceptionnelle ornementation Renaissance. Ces premières interventions ont débouché sur un projet de restauration complète de la clôture, actuellement en cours.
Enfin, et sans nul doute n'est-il pas le dernier, un projet de restauration des peintures murales du 17e siècle de la crypte est à l'étude, qui aura pour but de redonner sa magnificence, même partielle, au décor du Grand Siècle.
En parallèle, les objets mobiliers font l'objet de restaurations et la cathédrale s'enrichit de créations : la plus récente étant la croix monumentale réalisée par le sculpteur Goudji et consacrée en 2017.